Le chuintement de la douche se tut doucement, plongeant la pièce dans le silence, coupant court
à mes réflexions. Quelques minutes plus tard, elle sortit nue de la salle de bain, une serviette noire
enroulée sur la tête, la peau rosie par l'eau chaude. Les gouttes cascadant sur ses courbes, tombaient
silencieusement sur le parquet en bois blanc, coloré par la lumière pâle. Elle se déplaçait nue d'une
démarche féline, langoureuse, envoûtante; ses longues jambes brunes étaient terminées par des pieds
fins, aux ongles vernis de rouge.
Je me rappelle cet été quand je regardais ses sandales claquer sur ses talons nus, déjà envahie par un
désir brûlant, irrépressible; mes yeux s'étaient alors soudés aux siens, lourds d'envie; elle me souriait; ses
lèvres ourlées lui prêtaient un air sensuel et lascif. Elle lèva les bras et dénoua sa serviette en secouant la
tête. Une furie de cheveux noirs tomba sur ses épaules fines. Sous ses sourcils bien dessinés, ses grands
yeux noirs, très brillants, semblables à la surface d'un lac au crépuscule, me sondaient sans vergogne.
J'avais pressenti chez elle des promesses de sexe brutal, très primaire, mais il n'en fut rien; au contraire,
des deux, c'est moi qui me révèla la plus dépravée. Elle fut tout en tendresse et soucieuse de plaire.
Elle n'était pas à sa première expérience saphique mais elle me répèta que je surpassais de loin ses
précédentes conquêtes; je me plus à la croire, car mes expériences hétérosexuelles n'avaient jusqu'à
présent jamais été bienheureuses; avant elle, j'étais amoureuse d'aucune fille en particulier, mais seulement
des filles en tant que telles, comme on peut aimer sa propre image, trouvant toulours plus émouvantes et
plus belles les autres, que l'on se trouve soi-même, dans le plaisir à se voir abandonner sous leurs caresses.
Par dessus le drap, elle posa sa main sur ma cheville et mes seins durcissèrent aussitôt; juchée sur ses
genoux, elle écarta les jambes pour me laisser passer. Malgré la douche, son entrejambe diffusait encore
un parfum à l'arôme sensuel mêlé de ma salive et de son désir; une fois allongée sous elle et peinant à
contenir ma propre impatience, je commençai par lécher sa peau autour de ses lèvres odorantes. Il s'en
dégageait une douce chaleur; ma bouche fraya maintenant avec son aine, très près de sa vulve, et elle trembla
d'anticipation. Je glissai le bout de mon index sur le dessin plissé de son sexe moite qui s'ouvrit graduellement
sous mes yeux, la sentant se resserer autour de mes doigts, l'entendant gémir à me faire tourner la tête.
Peu à peu, rattrapée par mon impatience, je commençai à laper ses grandes lèvres, une à une, en faufilant
désormais le bout de mon index dans son ventre, avant d'oser ma langue, assez loin pour que mes dents
touchent la crête enflée. Elle se cabra, elle se tut, elle savoura le moment. Elle répandit son désir dans ma
bouche. Ses seins étaient pressés contre mes mollets; assise à califourchon sur mon visage, gémissante,
pendant que j'écartai ses fesses pour m'enivrer de sa saveur, glissant mes doigts sur ses jambes brunes.
Elle glissa sur moi, me permettant ainsi de voyager de sa vulve savoureuse au sillon de ses reins. Juste à la
crispation des muscles de ses cuisses, elle parut sur le point d'abdiquer sous le zèle de mes caresses. Elle
roula sur le coté, puis remonta vers la tête de lit. Les volets étaient tirés, la chambre presque obscure.
- Pas encore, halèta-t-elle.
Malgré son teint hâlé, je remarquai ses joues rougir par le désir. Ainsi étendue sur le dos, les bras au dessus de
la tête, elle exhibait ses seins en constante érection; je rampai vers elle pour mordiller leurs pointes, dures et foncées,
avant de lécher avidement les aréoles; elle m'enlaça, promèna ses ongles le long de mon épine dorsale. Constatant
son soudain avantage, elle me retourna sur le dos; les genoux écartés, je sentis son souffle chaud sur ma vulve. Elle
introduisit ses doigts dans mon logis profond et onctueux. Enhardi, son plaisir la guida entre mes reins, dans la vallée
chaude de mes fesses, à l'entrée de l'étroit pertuis; je me cambrai pour aller à la rencontre de sa bouche affamée.
Gémissant plus d'une heure sous ses caresses, et enfin les seins dressés, les bras rejetés en arrière, empoignant les
barreaux du lit, je commençai à crier, lorsqu'elle se mit à mordre lentement la crête de chair où se rejoignaient, entre
les cuisses, mes petites lèvres; me sentant brûlante et raidie sous sa langue, elle me fit crier sans relâche, jusqu'à ce
que je me détendis d'un seul coup, moite de plaisir; je râlais alors que je jouissais pour la seconde fois de la journée.
Nous nous endormîmes, en mêlant nos rêves et nos corps, bouleversées d'amour et de désir.
Aujourd'hui, je pense à tout ce que j'aime en toi et qui s'éclaire parfois, à ton insu, comme un beau front de mer.
Parce que tu m'as fait, un instant, cette confiance, d'être pour moi, toute claire et transparente, je serai toujours là.
Bonne lecture à toutes et à tous.
Méridienne d'un soir.
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On lui rappela, mais il lui paraissait peu probable qu’elle sût, en toute connaissance de cause, à quoi elle s'était engagée;
lorsqu’elle l’aurait compris, il serait trop tard pour qu’elle échappât; après une route interminable, Juliette arrêta la voiture
devant un portail austère où un homme nous attendait; le temps de reprimer son angoisse, Charlotte se retrouva les yeux
bandés; elle portait une robe droite noire, avec une fente arrière arrivant jusqu'à mi-cuisse; en dessous, un corset rigide
rehaussait ses seins, révélant les aréoles, et la naissance des pointes, en faisant saillir le ventre, des bas fins et noirs
tenus par un porte-jarretelles; elle était chaussée de talons hauts; sa Maîtresse lui attacha les mains derrière le dos.
Le temps de réprimer son angoisse, une poigne énergique et brutale enserra ses bras frêles et la conduisit dans une pièce
qu'elle imagina minuscule, sorte d'antichambre où elle attendit un long moment; nous fûmes conduites dans un petit salon;
je me glissai derrière elle, et soulevai sa chevelure, en faisant glisser la fermeture éclair de sa robe, de la nuque, jusqu'au
bas du dos, le vêtement tombait à ses pieds, tandis que je dégraffai ses bas en les faisant glisser le long de ses jambes.
Le serre-taille rejoignit le reste de sa parure à ses chevilles, dénudant totalement Charlotte; elle conservait, fixée au centre
de ses reins par trois chaînettes d'or tendues à une ceinture de cuir autour de ses hanches, un bijou imitant un sexe dressé,
destiné à distendre le cercle de chair, et à rendre encore plus aisé l'usage de cette voie; jugée trop étroite, pour la prêter, sa
Maîtresse avait cru bon de l'élargir afin qu'elle fut doublement ouverte; ainsi forcée, elle en portait un chaque jour plus épais.
Une présence se manifesta soudain l'arrachant de sa torpeur; on la poussa pour descendre les marches d'un escalier
tortueux; l'odeur de la terre humide emplissait ses narines; au bas de l'escalier, se trouvait une cave avec son odeur
caractéristique de moisissure; une véritable cave comme une esclave doit l'aimer; on retira la ceinture de cuir et on la fit
asseoir sur une chaise en bois hérissée d'un volumineux godemichet de sorte qu'il la pénétre profondément entre ses reins.
Empalée dans la cave déserte, où les effluves d'humidité évoquaient l'odeur des anciennes prisons, on glissa sur sa
tête une cagoule emprisonnant la nuque et aveuglant ses yeux, ne laissant passer l'air que par une ouverture pratiquée
au niveau de la bouche; elle ne fut pas fouettée tout de suite; les seins et la bouche offerts, dans cette froide pénombre
où ne pénétrait aucun bruit, tremblant de froid, elle ne vit jamais les deux hommes qui entraient ni la jeune fille soumise.
Quelqu'un l'appela "Numéro 2" et s'adressa à elle en la traitant de "sac à foutre"; Charlotte apprit qu'elle était là pour
servir de réceptacle à la semence des Maîtres, qu'elle devait recevoir par tous les orifices prévus par la nature, sans
jamais protester ni même trahir une quelconque émotion; c'était une femme ravalée au rang d'objet muet et servile;
un homme s'approcha de la chaise; Charlotte devina qu'il tenait à la main deux longues et fines aiguilles.
On la porta sur une table où elle fut allongée sur le dos et solidement ligotée; elle attendit quelques minutes dans la
position infamante de l'esclave offerte et consentante; les hommes s'approchèrent d'elle et brusquement elle sentit
des dizaines de doigts la palper, la fouiller, la dilater avant que les sexes inconnus ne commencèrent à la pénétrer;
elle fut malmenée, saccagée, sodomisée; mais un Maître interrompit brutalement la séance qui lui parut trop douce.
Il s'empara d'un sein qu'il se mit à pétrir, à caresser, puis à pincer pour en faire jaillir la pointe granuleuse; lorsque le
mamelon fut bien excité, il y planta la première aiguille, puis presque aussitôt, la seconde dans le mamelon du sein
qui n'avait pas été caressé et qui réagit par conséquent de toute autre façon; d'autres aiguilles furent plantées, tout
autour des aréoles, faisant perler quelques gouttes de sang, puis il transperça la peau endolorie des grandes lèvres.
L'homme força sa bouche alors que les lèvres osaient à peine effleurer la pointe du sexe, protégé encore par sa gaine
de douce chair; Juliette admirait les mouvement de la bouche refermée et resserrée sur le membre qu'elle avait saisi,
et le long duquel elle montait et descendait, le visage défait de larmes chaque fois que le sexe gonflé la frappait jusqu'au
fond de la gorge, repoussant la langue et lui arrachant une nausée; elle le reçut avec soulagement comme une offrande.
L'homme, penché au dessus d'elle, tenait à la main une bougie; d'un geste lent, le bougeoir doré s'inclina, la cire brûlante
perla sur sa peau en cloques blanchâtres; l'idée d'être brulée vive la terrorisait; son martyre devenait malgré elle délicieux;
elle perdait la notion du temps et de la douleur; soudain des coups de fouet la cinglèrent avec une violence terrifiante; elle
compris que les cinglements étaient destinés à faire éclater les croûtes de cire qui constellaient son ventre et ses seins.
On détacha Charlotte de façon à lui permettre de pouvoir prendre du repos, mais cet intermède ne dura que le temps de
préparer l'épreuve suivante; on lui lia les chevilles avec des lanières de cuir reliées par des chaînes au murs de pierre et
on emprisonna ses poignets dans des bracelets d'argent pendus que l'on écarta en croix, comme les cuisses; elle était
ainsi offerte dans cette position humiliante, que la lumière ne parvenait pas à rendre impudique.
Les seins et le ventre offerts, et le lugubre silence; rien qui lui était d'autant de secours que le silence et les chaînes; se
lassait-elle ? Non; à force d'être outragée, il semble qu'elle aurait dû s'habituer aux outrages, sinon au fouet à force d'être
fouettée; on lui ôta la cagoule; Charlotte parut fascinée par la noblesse des lieux; c'était une cave voûtée splendide, aux
murs de pierres apparentes; des cierges ornaient chacun des angles dont les flammes tremblaient sur l'or des pierres.
Lorsqu'elle reçut le premier coup de fouet, elle comprit qu'il s'agissait d'un martinet souple utilisé de façon à lui chauffer le
corps avant d'autres cinglements plus agressifs; l'homme passa rapidement à la cravache; elle en reconnut la morsure
particulière; on la flagella avec une rigueur impitoyable, si bien que le ventre et le devant des cuisses avaient leur part
autant que les seins; l'homme voulait entendre Charlotte hurler au plus vite; il écouta ses gémissements devenir des cris.
Pendue aux bracelets qui lui sciaient les poignets, écartelée à en sentir les jointures de ses cuisses endolories, elle ne
pouvait faire un mouvement, ni tourner la tête pour voir la jeune soumise; "Numéro 2" s'approcha de Charlotte; après un
moment, on retira la cagoule qui l'aveuglait; elle aperçu la jeune fille, à peine plus âgée qu'elle; elle avait un corps parfait
et un visage délicat; un homme lui murmura à l'oreille qu'elle devait se servir d'elle comme bon lui semblerait.
Flattée, "Numéro 2" entendait amener Charlotte à merci; elle commença par lui caresser l'intérieur des cuisses; la jeune
soumise semblait sûre d'elle, faisant preuve d'une tranquille détermination; elle ne ressemblait plus en rien à une esclave
sinon sa nudité; au contraire, elle avait le port du visage fier; aux premiers coups qui la brûlèrent au ventre, Charlotte gémit.
"Numéro 2" passait de la droite à la gauche, s'arrêtait, reprenait; la suppliciée se débattait de toutes ses forces.
Charlotte crut que les liens la déchireraient; elle ne voulait pas supplier; qu'une femme fût aussi cruelle, et plus implacable
qu'un homme, elle n'en avait jamais douté, mais elle pensait que la jeune soumise cherchait moins à manifester son autorité
qu'à établir une complicité; de fait,"Numéro 2" arrêta la flagellation pour s'amuser avec son sexe, écarter les chairs, agacer
le clitoris, et la pénétrer avec le manche de la cravache; enfin, elle fit le tour du corps écartelé et détacha Charlotte épuisée.
Souillée de sperme et de sueur, Juliette décida qu'elle devait être reconduite au premier étage pour qu'elle fût douchée;
après une minutieuse toilette, elle lui ordonna d'uriner à même le sol dans une coupelle, de renifler son urine et de la boire;
bouleversée par cette épreuve, au bord des larmes, mais n'osant se rebeller, elle sentit soudain qu'elle n'y échapperait pas,
elle se mit à laper le liquide tiède et clair et à l'avaler, prenant soin de ne laisser aucune goutte, sans être comblée de honte.
Elle fut conduite dans la chambre qu'elle devait occuper, où nue et attachée, elle s'endormit.
Hommage à Charlotte.
Bonne lecture à toutes et à tous.
Méridienne d'un soir.
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Amazone. Ce mot n'évoque pas seulement une cavalière de la belle époque ou le costume qu'elle portait. C'est le
souvenir d'antiques peuples de femmes guerrières. Filles d'Arès et de la naîade Harmonie, selon la légende, elles
vivaient en Cappadoce, sur les rives du Thermodon, au Nord-Est de la Turquie, et conquirent de vastes étendues
jusqu'en Asie Mineure; elles avaient l'habitude de se comprimer un sein dès l'enfance, afin de faciliter le tir à l'arc.
Portant casque et armure, arcs de bronze et boucliers en demi-lune, ce furent les premières femmes à utiliser la
cavalerie. Sans foi ni loi, vivant de pillage, elles constituaient des tribus matriarcales qui se perpétuaient par de brèves
relations, une fois l'an, avec des hommes des régions voisines auxquels elles renvoyaient les enfants mâles, ne gardant
que les filles qui étaient très tôt entraînées à la chasse et à la guerre. Leur pays était gouverné par une reine.
Les récits les plus connus sur des Amazones viennent de l'antiquité grecque. Les Amazones apparaissent dans les textes
au VIII ème siècle av. J.-C. chez Homère. Cependant, il est pratiquement certain que le mythe était transmis oralement bien
avant son évocation dans l’Iliade. Cette apparition au VIIIe siècle lui donne une nouvelle impulsion et les guerrières font leur
apparition sur des boucliers et des vases. Les plus anciennes représentations mises au jour datent de 700 av. J.-C.
Elles se disaient filles de Mars, le dieu de la guerre; sous la conduite de reines énergiques: Orythie, Marpésia, Lam-pedo,
Antiope, Hippolyte, Penthesilée, elles firent de vastes conquêtes en Asie; mais des expéditions conduites par les grands
héros grecs, Hercule et Thésée défirent les Amazones sur leur territoire d'origine; Achille aurait tué Penthesilée en combat
singulier pendant la guerre de Troie. Ainsi, disent les anciens, s'éteignit la nation des Amazones du Thermodon.
Des historiens d'Alexandre le Grand relatent qu'il rencontra au Sud-Est du Caucase certaines de leurs descendantes.
Accompagnée d'une escorte de trois cents guerrières, leur reine Thalestris vint au camp d'Alexandre et lui demanda de lui
faire un enfant, afin d'allier les sangs de la plus forte des femmes et du plus puissant des hommes; selon la légende, moins
ardent que Thalestris, Alexandre partagea son lit pendant treize nuits, au bout desquelles la reine rentra chez elle.
L'historien grec Diodore de Sicile conte aussi les exploits des Amazones de Libye, des guerrières d'Afrique du Nord vivant
avec des hommes et exerçant le pouvoir. On dit aussi qu'elles édifèrent le temple d'Ephèse qui fut l'une des sept merveilles
du monde, qu'elles s'emparèrent de Troie mais que pourchassées par des tribus barbares, elles perdirent au combat leur
reine Marpésia. Leur pays, gouverné par une reine, avait pour capitale, Themiscrya. Elles fondèrent Smyrne et Paphos.
Enfin plusieurs historiens grecs et latins parlent d'Amazones qui auraient vécu en Scythie, dans le Sud de l'actuelle Ukraine
près de l'embouchure du Don. Mais, ce ne sont pas à proprement parler des Amazones, car vivant avec des hommes, elles
jouissaient d'une certaine égalité avec eux. On retrouve des Amazones en Bohème vers 730. Des voyageurs portugais du
XVI ème siècle signalent des Amazones en Ethiopie; elles vivaient avec des hommes et avaient le pouvoir sur eux.
Les Amazones sur lesquelles nous avons les informations les plus directes sont celles que rencontra et combattit en
1542, sur les rives du fleuve brésilien, portant maintenant leur nom, l'expédition de l'explorateur espagnol Orellana.
Elles faisaient payer tribut aux peuplades voisines, et ramenaient de force de leurs expéditions, des prisonniers par
qui, elles se faisaient féconder; elles gardaient leurs filles avec elles et renvoyaient les fils à leurs pères.
Les Amazones du Dahomey étaient des guerrières de grande valeur qui disparurent lors de la colonisation française.
Elles se distinguaient par leur mépris des dangers et par leur férocité. Au sommet des montagnes bordant la Guyane,
un autre peuple d'Amazones n'obéissait qu'aux reines qu'il se donnait. Peu combatives, ces Amazones vivaient en
parfait voisinage avec les autres tribus. Ainsi chaque continent connut ses propres Amazones aux mœurs différentes.
Si certains historiens contemporains ont, dans leurs études, nié leur existence réelle, il parait difficile aujourd'hui de
se rallier à leur opinion alors que tant d'écrivains et d'artistes ont fait figurer certaines d'entre elles dans leurs œuvres:
Homère, Plutarque, Polyen, Pline, Isocrate, Lysias, Ptolémée, Hippocrate et que par ailleurs des fouilles archéologiques
ont permis de mettre au jour des tombes de femmes guerrières, enterrées avec leurs armes entre 600 et 200 av. J.-C.
Dans l'Antiquité gréco-romaine, Les Amazones formaient un groupe généralement indifférencié ou le collectif primait sur
l’individuel. Dans la céramique, elles sont ainsi rarement identifiées par des inscriptions. Cependant trois Amazones se
détachent du collectif et connurent des destins singuliers, abondamment contés par les auteurs anciens. Ces guerrières
jouissant d’une place privilégiée dans la mythologie amazonienne sont Penthésilée, Hippolyté et Antiopé.
Penthésilée, fille d'Arès et d'Otrera participe avec une dizaine d’autres amazones à la guerre de Troie afin de venir en
aide à Priam, roi de Troie, suite à la mort d’Hector. Elle prouve sa valeur en tuant de nombreux Grecs et grâce à elle
les Troyens reprennent le dessus. Mais Achille apparait, défie la reine des Amazones et la tue en combat singulier.
Après sa mort, il tombe amoureux d’elle et pleure sa mort. Il recueille son corps et l'enterre avec tous les honneurs.
Hippolyté, quant à elle, est la reine des Amazones et son père, Arès, lui a transmis une ceinture en reconnaissance de
ses aptitudes guerrières. Lors de son IX ème travail, Héraclès doit récupérer cette ceinture pour la fille d’Eurysthée qui lui
a commandé les travaux. Héraclès accoste à Thémiscyra, la capitale amazonienne, et combat les Amazones pour obtenir
la ceinture. Il tue finalement la reine pour la lui soutirer. On raconte aussi qu'Hippolyté s'éprit du héros et lui offrit.
Antiopé fut vaincue et enlevée par Thésée, qu'elle épousa et auquel elle donna un fils, Hippolyte qui fut aimé de Phèdre.
son rapt amena les Amazones à marcher sur Athènes en représailles, afin de délivrer leur sœur. Siphione vint féliciter
Jason après la capture de la Toison d'Or. Lysippé brisait les membres des garçons afin de les obliger à s'occuper des
corvées domestiques pendant que les femmes gouvernaient et faisaient la guerre. Elle institua le culte d'Artémis.
Les Amazones qui survécurent au massacre attribué à Héraklès se réfugièrent dans les montagnes d'Albanie, près
de Colchis; certaines s'établirent au pied du mont Caucase, tandis que leurs voisins, les Gargarensiens, montaient
vers le Nord; tous les ans, au printemps, les deux groupes se rencontraient sur la montagne, séparant leurs territoires,
pour une cohabitation de deux mois, et s'unissaient après un sacrifice rituel; dès qu'une Amazone se trouvait enceinte,
elle rentrait dans son pays; les garçons étaient confiés aux Gargarensiens.
Les Amazones du Thermodon qui vivaient en Asie Mineure accompagnèrent leurs maris à la conquête de la Sarmatie
asiatique. Impuissantes, elles assistèrent au massacre de leurs compagnons et durent, pour survivre, se revêtir des
armes des morts et se battre. Elles vainquirent. Encouragées par ce premier succès, elles rentrèrent en traînant dans
leur sillage des prisonniers. Elles constituèrent alors le premier royaume des Amazones et instituèrent des lois.
Marpésia reçut le commandement des armées et Lampetho la direction de l'État avec le titre de reine. Les Amazones
firent le serment solennel de renoncer au mariage mais, comme une présence mâle était indispensable à la reproduction,
elles établirent la paix avec les Etats voisins. Une clause scellait cette apparente générosité. Les hommes devaient se
trouver, chaque année, à époque fixe, sur la frontière du territoire.
Les Amazones de la mer Caspienne ne doivent pas être confondues avec les Amazones libyennes vêtues de peau de
serpent, qui vivaient sur une île du lac Tritonis qui s'allièrent à Dionysos. Leur reine Myrina, à la tête d'une puissante armée,
envahit le territoire des Atlantes, s'empara de la cité de Cerné, extermina les hommes, emporta les enfants comme esclaves
et rasa les murs de la ville. Lorsque le reste des habitants se rendirent, elle construisit la nouvelle cité de Myrina.
Après la bataille, alors que les Amazones et les habitants célébraient leur victoire, leurs ennemis les surprirent désarmés
et massacrèrent les troupes de la reine. Celle-ci s'échappa, traversa la Libye, se constitua une nouvelle armée, entra en
Egypte où elle rencontra le fils d'Isis, Horus, puis envahit l'Arabie, créant des villes: Cycmé, Pitané, Priène. Elle soumit
plusieurs îles égéennes, notamment Lesbos, y bâtit la cité de Mitylène. Elle fut enfin vaincue et tuée par le roi de Thrace.
Ces femmes guerrières ne sont pas uniquement des produits de l'imagination des mythographes; certaines traditions
confirment l'existence de femmes-soldats en Asie, en Afrique et en Amérique, voire en Europe. Au VIII ème siècle, il
existait en Bohème, des femmes formant une corporation militaire sous les ordres de Vlasta; après avoir construit des
fortifications, résisté au duc Przémyslas, elles exterminèrent tous les hommes ou les réduisirent en esclavage.
Leur dureté est surtout une dureté guerrière, comparable à celle de bien des peuples belliqueux, et les preuves d'autorité
qu'elles montrent sont comparables à celles de la plupart des groupes dominants. Si certains auteurs vantent leur virginité,
d'autres les dépeignent comme des amoureuses sensuelles et actives lors de leurs contacts annuels avec les hommes.
L'hypothétique ablation des seins est une mutilation volontaire que les Amazones, se seraient imposées à elles-mêmes.
En littérature, la reine des Amazones Hippolyte apparaît dans la comédie de Shakespeare "Le Songe d'une nuit d'été",
puis au siècle suivant, Houdar de la Motte met en scène Marpésia dans "Marthésie, première reine des Amazones."
L'allégorie des Amazones continue d’être questionné par les époques postérieures jusqu’à aujourd’hui où leur mythe a
été enrichi de nombreux nouveaux symboles. Les années 1970 marquent un tournant dans cette réception en raison
du développement des luttes sociales et particulièrement des mouvements féministes. Les Amazones connaissent un
écho particulièrement fort dans ces mouvements sociaux, en quête d’une légitimité. Source d'inspiration et de courage
ou abomination et désolation ? Entre féminisme et sexisme, priorité à la réalité historique.
En général, les Amazones sont très mal desservies par le cinéma, de Wonder Woman à Supernatural en passant par Xena,
en véhiculant l'image stéréotypée de la femme guerrière, indépendante et agressive. Ce nouveau personnage féminin
sert-elle un fantasme masculin de domination, ou introduit-elle une nouvelle liberté dans la conception du genre féminin ?
En tout état de cause, ces femmes-soldats méritent pour le moins une plus grande considération.
Bonne lecture à toutes et à tous.
Méridienne d'un soir.
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"J’ai résisté aux prières du séducteur, son épée et ses menaces n'ont rien pu
sur mon cœur, mais mon corps a souffert violence ; et je veux par mon trépas
laver cet outrage fait à ma pudeur." Sénèque, tragédie "Phaedra."
Symbole de l’amour inavouable et de la difficulté d'aimer, Phèdre est une figure mythique qui n'a cessé d'inspirer à travers
les siècles. Fille du roi de Crète, Minos, et de sa femme Pasiphaé, sœur d'Ariane, elle épousa Thésée, père d'Hippolyte
par l'Amazone Antiope. Elle rencontra son beau-fils aux mystères d'Eleusis, conçut pour lui une folle passion et le suivit à
Trézène. Elle y érigea le temple d'Aphrodite Catascopia d'où elle pouvait apercevoir le jeune homme s'exercer au gymnase.
Phèdre, qui dépérissait à vue d'œil, finit par avouer son amour à Hippolyte qui, horrifié, l'accabla de reproches; l'amoureuse
bafouée déchira aussitôt ses vêtements et se mit à crier: "Au secours, on me viole !". Puis elle se pendit après avoir écrit
une lettre à Thésée accusant Hippolyte; ce dernier fut banni d'Athènes par son père, qui demanda à Poséidon de le punir.
À peine Hippolyte était-il sorti de la ville dans son char, qui roulait sur l'isthme, qu'il fut secoué par une gigantesque vague
sumontée d'un monstrueux chien de mer. Terrorisés, ses chevaux firent un brusque écart, son char fut projeté contre un
rocher, et son corps fut déchiqueté. Artémis le transporta, mourant à Trézène, où son père eut le temps de se réconcilier
avec lui; on dit que les dieux transportèrent son corps dans les cieux, où il est devenu la Constellation du charriot.
L’histoire d’Hippolyte et de Phèdre appartient au cycle mythologique de la fondation de la cité d’Athènes: elle est intimement
liée aux luttes livrées par les premiers rois légendaires, Érechtée, Cécrops, Pandion, Égée et Thésée pour asseoir leur
pouvoir et le transmettre à leur fils. Le grand-père d’Hippolyte, Égée, roi d’Athènes, avait eu deux femmes, dont aucune ne
lui donna d’enfants; la légende raconte que ce serait Aphrodite en colère qui pour se venger lui infligea cette peine.
Inquiet de mourir sans descendance mâle, Égée s’adresse à l’oracle de Delphes. En guise de réponse, celui-ci lui donne
une indication sur sa propre mort, à savoir qu’il risque de mourir de chagrin s’il délie le col de son outre de vin avant son
retour à Athènes. N’ayant pas réussi à déchiffrer l’oracle, Égée passe au retour par Corinthe pour rencontrer Médée, la
sorcière venue de la mer Noire. la sorcière s’arrange pour lui donner un fils en utilisant ses pouvoirs magiques.
Égée se rend enfin à Trézène, ville du Péloponnèse proche de Corinthe, pour saluer son ancien camarade Pitthée,
devenu roi de cette cité et partage la couche de la fille de son ami, Æthra, qui, la même nuit, s’unit également, de force,
avec Poséidon. C’est de cette union, de ces unions d’une même nuit, que naîtra Thésée, le père d’Hippolyte. Qui est le
père de l'enfant ? Tout au long de sa vie, Thésée saura tirer parti de cette double filiation paternelle, humaine et divine.
Entre-temps, Thésée aura d’autres aventures et connaîtra plusieurs amours, et ce n’est certainement pas contre lui
qu’Aphrodite risquerait de se mettre en colère, car il saura aussi bien aimer les femmes que les utiliser dans ses plans.
On se souvient qu’il a su s’attirer les grâces de la fille de Minos, Ariane, pour combattre contre le Minotaure, avant de
l’abandonner, endormie, sur l’île de Naxos.
Devenu roi, il s’oppose aux Amazones, et en sort vainqueur grâce à l’aide de leur reine, Antiopé, qui s’éprend de lui;
ils auront un enfant, qui est appelé Hippolyte, "celui qui délie les chevaux." Hippolyte grandit en futur roi de Trézène:
sa mère, l’amazone, meurt de la main de Thésée, selon certains récits; quant à son père, il cesse de penser à lui.
Car Thésée est déjà remarié, et la jeune épouse, Phèdre, n'est autre que la seconde fille du roi Minos de Crète.
Pallas, frère et prédécesseur d’Egée, avait de nombreux fils, les Pallantides. Neveux d'Egée et cousins de Thésée,
les Pallantides crurent que le pouvoir leur reviendrait puisque Egée ne semblait pas avoir de descendants. Ils furent
cruellement déçus lorsque Thésée fut reconnu par son père. A la mort d’Egée, ils revendiquèrent le trône mais les
Athéniens leur préférèrent Thésée.
Alors ils l’attaquèrent ouvertement. Thésée déjoua leur embuscade et les anéantit tous, y compris Pallas. Afin de se
purifier de leur mort sans doute politiquement justifiable, Thésée et son épouse Phèdre durent s’exiler pendant un an,
à Trézène. C’est ainsi que se déroula le drame de Phèdre: elle tombe amoureuse de son beau-fils, Hippolyte. C'est
est un bel athlète qui méprise les femmes et préfère ses compagnons de chasse.
Il refuse les faveurs de la déesse Aphrodite. Sa belle-mère Phèdre connaît une vive passion pour lui, se déclare.
Hippolyte refuse et affirme son dégoût des femmes. Il honore Artémis tandis qu'il méprise Aphrodite; cette dernière,
pour se venger, suscite chez Phèdre cette passion coupable. Elle n'osa pas révéler cette passion à son beau-fils
mais se confia à sa nourrice qui la conseilla d'envoyer une lettre à Hippolyte, dans laquelle elle lui avouait son amour.
Phèdre s'offrit à Hippolyte. Hippolyte, horrifié, repoussa les avances de Phèdre et vint l'accabler de reproches dans ses
appartements. Alors Phèdre, se voyant délaissée, accusa son beau-fils d'avoir cherché à la violer et se pendit, en prenant
soin de laisser une lettre dénonciatrice pour son époux. Par vengeance et craignant qu'Hippolyte ne révèle tout à son père,
elle accusa le jeune homme d'avoir cherché à la violenter. Furieux, Thésée appella sur son fils la malédiction de Poséidon.
Le mythe de Phèdre est une constante source d'inspiration pour les écrivains depuis l’Antiquité.
Pour Euripide, le personnage tragique de la pièce, c'est Hippolyte, mourant victime des mensonges de sa marâtre.
Phèdre se réduit chez lui à un pur moyen de vengeance utilisé par Aphrodite contre Hippolyte, qui s'est voué tout
entier au culte d'Artémis, la déesse vierge. Dès lors, chez Euripide, il n'est guère question de la faute de Phèdre:
elle n'est qu'un jouet des dieux. Elle n'a aucune indépendance, volonté propre. On ne saurait donc lui en vouloir.
Sénèque, dans "Phaedra", concentre en revanche l'action sur le personnage féminin. La pièce de Sénèque annonce
une nouvelle interprétation du mythe; ce n'est plus Hippolyte qui est au centre de la tragédie, mais bien le personnage
de Phèdre. Elle n'est guère ménagée. Elle déclare à son beau-fils sa passion: horrifié, il a la tentation de tuer Phèdre,
mais se ravise; son épée jetée au sol l'accuse lors du retour de son père; Thésée le maudit puis le jeune homme meurt.
Racine écrit sa tragédie, "Phèdre", en 1677. Sa pièce est une analyse et une dénonciation de la passion amoureuse
à travers le personnage de Phèdre. Phèdre avoue son amour "incestueux" qui la brûle et la déchire mais qui est plus
fort qu'elle. Face au rejet du jeune homme et découvrant l'amour d'Hippolyte pour Aricie, elle accuse Hippolyte à tort
devant son père, entraînant une double mort, celle de Phèdre et celle d'Hippolyte, suivie des tourments de Thésée.
Phèdre illustre la conception pessimiste de l'homme de Racine, une conception nourrie par le Jansénisme, conception
religieuse, selon laquelle seuls quelques élus choisis par Dieu seront sauvés. Chaque homme est prédestiné et aucune
bonne action ou comportement exemplaire ne saurait changer le fait initial d'avoir ou pas la grâce divine. Ainsi Phèdre met
en avant la croyance de Racine en la théorie de la prédestination, ainsi que la misère de l'homme sans la grâce divine.
Racine tend à nier la responsabilité de la faute de Phèdre. Mais il la rend coupable dans une autre partie de la pièce pour
rendre son œuvre plus intéressante sous tous les angles. Racine sous-entend que Phèdre est une personne destinée à
mourir. C’est pourquoi il dit qu'elle n’est pas coupable. Il est probable que Racine essaie d’innocenter Phèdre, mais d'une
manière péjorative. La malédiction familiale qui suit Phèdre montre comment l’homme n’a pas de choix face à son destin.
Euripide peint le personnage de Phèdre comme une personne malheureuse, affaiblie par les sentiments incontrôlés envers
le fils de son mari. La Phèdre d’Euripide lutte contre le mal qui la tue lentement car elle ne peut pas avouer qu’elle aime le
fils de son mari. C’est pourquoi elle garde un silence au fond de son cœur pour ne pas exposer ses sentiments honteux.
Même si elle n’est pas responsable de ces sentiments, elle se voit elle-même comme l’auteur de cette faute.
Chez Sénèque, Phèdre est une personne consciente de sa faute. Elle sait que l’inceste est défendu mais elle se laisse
emporter par cette passion. Elle profite de l’absence de son mari pour aborder son beau-fils et lui avouer les sentiments
qu’elle a pour lui. Le courage de Phèdre d’affronter Hippolyte pour lui faire part de ce qu’elle ressent pour lui prouve que
sa faute était préméditée. Donc, Phèdre a des remords à cause de la mort tragique de son beau-fils.
Il y a des ressemblances dans le personnage de Phèdre de Sénèque avec celui de Racine en ce qui concerne le remords.
Phèdre se qualifie elle-même de traitre et confesse à son mari toute la vérité avant de se suicider: "tes remords te suivront
comme autant de furies; tu croiras les calmer par d’autres barbaries." (Racine, Britannicus, acte V, scène VI, v .12-13).
La faute de Phèdre est plus lourde du fait qu’elle confirme indirectement les mensonges de sa nourrice envers son beau-fils.
Euripide innocente Phèdre et justifie la cause de tout ce qu’elle a fait. Mais Sénèque la culpabilise en mettant en évidence
sa volonté de commettre ses fautes. Pour Racine, le personnage de Phèdre est responsable de sa passion meutrière,
mais finalement, il l'innocente. L’homme a le libre choix d’accepter ou de refuser de faire une chose. Chaque personne
possède la capacité de poser le pour et le contre avant de commettre un acte afin d’éviter les conséquences néfastes.
Zola, dans son roman "La Curée", dans la série des Rougon-Macquard, imagine une histoire d'amour entre une jeune
femme, Renée Saccard, et son beau-fils Maxime; contrairement à Hippolyte, Maxime aime les femmes. Il épouse Louise.
Renée, issue de la noblesse, connaît la mésalliance en épousant Aristide Saccard. Elle est violentée par un homme plus
âgé, le jour même du coup d'état de Napoléon III: elle est déshonorée, symbolisant la France profanée par un usurpateur.
La mésalliance concrétise le matérialisme d'une société qui ignore la pureté des relations : l'amour entre Renée et son mari
n'existe pas, il est remplacé par l'argent. Renée connaît un destin tragique: elle est prise d'une passion frénétique pour
Maxime qui l'abandonne pour épouser la jeune fille qu'a choisie son père. Elle meurt dans la solitude alors que le roman se
termine sur le triomphe cynique de Saccard.
Le mythe de Phèdre continue à inspirer des écrivains contemporains, notamment le grand poète grec Yannis Ritsos.
La passion de Phèdre pour Hippolyte n’a peut-être jamais été chantée avec autant d’intensité que dans cette version
du mythe par le poète grec Yannis Ritsos. La Phèdre de Yannis Ritsos est une femme accomplie. Elle est touchée par
un amour soudain, sans préavis, amour qui changera sa vie de façon définitive.
Malgré la différence d’âge, malgré le lien presque filial qui les unit, cet amour pourrait être beau. La réponse est brutale.
Cette passion est coupable, impure, sale. Dans la bouche d’Hippolyte, les femmes sont en elles-mêmes coupables
d’impureté, bien avant d’avoir commis le moindre crime. Au-delà de la question de la féminité, se pose, simplement, celle
de la "pureté." Seule la mort peut résoudre la situation, mais, comme le dit Ritsos, elle survient toujours trop tard.
Phèdre serait victime de son hérédité: elle doit à sa mère Pasiphaé le dérèglement de ses sens, et sa passion "dépravée"
pour un taureau et la naissance d’un monstre, le Minotaure. Aphrodite poursuit Phèdre et sa famille de sa haine et œuvre
sans relâche à leur perte. Il y aurait sur Phèdre une malédiction divine, sous le signe des amours défendus et maudits.
La passion que Phèdre éprouve pour Hippolyte déclenche chez elle un dérèglement sensoriel.
Phèdre se sent coupable des sentiments incestueux qui l’habitent. Passionnée, c'est un personnage ambigu et complexe.
Racine disait que "Phèdre n’est ni tout à fait coupable, ni tout à fait innocente". La tragédie raconte la déchéance d’un être
souffrant d’un mal qui le ronge et sans lequel il ne peut vivre. Elle serait le symbole incarné du drame d’une humanité
écartelée par le combat de la chair et de l’esprit.
Peut-on faire du mythe de Phèdre un modèle d’inceste ? Chez Euripide, la réponse est négative. La "marâtre" amoureuse
pose problème et fait scandale. Le problème est celui du fonctionnement patriarcal de la société grecque. Elle perturbe la
domination paternelle sur les fils en risquant de dresser les enfants du premier lit contre le père. La femme adultère remet
en cause la domination masculine sur les femmes; l’ensemble du pouvoir patriarcal est ébranlé par la "marâtre" adultère.
Le scandale est celui de l’existence d’une femme amoureuse. Sans aller jusqu’à parler, comme Paul Valéry, à propos de la
Phèdre racinienne, de sa "rage de sexe", Euripide a choqué en mettant en scène le désir sexuel féminin. Avec Phèdre, la
femme cesse d’être un objet de plaisir pour devenir un sujet désirant. Par sa passion, Phèdre fait entrevoir au spectateur
grec un monde nouveau, où l’union du fils avec l’épouse du père renverserait l’ordre patriarcal en permettant l’alliance de
ses deux victimes, et une forme nouvelle d’amour dans lequel le don remplacerait la possession.
Phèdre incestueuse ? Non, Phèdre scandaleuse.
Bonne lecture à toutes et à tous.
Méridienne d'un soir.
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Charlotte fut préparée dans l'attente de la soirée: elle avait été avertie que Béatrice serait accompagnée de plusieurs couples à qui elle s'offrirait, quoi qu'on pût exiger d'elle ou lui infliger; il fut décidé qu'elle ne les verrait pas et que les mains attachées derrière le dos, on la conduirait dans une cave. On fixerait à son cou un collier et à ses poignets des bracelets. Juliette avait choisi sa tenue: une jupe courte en taffetas noire, dévoilant ses cuisses, et un chemisier clair marquant un corset en cuir resserré de façon à faire saillir ses seins; elle s'assura que son ventre ainsi que le sillon de ses reins étaient parfaitement lisses afin que ses deux orifices soient ouverts à ses besoins, ou à ceux des des inconnus à qui elle la destinait. Pendant que je lui nouai les cheveux en queue de cheval, pour lui bander les yeux, un cri indubitablement féminin retentit, elle se mit à trembler. À force d'être humiliée, il me semblait qu'elle aurait dû être habituée aux outrages, sinon au fouet, à force d'être fouettée; une affreuse satiété de la douleur et de la volupté devrait la résigner, comme le supplice d'une fille offerte comme elle, et même lorsqu'elle n'était pas livrée, de son corps toujours accessible. Un long silence suivit, troublé seulement par des chuchotements. Je reconnus Béatrice. Sa mince silhouette était entièrement vêtue de noir, du col officier de son chemisier, jusqu'à ses bottes en cuir. Elle déganta sa main droite et posa doucement son majeur et son index près de l'oreille gauche de Charlotte; la maîtresse de lieux, qui semblait particulièrement l'apprécier, l'entraîna au bout d'une laisse dans la cave, au beau milieu d'une réception où des couples contemplaient le spectacle d'une jeune femme nue se faisant prendre sauvagement par des esclaves mâles. Des hommes et des femmes en tenues de soirée, tous masqués, étaient éparpillés çà et là une coupe à la main; au centre de la salle, sur un grand lit en fer forgé noir, érigé en estrade, la femme que j’imaginais se faire torturer, était possédée par deux hommes aux corps d’athlètes qui la pénètraient frénétiquement dans la lueur des torches. Elle avait de petits seins fermes et des hanches à peine formées. L’assemblée se tourna vers nous et nous salua en s’inclinant en silence. Ses doigts glissèrent le long de ma machoire, puis de mon cou, contournèrent mon sein gauche, carressant ma taille, et s’arrêtèrent sur ma vulve, en appuyant légèrement sur la chair fragile; saisissant la dragonne de la laisse reliée aux anneaux d'or fixés sur mes lèvres intimes, elle ouvrit les deux battants du grand salon et me guida vers l'autel de mon sacrifice; au fond de la salle, éclairée par des projecteurs diffusant une lumière pâle, m'attendait la croix de saint André; j'avançai vers ma crucifixion, tenue par mes anneaux; Béatrice me tendit la main pour m'aider à gravir les deux marches qui me menait à mon calvaire; elle me plaqua le dos contre le bois, me laissant ainsi exposée de longs instants. Elle me présenta comme étant son esclave; tout me serait infligé sans pitié pour juger de l'efficacité du fouet. En elle, je devinais une volonté ferme et glacée, que le désir ne ferait pas fléchir, je devais obéir docilement; les yeux bandés, je ne pouvais apercevoir les derniers invités qui descendaient dans la cave, grossissant l'assistance silencieuse; ainsi exposée et écartelée sur cette croix, seule dans le noir et le silence, je me demandais pourquoi tant de douceur se mêlait à tant de terreur, ou pourquoi tant la terreur me paraissait aussi douce. On me détacha enfin pour m'exhiber. À peine libérée, quelqu'un me demanda de me tourner et on me délia les mains en m'ôtant le bandeau des yeux. On me fit avancer, trébuchant un peu, vers un homme qui voulait me toucher. Il m'ordonna de me déshabiller, et de me présenter, ce que je fis instantanément: debout les bras coudés derrière la tête en écartant les cuisses, comme on me l'avait signifié, afin de livrer avec le plus d'indécence possible le spectacle de mon intimité. Se présenter de telle façon oblige l'esclave à s'abandonner, quels que soient ses réticences, à mieux se donner. Par cette mise à nu, le corps livré, déshabillé, disséqué, est comme bafoué, humilié, sans concession; la soumise ainsi exhibée apprend à se surpasser dans l'épreuve, poussée parfois au paroxysme de l'épuisement et de la souffrance physique; c'est ainsi qu'elle peut s'épanouir et accepter les châtiments les plus cruels. Béatrice apparut avec un esclave à demi-nu harnaché de cuir au bout d’une laisse. L’homme à l’allure athlétique était doté d’une musculature impressionnante et d’un sexe épais dont on osait à peine imaginer la taille en érection. Elle fit allonger l'homme sur le dos, puis me tira par les cheveux et me força à m’agenouiller entre ses jambes, la croupe en l’air et le visage écrasé contre son pénis. J’entendis des ricanements dans l’assemblée. Ce n'était pas la caresse de mes lèvres le long de lui qu'il cherchait, mais le fond de ma gorge. Il me fouilla longtemps, et je sentais gonfler et durcir en moi le baillon de chair qui m'étouffait, et dont le choc lent et répété me tirait des larmes. Debout sur l'estrade, Béatrice faisait voler sa cravache sur mes reins. Elle m'ordonna de lui lècher les testicules et le pourtour de son anus; je m’exécutai, faisant glisser ma langue de la hampe jusqu'à l'entrée de sa cavité anale. L'esclave semblait apprécier et s'enfonçait dans ma bouche pendant que je le couvrais de salive; elle se plaça derrière moi et plongea ses doigts dans mon vagin déjà humide de désir. Elle explora longuement ma vulve, remonta sur mon anus, le caressa du bout des doigts, puis se redressa: “Enfile-toi un doigt dans le cul!”; sa cravache siffla dans les airs et s’abattit sur ma croupe: “Allez chienne, doigte-toi le cul!”. Les lèvres forcées par le glaive charnel, je dus me cambrer pour atteindre la raie de mes fesses. J’introduisis tant bien que mal un doigt dans la moiteur de ma voie la plus étroite pendant que Béatrice continuait de me fouetter: “Tu aimes ça, chienne, te doigter l'anus devant des inconnus"; je répondis d'un “oui” chevrotant en écho aux coups de cravache mordant maintenant l'intérieur de mes cuisses, espérant ainsi mettre fin à mon supplice. Elle laissa tomber sa cravache et s’agenouilla derrière moi: “Enfile tes autres doigts, chienne !”