Monsieur
#0

Disclaimer:

Récemment invité à partager avec vous les méandres retorses de ma psyché deviante (et quelque peu malade j’en conviens), j’ose aujourd’hui une première réflexion publique. A l’évidence celle-ci n’engage que ma propre appréciation (savamment biaisée) de l’acte d’Amour. Et, à ce titre, celle-ci n’a donc aucunement vocation à moraliser (je hais par-dessus tout le prosélytisme béat des prophètes du passé). Aussi j’espère que cette réflexion aura pour unique nourriture vos commentaires avisés, si toutefois vous me faites l’honneur d’en laisser un. 

Hétérosexuel par essence, ma prose fait plus souvent état d’Homme et de Femme et je m’en excuse. J’invite donc tout ceux qui pourraient s’en ressentir exclus, Messieurs, Mesdames, I.e.lles mais aussi tous ceux qui refusent la categorisation genrée, à transposer celle-ci avec l’être qui vous anime. L’Amour ne connaît heureusement pas les frontières du genre. 

Qui suis-je donc? Moi qui ne suis pas coutumier d’en faire état. En toute honnêteté, j’aurais de bonne grâce fait l’impasse sur cet exercice si je n’y avait pas été préalablement invité lors de mon arrivée parmi vous, mais le défi m’excite assez pour que j’accepte tout de même de m’y plier.

Je suis donc un être logique, mais à la fibre artistique. Extrêmement logique mais aussi extrêmement chaotique. Mes moyens d’expression principaux sont donc le verbe, le son et le sexe. 

Sapiophile amateur, je pratique peu le premier, mais apprécie particulièrement le sens du mot juste (idoine), le bel Esprit et l’humour. Noir. Cela va sans dire …

Le second est mon violon d’Ingres, depuis toujours, comme une évidence. Pas besoin d’épiloguer. 

Le troisième enfin, s’est révélé à moi à l’adolescence lorsque ma première fois m’a demandé de la gifler (puis plus fort encore) pendant l’acte. J’en ai gardé un certain penchant pour la punition. Marqué depuis, mon identité sexuelle s’est peu à peu construite à travers ce nouveau prisme piquant et délicieux. Je suis donc « Capable du meilleur comme du pire, mais pour le pire je suis le meilleur » (F.F.F.). De cette rapide introspection m’est donc venue cette réflexion nouvelle autour de l’Amour et de l’épanouissement des sentiments dans une violence assumée.

Et c’est tout aussi naturellement (et sans grande réflexion j’en conviens) qu’il m’est apparu que le Sexe devait absolument être approché et vécu comme une forme d’Art. Comme une pulsion sacrée. Un épanouissement absolu …

A l’instar des chefs-d’œuvres des arts usuels; dont l’étincelle originelle aura été tour à tour ressentie, réfléchie, travaillée, répétée, tentée, rejetée puis reinventee mille fois dans le secret par son créateur; le Sexe ne pourrait-il pas, lui aussi, prétendre à toute cette tourmente émotionnelle, cette recherche et cette expression brute du Soi inhérente à chaque création?

Pour ma part, j’aime qu’un tableau intime ait été prévu dans ses moindres aspects. J’aime le travail du détail et la maîtrise de chaque émotion. Je n’aime pas ce sexe rapide, bâclé, à peu près, et hygiénique qui soulage les corps sans jamais libérer les esprits.

C’ert pourquoi me fétiches sont aussi prononcés quant aux apparats, au déroulé, à l’atmosphère qu’a l’acte même. Tous, sombres et assumés. Et j’aime également en maîtriser la temporalité. La surprise. