Elle ne parlait presque jamais.
Et pourtant, chaque silence d’elle m’a marqué plus qu’un ordre.
Ce jour-là, elle m’a tendu ses pieds. Et je me suis vu tomber.
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Je faisais partie d’un groupe de motards.
Des balades du dimanche, au lever du jour.
Les paysages filaient. Les hommes parlaient. Les femmes riaient.
Et puis, un matin, elle est montée derrière moi.
Une brune silencieuse.
Des guêtres de laine noire jusqu’au milieu des cuisses.
Un regard stable.
Une voix absente.
Elle n’a jamais demandé.
Elle s’est imposée.
Sans un mot, elle a fait de moi son pilote.
Et chaque dimanche, c’est elle qui me choisissait.
Je ne savais pas ce que je vivais.
Mais je changeais.
Je devenais calme. Attentif.
Je m’effaçais devant elle comme devant une vérité.
Puis un soir, elle m’a dit :
— Samedi, 11h30. Viens me chercher là.
Pas un “tu veux”.
Pas un “s’il te plaît”.
Juste une consigne.
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Ce samedi-là, je l’ai emmenée rouler.
Toute la journée,
j’ai conduit comme on protège un souffle.
Le soir venu, je lui ai proposé de la raccompagner à sa voiture.
Elle a répondu :
— Non. Je dors chez toi.
Elle est entrée.
A regardé.
Et a dit :
— Où est ta chambre ?
— Là…
— J’ai dit que je dors chez toi, pas avec toi. Donne-moi une serviette. Tu frapperas à ma porte quand tu l’auras. Tu n’entreras pas.
J’ai pris la plus douce,
la plus grande,
et je suis monté.
Je me suis mis à genoux devant sa porte.
J’ai frappé deux fois.
Elle a ouvert.
Pris la serviette.
Et dit :
— Tu comprends vite.
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Plus tard, elle a appelé.
Je suis monté.
Elle m’a dit, sans me regarder :
— Embrasse mes pieds pour me dire bonne nuit.
Pendant que je m’exécutais, elle a ajouté :
— Demain, je veux du café. Et tu te débrouilles pour me proposer plusieurs choses à manger.
Je prendrai mon petit déjeuner dans la salle à manger.
Elle m’a laissé là, à genoux.
Et elle est partie.
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Le matin,
elle est descendue,
dans mon peignoir.
Calme.
Comme chez elle.
Je l’ai saluée.
Elle m’a regardé,
et a dit :
— À quatre pattes. Sous la table. Tu ne pensais pas déjeuner avec moi, si ?
Elle s’est assise.
J’ai rampé.
Je me suis glissé à ses pieds.
Et alors…
elle les a tendus.
Sans un mot.
Ses pieds cherchaient mon visage.
Ma bouche.
Et j’ai compris.
La consigne était claire.
Tendrement,
j’y ai déposé des baisers.
Lents.
Respectueux.
Comme on remercie une déesse
de ne pas s’être détournée.
Elle a bu.
Croqué.
Soufflé.
Et de temps en temps, sa main descendait,
pour me tendre un morceau de brioche.
Je le prenais de la bouche,
et je reprenais mes baisers.
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Elle n’a jamais crié.
Jamais expliqué.
Jamais promis.
Et moi…
j’étais prêt.
Mais je ne l’ai pas suivie.
Parce que j’ai eu peur.
Peur de me perdre entièrement.
Peur de ne plus savoir revenir.
Elle m’aurait tout pris,
et j’aurais tout laissé.
Aujourd’hui,
je sais.
C’est ce vertige-là
que j’attends encore.
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(Ce texte n’est ni fiction, ni confession. Il est juste là, posé pour Elle.)
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Le silence avait épaissi la nuit.
Tout était resté suspendu dans la chambre close :
la colère, l’orgueil, les gestes non faits.
Elle n’avait pas claqué la porte.
Elle s’était simplement retirée.
Ailleurs.
Et lui…
n’avait pas dormi.
Il avait tourné dans le noir,
longtemps,
puis s’était levé.
Nu, calme,
le corps encore tendu de ce qu’il aurait voulu qu’elle fasse.
Il a allumé la lumière de la cuisine sans bruit.
Ses mains ont préparé ce qu’elle aimait :
du pain chaud, un fruit coupé,
le café noir dans la tasse blanche.
Chaque geste était une offrande.
Puis il a porté le plateau jusqu’à la porte.
Et là, il s’est mis à genoux.
Lentement.
Un genou, puis l’autre.
Il a entrouvert la porte sans un bruit.
Elle n’était pas verrouillée.
La lumière filtrait à peine.
Elle était allongée, de dos.
Silencieuse.
Présente.
Absente.
Il a posé le plateau sur la table de nuit.
Tout doucement.
Et puis…
il s’est installé à genoux, au pied du lit.
Il n’a pas parlé.
Il n’a pas bougé.
Tête baissée.
Respiration lente.
Il attendait :
sa main qui le giflerait doucement,
des gestes qui le puniraient violemment,
quelque chose qui le redresse en l’abaissant avec justesse,
et qui, enfin, ferait de lui ce qu’il était prêt à devenir.
Mais rien n’est venu.
Elle s’est tournée à peine.
Pas vers lui.
Juste… de l’autre côté.
Et dans un souffle qu’il n’oubliera jamais,
elle a dit :
— Laisse-moi.
Alors il a baissé la tête.
Et il est sorti.
Nu.
Sans bruit.
Depuis, il ne porte plus rien.
Ni colère.
Ni honte.
Juste une mémoire tiède sur la peau.
Un matin, à genoux.
Un plateau.
Et une Femme
qui aurait pu tout prendre.
Qui aurait pu, enfin, lui faire comprendre.
S’il rêvait encore,
ce serait d’une main
saisissant doucement ses cheveux,
tirant juste assez pour lui faire tourner la tête,
et qu’un frisson parcoure sa nuque.
Jusqu’à ce que son oreille effleure des lèvres.
Et dans un souffle chaud,
d’un murmure le faisant frémir,
sa voix lui révèle :
— Tu es à Moi maintenant. Et tu vas le savoir.
(Ce texte n’est ni fiction, ni confession. Il est juste là, posé pour Elle.)
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Il existe une île où l’on ne pénètre pas.
On y est invitée.
Et si Vous Vous reconnaissez,
alors peut-être que ce lieu était vôtre avant même que je l’écrive.
Il était une fois,
une île que presque personne ne voyait.
Elle n’était pas grande.
Mais elle respirait.
Doucement.
Comme un secret qu’on n’avait jamais osé ouvrir.
Elle flottait à distance.
Ni loin, ni proche.
Toujours juste à côté du monde,
mais jamais tout à fait à lui.
Quand la rumeur montait,
elle se faisait silence.
Et quand le silence durait,
elle attendait.
Elle ne cherchait ni visiteurs,
ni conquérants.
Elle rêvait d’une seule Présence.
Une Femme.
Une vraie.
Pas douce.
Pas passante.
Une Reine.
Quelqu’un qui viendrait non pour la découvrir,
mais pour la gouverner.
Quelqu’un dont le regard suffirait à faire plier la lumière,
et dont les mains sauraient tracer des lois sur sa peau.
Si l’amour était vrai,
si la Reine venait avec l’intention de rester,
alors l’île s’ouvrirait.
Et elle vivrait pour Elle.
Mais ce que la Reine ne savait pas encore,
c’est que ce royaume, une fois offert,
donne aussi la vie à celle qui le prend.
Il devient refuge.
Il devient source.
Il devient arme et miroir.
Et rien, après cela, ne peut être comme avant.
Un jour pourtant, une Femme s’est approchée.
Elle n’a pas pris la terre.
Mais elle a scellé l’entrée.
Autour de son serviteur, elle a passé un anneau d’acier.
Une cage fine, précise, consentie.
Un sceau d’amour.
D’obéissance.
De foi.
Et le cœur de l’île a battu plus fort.
Elle était peut-être celle qui resterait.
Peut-être celle qui marquerait les pierres et les jours.
Mais un soir, le ciel s’est noirci.
Le vent s’est levé.
L’île s’est tendue, offerte, prête à être tenue.
Et la Reine… a reculé.
Il n’y avait besoin ni de violence, ni de cris.
Seulement qu’une voix se lève, qu’une main se pose, qu’un ordre calme traverse la tempête.
Mais rien n’est venu.
Le Royaume a vacillé.
Et l’île, dans le chaos, a compris
qu’elle ne pouvait s’offrir à une couronne qui tremble.
Quand la Reine est revenue avec l’éclaircie,
le ciel était clair.
Le vent était tombé.
Mais l’île s’était refermée.
Depuis, elle ne s’agite plus.
Elle ne supplie pas.
Elle ne promet rien.
Elle attend.
Avec cette patience que seuls les territoires inviolés peuvent encore offrir.
Elle sait qu’un jour,
une Femme viendra,
avec l’amour pour sève,
et l’autorité pour souffle.
Et alors, elle s’inclinera.
Sans retour.
Et vivra pour Elle.
Et sa Reine, à travers elle,
connaîtra enfin la puissance tranquille
d’un royaume à genoux.
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