. Je m’exécutais docilement alors qu’elle forçait mon anus en écartant mes fesses de ses doigts pour faciliter mon intoduction. Les invités semblaient goûter à la scène, se regroupant pour regarder. La situation était des plus humiliantes; j'étais partagée entre le sentiment de honte et l’étrange plaisir d’être utilisée comme un vulgaire objet sexuel, humilié et gémissant. Mais ce ne furent que les préliminaires. Béatrice me relèva en tirant sur mon collier comme on le ferait pour rappeler un chien à l’ordre: “Ça ira comme ça, salope. Maintenant assieds-toi sur sa queue!”; encouragée par ses coups de cravache, j’enjambai maladroitement l'esclave et m’accroupis dos à lui, tout en me demandant comment accueillir un sexe aussi monstrueux. Impatiente, Béatrice maintint le sexe à la verticale et me força à descendre dessus en tirant sur mon collier. Ma croupe s’écrasa sur la pointe saillante; tous les invités se regroupèrent autour de la scène et je pus voir distinctement leurs regards lubriques et cruels briller derrière leurs masques dans la lueur des torches; alors que je m'efforçai de garder l’équilibre, l'esclave me força à m’empaler sur son sexe; je tentai de résister, mais en vain; son membre surdimensionné défonça mes reins, distendant lentement mon anus. Une bouffée de chaleur m’envahit, tout mon corps était perlé de sueur. Béatrice exultant, ordonna l'esclave mâle à me pénétrer tout en caressant ses testicules: “Allez, chien, défonce-lui son cul de salope!”; l’homme obéit sans sourciller et m’attira contre son sexe brutalement pour me faire mal; mes deux sphincters anaux se dilatèrent sous la pression et il me pénétra d'un seul coup. Je manquai de m'évanouir. L’assemblée poussa un “Oooh” d’étonnement mêlé d’admiration; Béatrice demeura un instant interdite à la vue de ce membre à moitié emprisonné. Partagé comme moi entre douleur et plaisir, l'esclave mâle relâcha son étreinte, en me maintenant dans cette position grotesque; accroupie, empalée au sommet de son sexe, Béatrice, agenouillée face à moi, me meurtrissait les seins en me pinçant les pointes tout en m’observant avec un regard pervers qui m'effraya; elle quitta mes yeux, plongea sa tête entre mes cuisses, posa délicatement sa bouche sur ma vulve rougie par ses coups de cravache puis aspira mon clitoris entre ses lèvres. La bouche de Béatrice estompa peu à peu la douleur de la colonne de chair qui saccageait mes reins. Je luttais pour ne pas jouir; les invités nous regardaient dans un silence quasi religieux; le spectacle que j'offrais, haletante, empalée sur ce sexe monstrueux agissait sur l’assemblée comme un puissant aphrodisiaque. Béatrice se dénuda alors et commença à se caresser tout en me fixant, les yeux brillants de désir. Non loin de moi, une femme s’était accroupie aux pieds de son compagnon et le gratifiait d’une fellation des plus passionnées; juste à côté, deux hommes encerclaient une ravissante brune aux cheveux courts qui s'abandonnait, basculée à la renverse, à leurs doigts qui la fouillaient. Une boule de chaleur explosa dans mon ventre et irradia tout mon corps; parcourue de spasmes, je jouis en silence tout en éjaculant au visage de Béatrice; mes jambes vacillèrent mais l'esclave me tenait toujours fermement embrochée au sommet de son sexe. Il ne s'était pas encore libéré mais mon anus qui se contractait nerveusement le mettait au supplice. L’assemblée demeurait silencieuse; on entendait juste les sons de gorge profonds de la femme accroupie, étouffée par le sexe de son son compagnon qui lui tenait la tête des deux mains et déversait son sperme en elle. Les deux hommes qui étaient masqués, s'immobilisèrent pour me regarder, délaissant pour un instant la jeune femme brune, maintenant nue à leur merci, pour mieux l'envahir; plus loin un homme qui se masturbait en m'observant n’arriva plus à se retenir et éjacula. Béatrice, s’essuya le visage du revers de la main et lècha ma cyprine sur ses doigts en m’adressant un sourire narquois. Elle se pencha à nouveau entre mes cuisses mais cette fois pour s’occuper de l'esclave. Elle commença par effleurer ses testicules du bout des doigts puis elle remonta sur sa hampe qu'elle caressa comme un objet sacré; elle semblait s'amuser de façon perverse avec ce sexe surdéveloppé pour faire souffrir l'homme. Elle glissa une main sous ses fesses musclées et stimula son anus en le masturbant de plus en plus fort; c'était excitant d'assister à son érection: il grossit et se déploya. L’effet ne se fit pas attendre; dans un ultime effort pour retarder l’inévitable, il se cambra sous moi et rompit le silence de la salle par un long râle bestial; je sentis son sexe tressaillir, me remplissant d’un flot de sperme saccadé. La sensation fut divine et l’instant si intense que je fus à nouveau sur le point de jouir. Visiblement satisfaite, Béatrice se redressa, posa ses mains sur mes épaules et se pencha sur moi pour m’embrasser. Elle goûta à mes lèvres, les aspira, les mordilla puis pénètra ma bouche de sa langue mouillée. Fermant les yeux et vaincue, je me laissai emporter par un nouvel orgasme. Alors que je m’abandonnai à son étreinte, elle appuya de tout son poids sur mes épaules et me força à m’empaler de nouveau sur le sexe redevenu raide. Le pieu de chair dégoulinant me pénétra facilement et m’envahit sans plus aucune résistance. Distendue, la sensation d’être remplie totalement dépassa tout ce que j’avais enduré auparavant. Mon orgasme redoubla d’intensité et semblait ne plus vouloir s’arrêter. Béatrice relèva mon menton du bout des doigts et me regarda jouir avec le sourire de la victoire; l'esclave mâle qui était resté passif jusque-là recommença à s'ébranler lentement dans son foutre tout en m’agrippant fermement par la taille, n'ayant rien perdu de son ardeur, bien au contraire. Béatrice m’abandonna à mon sort. Elle s’accroupit juste derrière moi et écrasa sa croupe sur le visage de l'homme. Ce dernier sembla apprécier cette douce humiliation et continua de me fouiller les reins en redoublant d'acharnement. Dans un bruissement gras et humide, rompant le silence, mon corps se balançait au rythme de ce va-et-vient féroce. Je faisais maintenant face à l’assemblée qui se pressait autour de moi pour me regarder jouir. Ne prenant même plus la peine de se cacher, plusieurs hommes se masturbaient sans retenue, juste devant moi. Du haut de son estrade, une jambe sur l’accoudoir de son fauteuil, la maîtresse des lieux se caressait tout en se délectant du spectacle de ma sodomie. Des mains glacées se posèrent alors sur ma peau et me firent tressaillir. Je m'offris avec docilité aux caresses de plus en plus insidieuses. Un long silence suivit, troublé par quelques chuchotements dont j'essayai vainement de percevoir le sens. Subitement, je me sentis soulevée de terre, mes poings et mes chevilles furent liés par force de nouveau à la croix. Dans cette position qui favorisait l'examen de mon corps, un doigt força brusquement mes reins et me pénétra avec douleur. Celui qui me violait ainsi, sans préparation, me menaçait durement. Soudain, on me cingla. Je reconnus immédiatement les coups appliqués par Juliette: elle a une méthode particulière, à la fois cruelle et raffinée se traduisant par une caresse de la cravache avant le claquement sec, imprévisible et toujours judicieusement dosé. Après le dernier coup, elle caressa furtivement mon ventre enflammé et cette simple marque de tendresse me donna le désir d'endurer encore davantage; quand le cuir s'attaqua à mes seins, je compris que je serais fouettée intégralement sauf le visage; comme une confirmation, les lanières atteignirent le bas de mon ventre, en cinglant mes lèvres intimes; je laissa échapper un cri de douleur, comme un écho au hurlement entendu dans le couloir. On m'ordonna de me mettre à quatre pattes, dans la position la plus humiliante pour l'esclave; je reconnus à la douceur des mains de femmes qui commencèrent à palper mon corps. Elles ouvrirent mon sexe. Peu après, mon ventre fut investi par un objet rond et froid que Béatrice mania longtemps avec lubricité. On décida alors de me reconduire au premier étage pour me placer dans un trou aménagé dans le mur. Alors que l'on usait de tous mes orifices, un homme exhiba son membre que je tentai de frôler avec mes lèvres puis avec ma langue, mais avec cruauté, il se dérobait à chaque fois que j'allais atteindre sa verge. Prise d'un besoin naturel, on me refusa de me rendre aux toilettes. Confuse, je vis qu'on apportait une cuvette et je reçus l'ordre de me soulager devant les invités rassemblés. L'humiliation était là: me montrer dans cette position si dégradante, alors qu'exhibée ou fouettée, prise ou sodomisée, ma vanité pouvait se satisfaire de susciter le désir. L'impatience que je lus dans le regard attentif de Juliette parut agir sur ma vessie qui se libèra instinctivement. Lorsque j'eus fini de me soulager, Béatrice m'ordonna de renifler mon urine, puis de la boire. Au bord des larmes mais n'osant pas me rebeller, je me mis à laper et à avaler le liquide clair et encore tiède. Après avoir subi les moqueries des invités, je fus amenée devant Béatrice dont je dus lécher les bottes vernies du bout de ma langue. On m'ordonna ensuite de me coucher sur le sol et de relever mes jambes afin que chacun puisse me prendre facilement. Je fus possédée par l'ensemble des invités qui se succédaient à la chaîne sur mon corps. Puis on me releva pour me placer sur un tabouret hérissé d'un volumineux olisbos. Dans cette nouvelle position, mon ventre devenait douloureux, mais ce fut pire lorsqu'on m'ordonna de m'asseoir sur le cylindre massif et de le faire pénétrer entre mes reins profondément. Je sentais mon anus s'écarteler au fur et à mesure que je m'empalais sur le cylindre de latex. Longtemps, on me força à me pénétrer l'un et l'autre de mes orifices. " - Je suis fière de toi, tu te comportes comme je l'espèrais, tu dois continuer". Juliette venait de me signifier que mon dressage n'était pas achevé. Ma peau subit aussitôt le contact de mains posées au creux de mes reins puis entre mes fesses. Une cravache noir me cingla brusquement avec une telle violence que je poussai un véritable rugissement; la rigidité du cuir enflammait mes reins et mon dos; les coups lacéraient ma chair, me procurant de lancinantes sensations de brûlure. Lorsque la tige m'atteignit exactement entre les cuisses, sur le renflement du pubis, je compris soudain que j'allais jouir; une fois la fulgurante jouissance dissipée, j'osai implorer leur pitié; je venais de rompre le charme. Ils décidèrent de me faire payer chèrement cette inqualifiable faiblesse. Je fus à nouveau placée dans le mur comportant un trou en son milieu, de façon à ce que ma tête dépasse d'un coté et mes reins de l'autre. J'allais être prise par l'arrière et contrainte par la bouche. Ce fut Béatrice qui m'installa. J'étais en position, jambes docilement écartées, la bouche déjà ouverte, la croupe exagérément offerte, prête à être investie. Ce fut l'abattage. Impatient de se satisfaire, un homme prit la place de l'autre, ma bouche servant d'écrin; au même moment, un autre utilisait mon vagin sans ménagement, avant de forcer brusquement mes reins, qui comme la totalité de mon corps étaient à sa merci. Il s'enfonça sans préliminaire pour me faire mal. Le silence soudain m'exaspéra, car je ne pouvais rien voir de ce qui se passait autour de moi. Espérant le fouet comme une délivrance, un troisième sexe plus dur encore pénétra ma croupe; mon ventre se liquéfia. J'étais prise, on ravageait mes reins meurtris; je compris enfin que le membre qui me pénétrait était un olisbos à ceinture dont Béatrice s'était ceint à la taille. Elle exigea de moi que je me cambre davantage, pour qu'elle puisse "me remplir jusqu'au fond." Je cédai à l'impétuosité d'un orgasme que j'aurais voulu pouvoir contrôler. Béatrice se détacha de Charlotte qui glissa au sol. Elle récupéra ses appuis et réussit à se tenir debout, mais on la rattacha fermement sur la croix de Saint André face à la salle plongée dans la pénombre. Elle demeura ainsi le reste de la soirée, souillée de sperme et de sueur, les chevilles et les poignets entravés. Hommage à Charlotte. Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
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M'ayant entraînée au fond de la cave, là où la pénombre était la plus dense, Juliette fit pivoter mon corps
contre la paroi humide. Je sentis le salpêtre se dissoudre sous mes doigts qui s'accrochaient. Pour me
racheter, j'aurais voulu être attachée, là, dans cette position, le ventre nu contre ce mur poisseux, le dos,
les reins, offerts aux hommes qui auraient eu la libre disposition de moi, sans conditions. Sentir mes mains
prises dans la pierre pour ne plus pouvoir bouger et tout endurer, pour prouver que je pouvais devenir un
jour une parfaite esclave.
Juliette commença par me caresser. Elle savait qu'en faisant cela, elle me donnait une chance de me faire
oublier ma faute. Elle s'empara d'un martinet et commença à me travailler le corps en l'échauffant lentement,
alternant les caresses des lanières avec des coups cruels et violents. Plus elle frappait fort et plus je m'offrais.
Je n'éprouvais qu'un pincement aigu au moment où mes seins furent brutalement saisis par des pinces, puis je
sentis les pointes broyées par l'étau de métal qui les tirait vers le sol en s'y suspendant. Chacun des mouvements
que je faisais alors amplifiait le balancement des pinces, provoquant une sensation effrayante d'arrachement.
Je me souviens de ce moment précis où je fus mise à quatre pattes sur le sol au milieu de la cave. Juliette dont
j'étais désormais l'esclave d'un soir fixa d'autres pinces sur les lèvres de mon sexe, en dessous de mon clitoris.
Tout mon corps se balançait de façon obscène, tenaillé entre deux douleurs, partagée entre le désir de faire cesser
mes souffrances et celui d'en augmenter l'intensité par mes balancements, pour satisfaire Juliette et mériter son
pardon. J'observais avec orgueil la rotation des poids suspendus aux pinces attachées à mes seins, de droite à
gauche et de gauche à droite. La douleur devenait intolérable, mais je devenais la spectatrice de cette douleur.
Je souffrais, mais je dominais cette souffrance: le plaisir qui naissait en moi la dépassait, la stigmatisait.
Pour marquer sa satisfaction, Juliette me désigna la croix de saint André où je fus attachée dans une position
d'extrême écartèlement. Un inconnu s'approcha de moi, comme si je devenais digne de son intérêt. Ils saisirent
chacun un long fouet et commencèrent à me flageller avec une vigueur et un rythme qui me firent écarquiller les
yeux. Pour étouffer mes hurlements, je mordis violemment mes lèvres, jusqu'à ce que le goût de mon propre sang
m'eût empli la bouche. Je me livrai au châtiment avec une joie quasi mystique, avec la foi de l'être consacré.
Juliette me dit soudainement:
- J'aimerais te fouetter jusqu'au sang.
Je lui répondis que je lui appartenais. Dans la cave déserte, où les effluves d'humidité évoquaient celles d'une tombe,
l'inconnu me contemplait silencieusement et je m'aperçus qu'il tenait à la main deux longues et fines aiguilles.
Il s'empara d'un sein qu'il se mit à pétrir, à caresser, puis à pincer pour en faire jaillir la pointe granuleuse. Lorsque la
pointe fut excitée, il y planta la première aiguille, puis presque aussitôt après, la seconde dans le mamelon du sein qui
n'avait pas été caressé. D'autres aiguilles furent plantées tout autour des aréoles, quelques gouttes de sang vinrent ternir
le métal que la lueur d'une ampoule faisait jusque-là scintiller. Mon martyre devint délicieux.
Ainsi, j'étais devenue l'objet de plaisir de cette femme et de cet homme. Juliette parut subitement échauffée:
elle s'approcha de moi et de me libéra de la croix de saint André. Avant même que je puisse savourer ce répit, on me
porta sur une table où je fus allongée et solidement attachée. Je fus alors fouillée, saccagée, malmenée, sodomisée
comme une chose muette et ouverte. L'inconnu qui violentait mes reins se retira brusquement. Juliette effleura de
ses lèvres la dure pointe de mes seins, et de sa main le creux de mon ventre.
Dans un éclair, je me sentis délivrée, anéantie mais comblée.
Hommage à Charlotte.
Bonne lecture à toutes et à tous.
Méridienne d'un soir.
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"Vos ordres sont charmants ; votre façon de les donner est plus aimable encore ; vous feriez chérir le despotisme.
Ce n'est pas la première fois, comme vous savez, que je regrette de ne plus être votre esclave; et tout monstre
que vous dites que je suis, je ne me rappelle jamais sans plaisir le temps où vous m'honoriez de noms plus doux."
Valmont à Madame de Merteuil. (Lettre IV) Les liaisons dangereuses. Choderlos de Laclos.
Dans toute relation humaine, la séduction est une constante, mais c’est dans la relation amoureuse qu’elle se déploie
avec le plus de ruse et d’ingéniosité. Il suffit de parcourir la littérature pour constater que le séducteur et la séductrice
sont devenus des archétypes qui transcendent le temps et l’espace.
Il est difficile de cerner la séduction, probablement parce qu’elle garde toujours une aura de mystère d’autant plus
insondable qu’elle semble être une condition indispensable pour qu’elle se maintienne.
Les écrivains, les poètes, de même que certains compositeurs d’opéra de toutes les époques ont largement traité de la
séduction et ont cherché, chacun dans leur domaine, à l’illustrer par des personnages de fiction dans le but avéré ou
inconscient de répondre aux nombreuses questions que chacun se pose à son propos; pourquoi femmes et hommes
cherchent-ils à se séduire ?
Y a-t-il un secret à la réussite d’une entreprise de séduction et des causes à son échec ? Quelles qualités requiert
l’art de séduire ? Y a-t-il une différence entre séduction masculine et séduction féminine ? Les moyens qu’utilisent
hommes et femmes pour séduire un partenaire convoité sont-ils les mêmes ? Sinon en quoi diffèrent-ils ?
Autant de questions, dont les réponses sont dans l’observation des amants heureux ou des transis déçus, mais aussi
dans les descriptions littéraires que les écrivains ont brossé des séducteurs et des séductrices; les personnages qu'ils
ont créés permettent de dresser une galerie de portraits de tous les types de séducteurs et de séductrices possibles,
de même que d’explorer en profondeur les motivations qui les animent.
Les écrivains, tout au moins ceux dont le génie a traversé les siècles, sont de fins observateurs de l’âme humaine,
et ils ont surtout le don inimitable de traduire, à travers les personnages sortis de leur imagination, ce qu'ils ont souvent
vécu eux-mêmes ou observé autour d’eux avec une acuité d’artiste. La littérature apparaît donc comme une voie capable
de percer les secrets et les artifices des séducteurs et des séductrices.
la séduction opère de deux façons différentes, voire opposées; de façon active, quand une personne cherche à s’imposer
à une autre par des moyens qui vont de la manipulation violente à la persuasion douce; de façon passive; La manière active
est qualifiée de virile, la seconde de féminine. Séducteur d’un côté, séductrice de l’autre; on pourrait penser que les deux
positions sont également représentées, mais, lorsqu’on cherche des exemples de séduction dans les œuvres littéraires,
on trouve essentiellement des séducteurs masculins.
Don Juan, Casanova, Valmont, Julien Sorel, viennent tout de suite à l’esprit, alors qu’il est plus difficile de dresser une
liste comparable de séductrices ayant laissé des noms aussi connus; l'exception peut-être serait Carmen, mais Carmen
n'est pas un prototype de séduction féminine; elle diffère des autres femmes en ce qu’elle entend mener sa vie amoureuse
comme un homme; "Si tu ne m’aimes pas, je t’aime et si je t’aime, prends garde à toi", est une protestation virile, un hymne
au libre choix amoureux, sinon sexuel.
Dans la littérature, la femme est presque toujours décrite comme séduite et abandonnée; Ariane se lamentant à Naxos
de l’infidélité de Thésée, Didon mourant sur son bûcher après le départ d’Enée, Médée tuant ses enfants parce que Jason
l’a trahie; la femme séduite est aussi une femme à jamais fidèle; Pénélope résistant à la horde des prétendants, Lucrèce
se suicidant pour rester fidèle à son mari.
Ces légendes dessinent les contours de la séduction féminine; discrète, dissimulée, la femme n’avance que masquée; c'est
elle qui maîtrise l’art du maquillage et de la magie; l’homme, ayant de la peine à comprendre son attirance pour la femme,
préfère attribuer les tensions de son désir à la magie féminine plutôt qu’au mystère de sa sexualité.
Rôle pour rôle, les écrivains ont été plus tentés par le rôle actif du séducteur que par le rôle passif de la séduite, même si,
paradoxalement, c’est lui le plus important; quand on évoque la séduction masculine, on pense immédiatement à Don Juan.
Un séducteur incorrigible est un Don Juan; la recherche inlassable de la relation amoureuse est qualifiée de "donjuanisme".
Pour lui, les préliminaires sont réduits à de grossiers mensonges qui n’ont même pas l’apparence de la vraisemblance.
Dans l’opéra de Mozart, il séduit Zerline, une jeune beauté paysanne, le jour de ses noces, en menaçant le futur mari et en
lui promettant le mariage, il l’entraîne, chantant d’une voix envoûtante, à la limite de l’hypnose: "La cidarem la mano."
Comme les héros de Sade, il s’inscrit dans une contestation de toutes les formes de règles sociales ou morales, dans
l’inversion de toutes les valeurs, dans l’affirmation irréductible des droits de l’individu et la primauté absolue de son désir.
Au bout de sa contestation, il voudra enfreindre la dernière des lois, celle de la mort; c’est elle qui l'emportera.
Tout autre est la séduction de Casanova; Don Juan était un mythe littéraire, Casanova fut un personnage réel qui nous a
laissé des mémoires d’un grand intérêt littéraire; il aime la vie, entend en jouir et prétend en faire jouir les femmes qu’il
rencontre; il séduit des femmes réelles, ancrées dans leur siècle et leur culture, qui répondent avec leurs propres armes,
acceptant ou refusant d’être séduites et sont des partenaires à part entière, non des victimes vaincues d’avance.
Casanova se heurte à la réalité, à ses obstacles. Le but de sa séduction, c’est de contourner les obstacles ou de les utiliser
comme tremplins pour accroître les mérites de ses victoires; il vit ses fantasmes mais les échecs ne l’abattent pas et il est
de ses succès; Casanova ne sépare pas la séduction de l’amour; pour lui, l’amour est une fatalité, une maladie incurable
mais sans elle, la vie ne vaudrait pas la peine d’être vécue.
Lorsque Casanova entreprend de séduire une femme, il ne lui ment pas; il éprouve réellement ses sentiments, au moins
au moment où il les exprime; il en est dupe et sa force est de les dire avec conviction et talent; Casanova est un excellent
conteur; c’est son arme; ses interlocuteurs l’écoutent, ils sont séduits. Casanova est un orfèvre de la parole, les femmes
tombent sous le charme, incapables de lui résister.
Une société raffinée avait fait de la séduction amoureuse le centre des relations hommes-femmes; des poètes ont défini les
règles de la conquête amoureuse en s’inspirant de l’amour courtois des troubadours; la femme y était un être parfait, éthéré,
idéalisé, dont la beauté attestait les perfections morales; à peu près inaccessible, elle avait malgré tout des soupirants qui
désiraient tenter l’aventure; ils devaient pour cela parcourir un chemin long et périlleux dont les étapes avaient été fixées sur
une carte de géographie assez étrange: "la Carte du Tendre."
La séduction amoureuse était inscrite en termes de géographie et, dans ce jeu de société, le séducteur devait pour accéder
aux faveurs de la Dame, parcourir un itinéraire symbolique compliqué allant du village de "Tendre sur estime" à celui de
"Tendre sur passion" en passant par la "Sincérité", et la "Générosité", évitant le "Lac d’indifférence" et de la "Mer de l’oubli".
À chaque étape de cet itinéraire symbolique correspondait une récompense attribuée par la Dame: anneau, baiser, nudité;
quant au don final, il était repoussé dans un lointain brumeux.
Pour franchir ces étapes, l’apprenti-séducteur utilisait toutes les ressources de l’éloquence et de la préciosité: l’hyperbole
amoureuse, les effets de paradoxe, les métaphores alambiquées, les antithèses hardies; préciosité et maniérisme dont
Molière se moqua dans "Les précieuses ridicules."
Choderlos de Laclos, officier versé dans la science des forteresses, imagina une stratégie de la séduction destinée à
emporter la forteresse autre que militaire: celle des femmes vertueuses; Valmont écrit à la marquise de Merteuil:
"Jusque-là, ma belle amie, vous me trouverez une pureté de méthode qui vous fera plaisir; et vous verrez que je ne
me suis écarté en rien des vrais principes de cette guerre, que nous avons souvent remarqué être si semblable à l’autre."
Le roman de Laclos s’inscrit dans la tradition de l’idéologie courtoise, mais pour la subvertir. Les temps ont changé.
Le contrat n’est plus le même; ce n’est plus la dame à séduire qui fixe les règles, mais une dame d’un tout autre genre,
une perverse libertine, la marquise de Merteuil; elle se sert de Valmont, son ancien amant, pour satisfaire ses tendances
perverses; elle l’instrumentalise, et le duo élabore des stratégies destinées à faire tomber une citadelle métaphorique:
la vertu de la présidente de Tourvel, femme admirable, fidèle, prude et dévote, au-dessus de tout soupçon.
Qualité romanesque remarquable, chaque lettre nous renseigne sur celui qui raconte autant que sur ce qui est raconté.
Selon le principe qui sera plus tard porté par Proust à son sommet, chaque personnage apparaît comme langage:
précision, ironie de la Marquise de Merteuil; vivacité et clarté intellectuelle de Valmont, peu à peu dégradées par la
passion, exaltation sentimentale niaise de Danceny; naïveté brouillonne et spontanée de Cécile.
Lucidité amusée, sagesse bienveillante, politesse un peu désuète, chez Madame de Rosemonde; bien-pensance
et modestie extrême chez la Présidente de Tourvel, puis émoi, égarement, jusqu’à sa fin tragique. Mais au delà,
la véritable innovation littéraire de Laclos, consiste de faire de ces lettres, des forces agissantes; interceptions,
copies, pressions, indiscrétions, restitutions, détournements, changements de destinataire: il n’est pratiquement
pas un tournant de l’intrigue dont le jeu épistolaire ne soit l’agent.
Les personnages ne cessent donc de se croiser, de se séduire, de se débattre, peu-à-peu pris au piège par l'auteur.
Le flamboyant Vicomte de Valmont joue à séduire, sans aucune vergogne mais tout bascule lorsque les sentiments
mêlés de larmes prennent le dessus; le libertin devient amoureux et se noie dans les méandres de l'amour, il chutera.
La Marquise de Merteuil, femme raffinée à la beauté diabolique, complice de Valmont, perdra tout.
Les jeunes gens, d'une naïveté confondante, pris aux pièges des maîtres du jeu, ne s'en remettront pas non plus.
Les règles semblent simples dans ce jeu amoureux, deux cartes maîtresses: la vanité et le désir sexuel.
Capitaine d'artillerie, Choderlos de Laclos révèle alors toute la froideur de la stratégie militaire, dans cette élégante
comédie échiquéenne de l'égotisme et de la sensualité, où "conquérir" pour "prendre poste", nécessite toujours
"attaques" , "manœuvres, "déclaration de guerre" pour "prendre poste", "jusqu'à la capitulation."
Le duel par lettres échangées entre la Marquise de Merteuil et Valmont brille à chaque page.
"J'ajoute que le moindre obstacle mis de votre part sera pris de la mienne pour une véritable déclaration
de guerre : vous voyez que la réponse que je vous demande n'exige ni longues ni belles phrases. Deux
mots suffisent." Réponse de la Marquise de Merteuil écrite au bas de la même lettre: "Hé bien ! La guerre"
La polyphonie permet dans un premier temps à Laclos une démonstration de force, celle de la maîtrise de
toutes les nuances les plus fines dans la psychologie et la caractérisation; c’est aussi une plongée dans les
eaux troubles de la rhétorique libertine: le lecteur se voit confronté à une langue brillante mais manipulatrice,
ciselée comme le diamant; la mécanique épistolaire étant consubstantielle au libertinage en tant que tel.
Feindre, tromper, détourner les soupçons, flatter, toutes ces manœuvres de séduction sont des
opérations de langage écrit; l’écriture est pour les libertins, une action, le verbe précédant la chair.
Valmont entend faire plier celle qu’il veut séduire aux lois qu’il édicte; il annonce, sur un mode mineur,
les dépravations paroxystiques des grands libertins du marquis de Sade.
L'immersion dans le récit plonge le lecteur attentif, dans un système d’une telle ampleur qu’il en devient
libertin lui-même: on jubile de toute cette intelligence déployée au service de l’immoralité.
Mais le génie de Laclos est de, progressivement et insidieusement, gripper la machine: puisque le lecteur est
devenu expert dans l’analyse des victimes, pourquoi ne pas faire le bourreau ? La relation entre Madame de Merteuil
et Valmont, l’amour pris dans les rets de l’orgueil et de la réputation mènent la fin du roman vers des sommets;
le brillant libertin agonise en amoureux inconsolable, la marquise perd son honneur et sa beauté.
Conformant ainsi le roman, au romantisme du XIX éme siècle, qui n'hésita pourtant pas, à le condamner
pour outrage aux bonnes mœurs, et qu'une bonne part du cinéma du siècle suivant, contrairement au théâtre,
préféra le tirer vers le drame sentimental. Sensuel et brillant, le roman est à l’image des libertins.
Il sait nous séduire par ses éclats pour nous éduquer à notre insu, et nous faire prendre le parti inverse de ceux
qu’on avait idolâtrés, soudain bouleversés par une émotion authentique, sincère et sans calcul.
Peut-on trouver meilleur moyen pour véhiculer une morale que l’excitant discours de l’immoralité ?
Bonne lecture à toutes et à tous.
Méridienne d'un soir.
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"L’enchaînement et la confusion des étreintes et des coïts étaient tels que, si je distinguais les corps, ou plutôt
leurs attributs, je ne distinguais pas toujours les personnes; certains contacts étaient très éphémères et, si je
pouvais les yeux fermés reconnaître une femme à la douceur de ses lèvres, je ne la reconnaissais pas forcément
à des attouchements qui pouvaient être violents, il m’est arrivé de ne réaliser qu’après-coup que j’avais échangé
des caresses avec plusieurs femmes en même temps; j’étais livrée à une hydre."
Catherine Millet. "La vie sexuelle."
L’exploration du domaine du sexuel est revendiquée par des auteurs féminins comme un instrument d’émancipation
majeur avec, souvent, une visée sociale, voire même des effets purificateurs d’autothérapie; pour plusieurs de ces
femmes écrivains, le thème de la sexualité, constituant la matière des récits, touche l’essence même de la littérature dans
son ambition de cerner la vérité d’un réel au-delà des apparences; il s’agit d’écrire un texte destiné à établir une vérité,
la vérité d’un être singulier bien sûr.
Cette érotique féminine s’exprime évidemment dans des tonalités très singulières: intellectuelle et distancée avec Catherine
Millet; cérébrale avec Anne F. Garréta; passionnelle, mais résolument sans lyrisme avec Annie Ernaux; hyperlibérée avec
Catherine Cusset; sensuelle avec Alina Reyes; dépressive avec Catherine Breillat ; exaltée avec Christine Angot.
Qu’ont en commun, ces textes qui définissent un érotisme nouveau ? Foncièrement d’exposer, sans états d’âme et sans
fioritures, ce qui relève du plus intime de l’univers sexuel: un vif antiromantisme, un antisentimentalisme s’imposent comme
traits dominants; si, pour Bataille, l’interdit et la transgression sont la condition même de l’érotisme, la recherche du plaisir
s’affiche ici dans un univers mental et social où les limites tendent à être abolies.
Une sexualité affranchie des tabous, c’est le moins à quoi on puisse s’attendre venant d’une littérature érotique; il n’est pas
surprenant que toute la panoplie des pratiques inventées depuis la nuit des temps et soutenues par des fantasmes éternels
se trouve convoquée; avec, certes, des configurations dominantes et exposées au grand jour, compte tenu de l’évolution
structurale que connaît notre univers plus pervers que névrotique.
Mais, encore une fois, ce qui sollicite le questionnement est d’abord le traitement collectif de ces discours; la médiatisation
de l’éros, phénomène jusqu’ici jamais rencontré, s’accompagne d’une certaine désaffectivation, comme si le même sillon
que creusaient tous ces écrits consistait à faire une littérature démystifiant le sexe, en le banalisant, en le désacralisant,
en le naturalisant ou en le simplifiant.
D'autant plus que l’érotisme apparaît désormais comme un terme marchand et consumériste; la sexualité se réduit à une
simple gymnastique, alors que le cerveau demeure le principal organe érotique et orgasmique; cette évolution le prive
de sa force originelle, de son histoire culturelle, de sa capacité à rendre compte de la richesse imaginative de l’être humain,
enfin de son inventivité concernant ses désirs, ses plaisirs, son rapport au corps.
L’obsession du nombre pour Catherine Millet est en soi un indicateur de la logique propre à la société de consommation:
multiplicité des partenaires et enchaînement des étreintes; la rationalité appliquée à l’éros conduit à mettre sur le même
plan, plaisir et travail bien fait; tandis qu’A. Garréta, qui s’impose d’écrire ses souvenirs comme un exercice, par ordre
alphabétique, se définit elle-même comme un fonctionnaire du désir conceptualisé en douze "nuits."
Dans le contexte d’une relation où l’on est "palpée et retournée comme une marchandise de choix", la dénonciation
féministe de l’éternelle aliénation des femmes à être objet paraît bien déplacée, car cet érotisme neutre et rationnel ne fait
que dégager la pure logique de l’objet pulsionnel indépendante de la différence des sexes; on peut voir en filigrane dans
les variantes de l’usage mercantile du sexe et du plaisir qu’il produit.
L’intérêt de ces écrits n’est pas tant en effet de montrer comment l’érotisme triomphe de la répression sociale que
de suggérer une illustration du fonctionnement de l’être-objet pour chacun des partenaires, ce qui suppose une véritable
subversion de la conception de l’objet; Catherine Millet décrit là, l’expérience intérieure de l’érotisme selon Bataille, où la
dimension d’abjection de la jouissance est saisie sans récupération romantique, sans la moindre idéalisation.
C’est un fond déshumanisé, opaque et angoissant, où s’articulent le non-sens et le sexuel dans certains écrits féminins
contemporains dans la filiation de Sade et de Bataille; leur vérité cynique permet de dépasser tout moralisme, y compris
un certain préjugé humaniste qui voudrait maintenir une réserve de subjectivité en ce point ultime où le sexe n’est plus
qu'une matière aveuglante; c'est là le cœur de la dénonciation de la pornographie.
L’érotisme doit se distinguer de la pornographie qui recherche davantage l’excitation immédiate; l’érotisme comporte une
dimension poétique, artistique, mais aussi affective et psychologique; l’érotisme littéraire féminin devrait s’attacher à relier
le plaisir et les sentiments amoureux avec leur pouvoir aphrodisiaque.
La jouissance et l’imaginaire érotique des femmes semblent occultés; l’évocation de la sexualité féminine provoque
le scandale. "Le Deuxième sexe" de Simone de Beauvoir ouvrit une brèche, suivie par Pauline Réage; Histoire d’O narre
le parcours d’une femme consentant à la soumission et au masochisme avec torture, esclavage; O devint un modèle
repoussoir qui incarna la servitude volontaire à travers la soumission amoureuse.
Catherine Robe-Grillet, femme du célèbre écrivain, écrit également sous pseudonymes le récit de passions mortifères.
Elle valorise le sado-masochisme et l’esclavage amoureux volontaire; la dimension sentimentale semble moins mise
en avant; une littérature érotique brise également l’image angélique de la féminité, supposée douce et gentille; des récits
mettent en scène des femmes sadiques, dominatrices et cruelles.
Cet érotisme noir insiste sur la soumission amoureuse; la littérature érotique plus classique valorise également la femme
à la sexualité passive qui se contente d’attendre les initiatives de son amant; cette littérature s’oppose à l’émancipation des
femmes. Beauvoir désire au contraire l'avènement d'une femme indépendante s’émancipant de la tutelle masculine,
maîtrisant sa sexualité et ses désirs pour sa plus grande jouissance.
L’érotisme féminin s’attaque au mythe de l’amour passionnel, à celui de la femme objet; l’amour doit être délivré de
sa pesanteur tragique et de sa valeur sacré; le mythe de Grisélidis symbolise la soumission féminine au sein du mariage.
l’épanouissement érotique devient un enjeu central; c’est sous les draps que les femmes doivent s’émanciper, conquérir
leur dignité de sujet, acquérir une maîtrise de leurs désirs; un rapport de réciprocité doit s’instaurer dans la sensualité.
La littérature érotique présente progressivement des femmes qui assument leurs désirs en dehors de tout attachement
amoureux; le langage des auteures se libère contre les précautions chastes et leurs illusions; on est loin de Casanova
pour qui "le seul homme est susceptible du vrai plaisir, car doué de la faculté de raisonner, il le prévoit, il le cherche, il le
compose, et il raisonne dessus après en avoir joui."
L'érotisme se focalise maintenant vers des modalités de satisfaction prévalentes comme la sodomisation ou la fellation.
La pure pulsionnalité se trouve absolutisée dans le sens des pratiques qui visent une satisfaction de comblement sur le
mode compulsif de la drogue; elles répondraient à un érotisme rudimentaire, marqué par une dégradation de la sensualité.
On ne parle même plus de pulsion, mais d’instinct sexuel, négligeant tout ce qu’implique la sexualité de vie représentative,
imaginative, fantasmatique, ou relationnelle; Catherine Millet parvient à choquer; sa description semble froide et clinique,
sans la moindre sensualité; la réalité prime sur l’obscénité; en revanche, elle valorise la sexualité multiple et ouverte à tous
les possibles, avec le plus grand nombre de partenaires; le faire l’emporte sur le dire, le descriptif sur le narratif; le sexe
constitue le ressort de l’action, son principe et sa finalité; le récit se rapproche alors de la pornographie.
L’appel à la jouissance n’attaque pas toujours l’ordre existant; un hédonisme consumériste incite surtout à acheter
de nouvelles marchandises pour satisfaire des désirs qui ne font que renforcer la logique capitaliste; dans les magazines,
la jouissance devient même une injonction; pourtant, notre époque se caractérise surtout par une grande misère sexuelle
et affective; la pornographie réduit la sexualité à une froide mécanique sans inventivité, répétitive et bestiale.
La volupté, les caresses, la sensualité permettent de réinventer le plaisir sexuel en dehors des normes sexistes,
pornographiques dominantes, une littérature érotique féminine insiste sur l’imagination et le désir pour créer un climat
sensuel, contre le plaisir immédiate; cette conception de la sexualité semble aussi plus réaliste que les scénarios
érotiques qui occultent les relations humaines, avec leurs frustrations et leurs contrariétés; dans la pornographie
traditionnelle, les individus se livrent au plaisir sexuel sans même se rencontrer et se connaître.
Que l’amour soit un chef-d’œuvre, que l’éros soit poésie, nul n’en disconviendra; non pas au prix toutefois du rejet de
la négativité, ce noyau de réel au cœur de l’expérience érotique; pourtant, cette part maudite, tous ces auteurs l’affirment
diversement est inséparable du travail littéraire dont elle est la source.
Ce n’est plus la digue de la pudeur qui est abattue, mais celle de la répulsion, voire de l’insoutenable; il semble bien loin
le temps des risques de poursuite pour "outrage aux bonnes mœurs"; daté le temps des obscurités fascinantes de l’univers
libertin clandestin aux relents de soufre, avec ses mises en scène sophistiquées marquant la proximité du plaisir, du secret
et du danger dans les orgies où corps souillés et orgasmes mystiques exigeaient pseudonymes et autres masques.
L’emploi du terme érotisme n’est-il pas inadapté, face à un tel contexte socioculturel à bien des égards inédit ? L’érotisme
a une histoire spécifique dans notre culture et dans notre littérature; des choses ont bougé dans le paysage de l’érotisme
classique, que ce soit sous l’angle du libertinage du XVIIIe siècle, ou sous celui de la créativité dans ses expressions
picturales et littéraires les plus accomplies, par exemple dans le surréalisme, et jusqu’à Histoire d’O.
La pornographie a dépouillé l’érotisme de contenu artistique, en privilégiant l’organique sur le mental, comme si le désir
et le plaisir avaient pour protagonistes des phallus et des vulves et que ces appendices n’étaient que de purs serviteurs
des fantasmes qui gouvernaient notre âme, séparant l’amour physique des autres expériences humaines.
Un voile de pudeur, sa transgression, une aura de secret, un frisson de beauté, est à la frange du dénudement sentimental,
liant amour et sexe pour accéder à l’érotisme. Eros, fils de Mars et Vénus, ou de Poros et Pénia paraît être définitivement
castré par son frère, l’obscène Priape. S’agit-il d’éros, s’il ne reste qu’une viande proche du trash ou du gore ?
Sans que nous nous en rendions compte, la fin du XX° siècle coïncide avec de grands changements dans les mentalités:
peut-on parler de la fin de l'érotisme ? Á force d'être obligatoires dans tous les récits, les écritures érotiques ont perdu leur
grâce littéraire, pour n'être plus que des répétitions anatomiques vulgaires; l'écriture féminine saura-t-elle relever le défi ?
Bonne lecture à toutes et à tous.
Méridienne d'un soir.
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Aux dernières heures de la nuit, quand elle est encore noire; avant l'aube, Juliette reparut.
Rares étaient les soirées où elle n'éprouvait pas l'irrésistible plaisir de maltraiter ou d'user
de sa jeune soumise. Elle alluma la lumière de la salle de bains, en laissant la porte ouverte,
faisant un halo de lumière sur le milieu du lit, à l'endroit où le corps de Charlotte, nu et attaché,
déformait les draps de soie, recroquevillé et contrainte; comme elle était couchée sur la droite,
le visage vers la fenêtre, les genoux un peu remontés, elle offrait à son regard sa croupe pâle
sur la soie rose.
Il lui parut naturel de la préparer ainsi dans sa condition d'esclave marquée et fouettée afin qu'elle fut prête.
Juliette eut soin à plusieurs reprises de lui renverser les jambes en les lui maintenant en pleine lumière pour
qu'elle pût la voir en détail; sur son ventre lisse, le tatouage portait en toutes lettres qu'elle était sa propriété.
Charlotte gémit plus d'une heure sous les caresses de sa maîtresse; enfin les seins dressés, elle commença
à crier lorsque Juliette se mit à mordre lentement la crête de chair où se rejoignaient, entre les cuisses, les
fines et souples petites lèvres.
Elle la sentait brûlante et raidie sous ses dents, et la fit crier sans relâche, jusqu'à ce qu'elle se détendît d'un seul
coup, moite de plaisir; Juliette était aussi attirante et hautaine dans le plaisir qu'elle recevait, qu'inlassable dans ses
exigences. Ni le plaisir qu'elle avait pu prendre la nuit ni le choix qu'elle avait fait la veille n'influaient sur la décision.
Charlotte serait offerte, dans les pires conditions auxquelles elle serait confrontée.
Qu'à être offerte elle dût gagner en dignité l'étonnait; c'est pourtant de dignité qu'il s'agissait; sa bouche refermée sur
des sexes anonymes, les pointes de ses seins que des doigts constamment maltraitaient, et entre ses reins écartés
le chemin le plus étroit, sentier commun labouré à plaisir, elle en était éclairée comme par le dedans; se soumettre,
désobéir, endurer, alternances délicates auxquelles elle ne voulait plus se dérober; l'abnégation d'elle même qu'elle
conservait constamment présente.
Le lendemain, elle fut mise à l'abattage. On lui banda les yeux avant de la lier à une table, jambes et bras écartés.
Juliette expliqua seulement aux hôtes invisibles que sa bouche, ses seins et particulièrement les orifices de son corps
pouvaient être fouillés à leur gré; des hommes s'approchèrent d'elle; brusquement des dizaines de doigts commencèrent
à s'insinuer en elle, à la palper, à la dilater. Juliette interrompit la séance qui lui parut trop douce.
Elle fut détachée pour être placée sur un chevalet; dans cette position infammante, elle attendit quelques minutes avant
que des sexes inconnus ne commencèrent à la pénétrer.
Elle fut fouillée, saccagée, malmenée, sodomisée. Elle était devenue une chose muette et ouverte. Puis elle fut ramenée
dans le salon où les hommes attendaient déjà son retour. Les yeux de nouveau bandés, nue droite et fière, Juliette la
guida vers le cercle d'hommes excités et ce fut elle qui s'agenouilla pour prendre leur verge dans sa bouche, l'une après
l'autre, jusqu'à ce qu'ils soient tous parvenus à la jouissance et se soient déversés sur son visage ou sa poitrine offerte.
Souillée de sperme et de sueur, on l'envoya se laver; la salle de bain était vaste et claire. Juliette la rejoignit pour assister
à sa toilette intime; elle était accompagnée de deux hommes; avant qu'elle ait eu le temps de se doucher, ils urinèrent sur
elle en l'éclaboussant chacun d'un jet dru et tiède; elle tourna sur elle-même afin que chaque parcelle de son corps reçoive
leur ondée.
Après un minutieux nettoyage, sa maîtresse lui ordonna de s'habiller pour aller dîner; nous allâmes dans un club échangiste
pour achever la soirée; outre son harnais et une ceinture de chasteté, Charlotte portait un bustier en cuir, des bas noirs et
une veste en soie de la même couleur laissant entrevoir son intimité; un collier de chien ciselé de métal argent serti d'un
petit anneau destiné au mousqueton de la laisse donnait à sa tenue un bel effet; Juliette l'amena en laisse jusqu'au bar.
Elle la fit monter sur une table haute où lui fût administrée une violente fessée qui empourpra ses reins; un esclave mâle fut
requis pour lécher et apaiser sa croupe; on glissa sur sa tête une cagoule emprisonnant la nuque et aveuglant ses yeux, ne
laissant passer l'air que par une ouverture pratiquée au niveau de la bouche de façon à ce qu'elle soit offerte; un homme lui
baisa la bouche, sa gorge lui servant d'écrin; excité par le spectacle de la fellation, un autre décida brusquement d'utiliser
ses reins; il s'enfonça en elle sans préliminaire pour faire mal. Comment éprouver la satisfaction insane d'offrir son corps ?
Le souhait de Charlotte est d'aller toujours jusqu'au bout de ses fantasmes, au-delà des désirs de Juliette.
Bonne lecture à toutes et à tous.
Méridienne d'un soir.
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La voix du maître des lieux soudain retentit: "Je vous présente Charlotte, la soumise de Juliette. Elle est ici pour
se faire dresser et devenir une esclave obéissante." On me banda les yeux de façon que je ne puisse voir les
invités qui descendaient dans la cave. Quelqu'un me demanda de me tourner et de monter mon cul, ce que je
fis avec complaisance. On m'ordonna de m'approcher d'un invité qui voulait me toucher et, en aveugle, je fis
quelque pas dans la direction qu'on m'avait indiquée. Des mains glacées se posèrent sur ma peau et me firent
tressaillir. Ce premier contact m'avait surprise mais je m'offris avec docilité aux caresses qui devinrent tès vite
agréables. On me fit savoir que plusieurs personnes étaient venues assister à mon dressage.
Chacune d'entre elles allait me donner dix coups de fouet. Je me préparai à cette épreuve en me concentrant
sur la volonté dont j'allais devoir témoigner, l'entraînement à la douleur n'est après tout qu'un entraînement
sportif comme un autre: on parvient aisément à reculer les limites et à endurer à chaque expérience un peu plus
longtemps la sensation de souffrance à laquelle on finit par s'habituer, d'autant plus lorsque comme moi, on en
tire une vive excitation et un plaisir incomparable.
Je reconnus immédiatement les coups de fouet appliqués par ma Maîtresse: elle a une méthode particulière, à la
fois cruelle et raffinée, qui se traduit par une sorte de caresse de la cravache ou du martinet avant le claquement
sec, toujours imprévisible et judicieusement dosé. Juliette sait mieux que quiconque me dresser. Après le dernier
coup, elle caressa furtivement mes fesses enflammées et cette simple marque de tendresse me donna le désir
d'endurer encore davantage pour la satisfaire.
On m'ordonna de me mettre à quatre pattes, dans la position sans doute la plus humiliante pour l'esclave, mais
aussi la plus excitante pour l'exhibitionniste que ma Maîtresse m'a appris à être, en toutes circonstances et en tous
lieux. Je reconnus à leur douceur des mains de femme qui commencèrent à palper mon corps. Avec un certain
doigté, elles ouvrirent mon sexe. Peu après, mon ventre fut investi par un objet rond et froid que Béatrice mania
longtemps et avec lubricité. Les Maîtres décidèrent alors que je devais être reconduite au premier étage.
On me débanda les yeux et je pus connaître le visage des autres invités de cette soirée mémorable. Je découvris
ainsi que Béatrice était une superbe jeune femme brune aux yeux clairs, avec un visage d'une étonnante douceur
dégageant une impression rassurante de jovialité. Je me fis la réflexion qu'elle était physiquement l'inverse d'une
dominatrice telle que je l'imaginais; je fus mise à nouveau dans le trou aménagé dans le mur, où j'avais été contrainte
la veille. Pendant que l'on usait de mes orifices ouverts, Vincent exhibait sous mes yeux son sexe congestionné que
je tentai de frôler avec mes lèvres puis avec la pointe de ma langue dardée au maximum.
Mais Vincent, avec un raffinement de cruauté qui acheva de m'exciter, se dérobait à chaque fois que j'allais atteindre
sa verge, m'obligeant à tendre le cou, la langue comme une véritable chienne. J'entendis quelques commentaires
humiliants sur mon entêtement à vouloir lécher la verge de l'inconnu; ces injures, ajoutées aux coups qui ébranlaient
mon ventre et aux doigts qui s'insinuaient partout en moi, me firent atteindre un orgasme dont la soudaineté me sidéra.
J'avais joui, comme fauchée par une rafale de plaisir que rien n'aurait pu retarder.
Ayant été prise d'un besoin pressant et ayant demandé avec humilité à ma Maîtresse l'autorisation de me rendre aux
toilettes, je me vis opposer un refus bref et sévère. Confuse, je vis qu'on apportait au milieu du salon une cuvette et
je reçus de Juliette l'ordre de satisfaire mon besoin devant les invités rassemblés. Une panique irrépressible me
submergea. Autant j'étais prête à exhiber mon corps et à l'offrir au bon plaisir de Juliette ou à apprivoiser la douleur
pour être digne d'elle, autant la perspective de me livrer à un besoin aussi intime me parut inacceptable.
La véritable humiliation était là: me montrer dans cette position dégradante, alors qu'exhibée ou fouettée, prise ou
sodomisée, ma vanité pouvait se satisfaire de susciter le désir. En urinant devant les invités rassemblés, je ne
suscitais le désir de personne. C'est à cette occasion que je pris conscience de l'orgueil réel de l'esclave, qui motive,
et par conséquent explique et excuse tout. En fait, les rites du sadomasochisme reposent sur l'orgueil: l'orgueil de la
Maîtresse de posséder une belle et docile esclave, mais aussi orgueil sans limite de l'esclave, convaincue d'éveiller
les désirs les moins avouables, et donc les plus rares à éprouver, chez ces êtres supérieures que sont les maîtres.
La légère impatience que je lus dans le regard attentif de Juliette parut agir sur ma vessie qui se libéra instinctivement.
Je réussissais à faire abstraction de tous les témoins dont les yeux étaient fixés à la jointure de mes cuisses. Lorsque
j'eus finis d'uriner, ma Maîtresse m'ordonna de renifler mon urine, puis de la boire. Bouleversée par cette nouvelle
épreuve, je me sentis au bord des larmes, mais n'osant pas me rebeller, je me mis à laper sans l'avaler le liquide encore
tiède et à ma vive surprise, j'éprouvai une indéniable délectation à ce jeu inattendu.
Après avoir subi les regards des invités, je fus amenée devant Béatrice dont je dus lécher les bottes vernies du bout de
ma langue. La jeune femme séduisante me récompensa par une caresse très douce, qui ressemblait au geste que l'on
fait pour flatter le col d'un animal soumis. Le dîner fut annoncé à mon grand soulagement.
Juliette sut gré à Vincent d'avoir trouvé Charlotte à la hauteur de ses espérances.
Hommage à Charlotte.
Bonne lecture à toutes et à tous.
Méridienne d'un soir.
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Le marquis de Sade, né le 2 juin 1740, meurt le 2 décembre 1814 à l’asile de Charenton où il vivait reclus depuis
depuis le 6 mars 1801. Les profondes mutations du XVIII ème siècle, par où s’accomplit l’homme moderne, offrent
une scène grandiose au désordre de son existence et au tumulte provoqué par son écriture. Errance de l’homme
à la recherche de sa vérité, accusé d’avoir exploré les voies obscènes de la souffrance et banni de la société dont
il refusait les lois.
Toutes les opinions soutenues jusqu’à aujourd’hui sur Sade, soient-elles d’admirateurs, de détracteurs ou studieux
analystes, ont été incapables de donner une explication cohérente de la vie et de l’œuvre de Sade sans omettre des
données historiques importantes, vraies et certaines, sans inclure des hypothèses basées sur la réalité, tout en
avançant même parfois des contre-vérités comme des faits admis. Admirateurs, détracteurs et universitaires zélés
partagent tous le même ensemble de préjugés: "Sade jouissait sexuellement de la torture et il écrivit la pornographie
d’horreur pour justifier la torture et le meurtre." Et cette unanimité d’opinions apparemment contraires a été prise pour
la vérité.
Comme si l’action des autres personnages ou simple ornement, comme si le reste des écrits de Sade hors des romans
érotiques n’exprimait pas sa pensée. L’œuvre d’un écrivain est un ensemble où il faut trouver ce que chaque ouvrage
concret, et chaque partie concrète du même expriment des idées et sentiments de l’auteur. Mais, avec Sade, on a préjugé
un type de personnalité, basé non pas sur des données historiques mais sur des fantaisies, et on a déduit de ce type
présupposé tout acte, parole et idée de Sade, identifiant l’écrivain aux personnages les plus pervers de ses romans.
Il n’y a pas aucun doute que l’oeuvre de Sade prouve qu’il était capable de portraiturer littérairement la cruauté, même
l’infinitude de la cruauté. Mais cette capacité, toute seule, ne dit rien sur la vie réelle de Sade. Personne ne pense jamais
à interpréter, par exemple, la vie de Sade d’après des personnages comme Justine, la vertu torturée ou Zamé, le roi plein
de bonté de Tamoë, qui sont tous deux aussi de Sade que la méchante Juliette ou que les bourreaux de "Les cent vingt
journées de Sodome". Bien sûr qu’identifier Sade aux personnages bons serait une erreur, mais l’identifier aux méchants
est aussi erroné, car dans les deux cas on mêle la réalité avec la fiction.
La supposition que le caractère et les faits de quelqu’un peuvent être jugés d’après ses écrits rencontre, au moins dans ce
cas, une grave contradiction; Sade savait aussi décrire, avec la même perfection que la méchanceté et l’obscénité, les plus
hauts dégrés de l’amour, la bonté et la vertu. Ce fait est presque inconnu parce qu’il ne s’accorde pas à l’image la plus
répandue de Sade; les oeuvres de Sade qui le démontrent plus clairement sont difficiles à trouver et inconnues, faute de le
vouloir car on ne cherche chez Sade que des écrits de pornographie et de violence.
On interprète, non pas les écrits de Sade partant des faits de sa vie, mais sa vie partant de ses oeuvres littéraires, sans
marquer les limites entre la fantaisie et la réalité. Lorsqu’il s’agit de Sade, on se permet d’omettre ou dénaturer des faits
prouvés, poser des données imaginaires ou des simples conjectures comme des réalités constatées, et de tomber dans
la caricature la plus grossière.
Ce que l'on pense être les idées de Sade a très peu de relation avec les pensées de l’homme qui a écrit toute l’oeuvre
de l'écrivain maudit. Mais on ignore aussi que la plûpart des actes qu’on attribue à Sade n’ont aucune correspondance
avec la réalité. Sade n’était pas un meurtrier, et ses écrits ne pouvaient pas être la justification d’actes qu’il ne commit pas.
L'examen de toute l’oeuvre de Sade, avec tous ses personnages, donne un résultat très différent de celui de la recherche
simple du psychopathe, soit pour l’adorer, pour l’abhorrer ou pour en déclarer l’indifférence. Mais on se nie à accepter ce
résultat parce qu’il contredit les préjugés sur Sade et ce qu’on croit toujours sur lui.
Malgré la prolixité de ses descriptions littéraires d’assassinats, Sade est un homme qui jamais n’a tué personne.
Ce n’est pas seulement qu’on n’ait pas pu prouver sa culpabilité d’un crime concret: c’est que Sade ne fut pas même
suspect d’assassinat dans aucun cas, sauf par la plainte de la prostituée intoxiquée par cantharide qui l’accusa de
tentative d’empoisonnement, et par les ossements qu’une actrice nommée "Du Plan", amie de Sade, avait utilisé pour
un décor macabre, et que le marquis fit enterrer après au jardin. D’autre part, nous savons que Sade combattit la peine
de mort pendant la Révolution et qu’il risqua sa vie pour sauver des innocents.
Un psychopathe intelligent, calculateur, sait très souvent comment obtenir l’impunité des pires horreurs. Un psychopathe
vulgaire, impulsif, de basse intelligence, ne pense pas aux conséquences de ce qu’il fait: il suit ses impulsions sans frein
jusqu’à l’assassinat. Nul de ces actes ne se trouve chez Sade, qui a été vu par quelques auteurs comme trop imbécile
pour l’impunité, à la fois que trop couard pour suivre ses impulsions jusqu’à la fin, des traits que les preuves historiques
démentent, et qu’on attribue à Sade pour forcer les données à s’ajuster à la thèse de la psychopathie, faute d’inspiration.
Les faux admirateurs de Sade l’admirent comme le génie de la liberté absolue, n’ayant comme base que la manque de
bornes au vice et au crime que montrent les personnages scélérats de quelques romans de Sade. Mais ils oublient que,
dans ces textes, se trouve aussi l’affirmation que la liberté n’existe pas, que tous nos désirs, pensées, sentiments et
volontés sont déterminés par les lois physiques qui gouvernent nos corps, nos cerveaux et l’univers entier. Si les grands
criminels ne font que suivre la nature, on ne peut pas prétendre qu’ils soient libres, et moins encore de façon absolue.
C’est la même sottise que l’affirmation contraire. Un acte de bonté qui soit physiquement possible ne peut offenser la
nature plus qu’un crime, lui étant tous les deux indifférents. Supposer une autre chose, c’est prêter à la nature les absurdes
traits personnels des dieux; croire que le bien ou le mal peut lui importer, c’est lui attribuer une volonté, ce qui est un retour
à la religion qu’on prétend combattre en suivant "les desseins de la nature." Malgré son absurdité, l’attitude de justifier les
crimes les plus horribles sous prétexte d’obéir aux lois de la nature est très répandue.
Tout ce qui est physiquement possible est naturel; mais les pires horreurs sont naturelles aussi. La torture et le meurtre sont
physiquement possibles; la nature jamais n’empêche ces actes s’ils se bornent aux lois physiques, et on peut en obtenir de
la jouissance sexuelle; la nature donne ce plaisir à ceux qui en jouissent. Sade a certes écrit tout cela, mais il ne croyait pas
que la nature fût bonne. Ceux qui prennent Sade pour le héros de la liberté sexuelle absolue,"sans limites", ignorent qu'il fut
victime de l’attitude qu’ils trouvent désirable.
Faute de connaissance des données historiques, le vide peut se remplir avec l’imagination: toute lacune dans les données
historiques de Sade peut être remplie avec des fragments de ses romans pour offrir des exemples de sa conduite dans sa
vie réelle. La majorité de ceux qui frémissent d’horreur en entendant ou lisant le nom de Sade imaginent sa conduite, et
parce qu’ils l’imaginent, ils croient la connaître, ignorant qu’ils en ont reçu une image fausse, née de personnages fictifs et
non pas de la réalité. Cette image fausse, d’une simplicité qui la rend très facile à répandre, l’adaptant à tout niveau de
compréhension, est très populaire, mais elle peut risquer de devenir majoritaire, pour prendre dès lors une apparence
faussement intellectuelle.
La plûpart des contradictions qui évaluent la conduite de Sade, ont leur origine au fait d’interpréter chaque action, parole,
et idée de Sade comme le résultat d’un égoïsme infini, qu’on lui attribue comme point de départ préalable à l’examen des
faits. On préjuge, on considère comme bien établi que la réalité ne peut pas être différente des préjugés. C’est vrai que le
contenu de quelques écrits de Sade crée cette apparence, mais c’est vrai aussi que l’égoïsme absolu comme explication
de la vie de Sade ne donne qu’une ribambelle d’absurdités, même si on se borne à la plus stricte exactitude historique.
On a voulu expliquer l’anomalie de Sade comme de la psychopathie, c’est-à-dire, un égoïsme absolu, marqué de la moindre
capacité d’empathie, qui expliquerait une extrême méchanceté sans qu’il y ait une maladie d’aliénation ni un déficit cognitif.
Il est vrai que ces traits se trouvent chez plusieurs personnages de quelques romans de Sade, mais l’analyse des données
de sa vie réelle, sans des donnés imaginaires ou des hypothèses non constatées, ne permet pas de dire que Sade fut un
psychopathe, même si cette idée est la plus répandue parmi les psychiatres les plus prestigieux, qui l’adoptèrent sans doute
pour ne pas en adopter de plus simplistes.
Il y a chez Sade toutes les qualités necéssaires pour la plus haute excellence éthique, et il est prouvé qu’il en fit usage;
mais on ne peut nier son libertinage, ni son masochisme sexuel, intronisé par le nom d'algolagnie par Schrenck-Notzing,
ni les descriptions de perversions et de crimes dans ses écrits, alllant même jusqu’à portraiturer la cruauté humaine
portée aux dernières conséquences, qui arrivent au désir du mal pour le mal, même au déla du plaisir. Cela est vrai
quoique l'écrivain ait décrit aussi tout le contraire dans d’autres écrits ou dans les mêmes. Supposant que Sade fut
moralement tout le contraire des personnages littéraires qui l’ont rendu tristement célèbre, il reste encore la raison
pour laquelle il se livrait à des pratiques sexuelles violentes, contre des femmes et contre lui-même. Un homme sain
peut-il être "sadique" ? Peut-il commettre des actes d’algolagnie ou de masochisme sexuel ?
La raison d’une grande partie de la confusion c’est que la question du masochisme sexuel n’a pas été étudiée avec la
profondeur nécessaire. La théorie héritée d’Havelock-Ellis, expliquant l’algolagnie comme le résultat d’une sensibilité
inférieure à la normale, permet d’expliquer la plupart des cas d’algolagnie, et, par conséquent, ne peut pas être rejetée.
Mais on a demontré qu’il existe des cas où l’algolagnie ne peut pas être expliquée par une sensibilité plus basse que la
normale. La théorie de la perte de la sensibilité comme explication de l’algolagnie n’est pas erronée, mais incomplète.
L’erreur consiste à la prendre pour l’explication universelle, de tous les cas de masochisme sexuel. Il ne faut pas pour
autant la supprimer mais l’inclure dans une théorie plus vaste expliquant les cas qui restent hors de sa portée.
Pourquoi, donc, chez Sade, l’algolagnie et la pornographie d’horreur ? On ne se demande presque jamais si l’horreur
décrite par Sade jusqu’à la satiété était ce qui lui plaisait le plus, ou ce qui le tourmentait, et si ce tourment n’était pas
aussi la cause de son masochisme. Mais une nouvelle analyse de la biographie de Sade revèle, au commencement
de ses scandales sexuels, des profanations de symboles religieux devant une prostituée, avec laquelle il passa toute
une nuit en lisant un livre sur l’athéïsme, sans aucun acte sexuel ni de torture commis sur la femme.
L' obsession de la description du libertinage et de la cruauté des prêtres dans l’oeuvre de Sade, ajoutée à cet épisode
réel, peut montrer l’explication du paradoxe de Sade; des abus sexuels et des tortures soufferts par l’enfant Sade par des
prêtres lors de sa scolarité. Cette blessure psychologique peut expliquer la recherche de masochisme sexuel chez Sade,
exprimée dans les personnages de ses romans, et leur comportement psychopathiques, sans être un psychopathe.
On croit que la conduite de Sade était celle de ses personnages scélérats parce qu’on y trouve, monstrueusement
augmentée par la fantaisie, l’algolagnie. Mais si cette algolagnie n’est pas le fruit du plaisir et de la liberté de Sade, mais
celui de son emprisonnement et de sa douleur, toute interprétation de sa pensée doit changer. On ne peut plus admirer
l'écrivain comme le génie de la liberté absolue, ni l’abhorrer comme une incarnation de Satan. Et, si sa conduite était tout
simplement le contraire de l’égoïsme et de la psychopathie, juste le fruit d'une pensée philosophique.
Combien y a-t-il de Sade dans chacun de ses personnages ? La thèse que l'écrivain, agresseur en toute occasion, fut
surtout, une victime, donne une réponse qui permet d’intégrer les extrêmes de la bonté et de la méchanceté dans la pensée
de Sade sans contradiction. Se borner aux personnages scélérats pour juger l'ensemble de ses écrits revient à légitimer la
logique que la vertu naît des sentiments, et que la raison sans les sentiments n’a d’autres passions que celles de l’égoïsme,
menant au vice et même aux crimes les plus affreux. Sade voulait démontrer que la vertu est malheureuse parce qu’elle va
contre le courant majoritaire de l’égoïsme, ce qui fait triompher le vice.
Une fois connue la cruelle réalité de la nature et rejeté l’absurde d’un être surnaturel, l’éthique exige de solides fondations.
Celles-ci ne doivent pas se baser sur la superstition, ni suivre la tendance générale de la nature qui entraine la destruction.
L’algolagnie ne fut pas pour Sade une fête mais un drame dont l’obscénité et la souffrance physique étaient l’expression
d’une douleur psychique immense et de la rébellion contre cette douleur. Mais c’est une révolte impuissante, désespérée
qui se plonge dans la peine comme voulant en jouir. Le “plaisir” que la torture provoque à Sade peut se comparer au rire
de celui qui devient fou à cause d’une catastrophe absurde: il ne s’agit pas de vrai plaisir, mais d’une comédie.
Sade eût des traits dignes de la plus haute admiration qui sont niés ou méprisés, non seulement par ses détracteurs,
mais aussi par ses faux admirateurs et par des studieux impartiaux; ce qu’on admire de lui n’est que le produit fatal de
son énorme souffrance, non pas de son plaisir, comme veulent le faire croire ceux qui détournent son œuvre.
Sade aura donc subi une enfance chaotique et carencée, une adolescence violente, fréquenté les geôles de tous
les régimes, connu la mort sociale et l’anonymat, le rejet de son milieu d’origine, la méfiance des révolutionnaires,
la solitude, la ruine, l’assassinat crapuleux de son fils aîné. Cette accumulation dévoile une incontestable tendance
personnelle et familiale à provoquer la punition par l’ultime représentant parental qu’est le destin.
Écrivain libertin talentueux, ou fieffé scélérat débauché, Sade brille, dans sa tentative désespérée, de mettre à bas,
en tant qu'esprit libre et vagabond, un ordre social et religieux, en déclin à la fin du XVIII ème siècle. Son œuvre,
inspirée d'une conscience matérialiste de l'infini, déshumanisant les corps, explore les abîmes sombres de l'âme.
Il demeure un grand auteur, capable de nouveauté et d’audace, plaçant la littérature à la hauteur de son exigence.
Bonne lecture à toutes et à tous.
Méridienne d'un soir.
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" Il est très doux de scandaliser: il existe là un petit triomphe pour l'orgueil qui n'est nullement à dédaigner;
car tout est bon quand il est excessif." La Philosophie dans le boudoir (1795)
Apollinaire le considérait comme "l’esprit le plus libre qui ait encore existé" ; Bataille voyait en lui "un homme
en un mot monstrueux", qu'une passion de liberté impossible possédait. Deux siècles après sa mort, le marquis
de Sade continue d’exercer une véritable fascination, une attirance mêlée d’effroi. Longtemps censuré puis au
XX ème siècle réhabilité, il est aujourd’hui considéré comme un écrivain essentiel de notre histoire littéraire.
Sade est sans nul doute un auteur reconnu, mais il n’en reste pas moins méconnu. De fait, subsiste aujourd’hui
une vision par trop simpliste et tronquée du libertinage, du sadisme et de la portée philosophique de son œuvre.
En dehors de sa réputation sulfureuse, que sait-on du Marquis de Sade ?
Qu'il est né à Paris, le 2 Juin 1740, en l'hôtel de Condé, dans une vieille famille aristocratique de souche provençale,
de grande noblesse. Qu'il fut écrivain, philosophe, et homme politique, longtemps voué à l'anathème, en raison de la part
accordée dans ses écrits, à l'érotisme, associé à des actes de violence et de cruauté, qu'il passa pour cela, près d'une
trentaine d'années en prison avant de s'éteindre le 2 Décembre 1814, dans l'asile d'aliénés de Charenton.
Errance d'un homme à la recherche de sa vérité, accusé d’avoir exploré les voies obscènes de la souffrance et banni
d'une société dont il refusait les lois. Tragédie immémoriale de la quête des origines qui noue le savoir au fouet de la
souffrance pour filer le destin malheureux du génie créateur. Saisi par la mélancolie quelques années avant sa mort,
le marquis de Sade rédigea ses dernières volontés:
"La fosse une fois recouverte, il sera semé dessus des glands, afin que par la suite le terrain de ladite fosse se trouvant
regarni, et le taillis se retrouvant fourré comme il l’était auparavant, les traces de ma tombe disparaissent de dessus la
surface de la terre, comme je me flatte que ma mémoire s’effacera de l’esprit des hommes."
Son ultime résolution ne sera pas respectée. Ni par ses exécuteurs testamentaires, ni par la postérité. La pulsion de vie
l’emportera sur la pulsion de mort. Formidable énergie d’Eros contre le désir mortifère de n’être plus rien, qui fait du marquis
un auteur toujours vivant et contesté au-delà de sa mort et de son siècle.
Donatien de Sade vécut une enfance atypique. Ses parents, Jean-Baptiste et Marie-Eléonore, étaient des familiers des
Condé, vivant dans leur hôtel situé à l’époque à la place actuelle du théâtre de l’Odéon. Son père, amant d’une princesse
de Condé, avait épousé la fille de sa dame d’honneur. Il était libertin, avait des maîtresses, était bisexuel et cherchait des
des aventures homosexuelles au jardin des Tuileries. La mère se replia bientôt dans un couvent, aigrie et acariâtre.
Mais le petit garçon semblait agité, il se disputa rapidement avec Louis-Joseph de Condé, de quelques années son aîné.
Quand il eut quatre ans, on l’expédia auprès de son oncle, au château de Saumane, près de Fontaine-de-Vaucluse.
Cet oncle, abbé, érudit, poète, en correspondance avec madame du Châtelet, libertin, plutôt jovial, vivait avec deux
maîtresses, la mère et la fille. On imagine une ambiance à la fois débonnaire et libérée, et des soirées érotiques.
Néanmoins, l'enfant se fit là quelques amis, sa cousine Pauline de Villeneuve et Gaspard Gaufridy, le fils d’un notaire,
auxquels il demeura fidèle toute sa vie. Il aima Saumane, le château, le village, la lumière, les paysages. De retour à
Paris, il fut un élève appliqué du collège Louis-le-Grand, et c’est là qu'il subit, de la part des maîtres jésuites, agressions
et provocations de nature sexuelle.
Âgé de quatorze ans, et doté d'un titre de noblesse, il entra à l'école préparatoire de cavalerie, en vue d’intégrer le
prestigieux régiment des "chevau-légers de la garde." Il participa courageusement à la guerre de sept ans, avec le
grade de capitaine, tout en commençant à fréquenter à Paris des femmes légères et des actrices. En vue d'un
mariage flatteur, en réalité pour effacer de lourdes dettes, sa famille le força à épouser en 1763, une demoiselle
de petite noblesse, mais dont la famille avait de puissantes relations à la cour de Louis XV. Elle s'appelait , Renée
Pélagie de Montreuil. Son père était Président de la Cour des Aides. Marié, le jeune marquis continua néanmoins,
à s'adonner aux plaisirs du libertinage.
Louis XV pardonnait la débauche mais non pas les atteintes à la religion.
Surveillé dès 1764 pour sa présence régulière dans les maisons de débauche, le marquis accumule dettes, délits,
outrages aux bonnes mœurs, faux repentirs et promesses sans lendemain. L’inspecteur Marais prévient dans une note
écrite du 16 octobre 1767: "On ne tardera pas à entendre parler encore des horreurs du comte de Sade."
Son goût pour la transgression et ses dérèglements répétés lui gagneront la réputation définitive d’un libertin érotomane
à qui ses écarts et ses ouvrages vaudront un long emprisonnement, vingt-huit ans au total et deux condamnations à mort.
À Arcueil en 1768, il approche une veuve de trente six ans réduite à la mendicité, lui promet un emploi de gouvernante,
la séquestre, la menace et la fouette jusqu’au sang, obtient l’orgasme par le seul fait des coups redoublés puis la confesse.
Il sera emprisonné sept mois.
À Marseille en 1772, le scénario se déroule en cinq actes d’une même journée. Chacun comporte trois personnages:
une prostituée, le marquis, qui se fait appeler Lafleur et son valet Latour nommé pour la circonstance Monsieur le Marquis.
Une prostituée est chargée de regarder une séquence sur les cinq et la dernière séquence voit le valet congédié. Les actes
se répètent. Le marquis fouette, se fait fouetter et compte méticuleusement les coups reçus. Il sodomise une prostituée, en
viole une autre, masturbe son valet, se fait sodomiser par lui, en proposant des dragées de cantharide à trois filles.
Les prostituées présentent des signes d’intoxication et portent plainte. Le marquis de Sade, en fuite avec la sœur de son
épouse, qui promet de lui appartenir à tout jamais, est condamné à la peine de mort pour empoisonnement et sodomie.
Finalement, incarcéré en 1772, il s’évade en 1773.
En 1775, toujours recherché, il revient en Provence au château de La Coste dont il est le seigneur. En présence de sa
femme, il recrute six adolescents, dont un jeune secrétaire et des adolescentes d’une quinzaine d’années, à qui se
rajoute un personnel jeune et disposé à satisfaire les caprices sexuels du maître. Ceux-ci sont interrompus par une
plainte des parents pour enlèvement de mineurs à leur insu et par séduction. Les jeunes filles portent la trace des coups
de verges reçues et des incisions pratiquées sur leurs bras et leur corps. Le secrétaire est infecté par la vérole. Nouvelle
fuite en Italie pour tenter d'échapper à la saisie de corps et nouveau retour au château de La Coste.
Le marquis qui n’a pas encore trente sept ans vit avec l’été 1776 ses derniers moments de liberté avant longtemps.
L’épilogue de la première partie de sa vie est connu. Fuyard, il quitte le château de La Coste et choisit contre toute
raison de se réfugier à Paris. Prémonition probablement dictée par une forte culpabilité inconsciente car il y apprend,
trois semaines après son arrivée, la mort de sa mère et se fait arrêter le 13 février 1777 pour être incarcéré au donjon
de Vincennes.
La disparition de sa mère et la rigueur de l’enfermement contribuèrent sans aucun doute à la naissance de l’écrivain.
Après "L’inconstant", une petite comédie rédigée en 1781, l’œuvre s’annonce par la déclaration d’un athéisme militant
reproduisant les arguments du matérialisme en vogue au XVIII ème siècle. L’auteur encore débutant produit un travail
intense. Il débute la rédaction des " Cent vingt journées de Sodome", dont il recopie le manuscrit en 1785 à La Bastille,
met en chantier "Aline et Valcour" en 1786 et l’achève en 1788 de même qu’"Eugénie de Franval". " Les Infortunes de
la vertu" sont rédigées en seize jours de l’année 1787.
Il ne sera rendu à la liberté que le 2 avril 1790 avec l’abolition des lettres de cachet. Mais, après la disparition de l’ancien
régime, sa lutte pour la déchristianisation est cataloguée de séditieuse par Robespierre et au terme d’une incarcération de
quelques mois entre 1793 et 1794, Fouquier-Tinville le condamne à mort pour intelligences et correspondances avec les
ennemis de la République. Il en réchappe avec la chute de Robespierre mais les publications de "Justine ou Les Malheurs
de la vertu" en 1791, de "La Philosophie dans le boudoir" en 1795, de "La Nouvelle Justine" ou "Les Malheurs de la vertu"
suivie de L’Histoire de Juliette seront interdites.
En 1801, Sade est de nouveau enfermé à la prison de Sainte-Pélagie puis transféré à Bicêtre, la "Bastille de la canaille."
Il en sort en 1803 pour rejoindre l’asile de Charenton. Le manuscrit des "Journées de Florbelle ou la Nature dévoilée",
rédigé en 1804 fait l’objet d’une saisie par la police en 1807. Le marquis est une fois de plus surveillé, fouillé, privé de
son écritoire et de ses plumes. Le préfet Dubois note: "Cet homme est dans un état perpétuel de démence libertine."
Lors de cette dernière détention, le marquis de Sade, toujours présent à l’appel des idées nouvelles, signale une fois
encore sa perspicacité avec le "théâtre aux aliénés". Sa vocation pour l’art théâtral et son ambition d’y réussir remontent
au début de son mariage en 1763. Il écrit déjà des pièces, les monte, les joue et les fait jouer par ses amis au château
de La Coste où il a édifié une scène. L’œuvre théâtrale travaillée sans relâche atteint son apogée avec la période
révolutionnaire en même temps qu’elle devient un moyen de subsistance pour le marquis ruiné.
Sa rencontre avec Monsieur de Coulmier s’avèra décisive. Le directeur de l’asile de Charenton, convaincu des vertus
thérapeutiques offertes par la scène, fit construire un amphithéâtre avec des gradins réservés aux malades. Les pièces
furent montées et jouées par des aliénés en même temps que des comédiens professionnels, ou par Sade lui même.
La réputation fâcheuse de son écriture de combat, cherchant à soumettre l’adversaire, à démontrer l’inutilité de Dieu,
l’aberration de la morale et de la loi, ne se démentira pas. La pensée profonde de l’écrivain, singulière, ramifiée dans
un système inachevé et peu cohérent, restera détournée par des interprétations, qui en dénaturent le contenu en
s’attachant à tel point particulier pris pour l’ensemble.
Le nom de Sade entre dans le language commun avec le néologisme "sadisme" ne résumant ni l'écrivain, ni son œuvre.
Le vocable apparaît dès 1834 dans le Dictionnaire universel de Boiste comme une "aberration épouvantable de la
débauche: système monstrueux et antisocial qui révolte la nature." La confusion entre la vie de Sade et de son œuvre
alimentera le malentendu à travers le temps. En 1957 encore, Jean-Jacques Pauvert, éditeur, sera condamné à la
destruction des ouvrages saisis.
Le statut scientifique du concept émerge quant à lui à la fin du XIX ème siècle avec Krafft-Ebing, qui érige le sadisme
et son antonyme le masochisme en symptômes combinés d’une perversion sexuelle dont la satisfaction est obtenue par
la douleur et l’humiliation infligées à autrui ou reçues par lui.
Mais, la science ne resta pas propriétaire du phénomène.Le poète Apollinaire, partisan d’une analyse psychologique
plus objective de l'écrivain et prophète d'un XX ème siècle dominé par le savoir, le courage et l’indomptable liberté du
marquis de Sade, entraîna les surréalistes à sa suite. Breton, Desnos et Eluard cherchèrent à réhabiliter l’œuvre et
l’acteur de la révolution française pour en faire un enjeu esthétique, politique et social. Ils insistèrent sur la place du
marquis dans la découverte d’une psychologie, faisant de la sexualité un fondement de la vie sensible et intellectuelle.
De "Sade est un sadique", on est passé à "Sade est un sadique parmi d’autres" et enfin à "l’œuvre de Sade met en
scène certaines expériences sadiques"; à partir de là, le domaine littéraire a pris le relais du domaine médical. On a
pu redonner à Sade sa singularité en mettant en avant la complexité de son entreprise, la richesse de son œuvre,
et son irréductibilité justement à toute catégorie générique comme le sadisme. Ce n’est qu’une fois le sadisme est
devenu véritablement un nom commun, une fois que Sade en fut véritablement "libéré", que l’on a pu alors aborder
l’œuvre de Sade pour elle-même.
C’est donc sous le mode du refus, de l’exclusion qu’il est entré, presque de force, dans nos mémoires: estimant l’homme
dangereux, on l’a enfermé de son vivant; ne l’estimant toujours pas inoffensif une fois mort, on a interdit et censuré ses
écrits, favorisant leur diffusion sous le mode de la glorification souterraine. Sade, figure de l'excès est devenu le modèle
littéraire de tous ceux qui cherchaient à exalter une création novatrice dont l'œuvre ne saurait être réduite au sadisme.
Si la présence du marquis de Sade au sein des lettres françaises n'est plus contestée, assurément, son œuvre
demeure une énigme, irrévérente mais novatrice, offrant à la lecture, le champ infini des expériences possibles.
Bonne lecture à toutes et à tous.
Méridienne d'un soir.
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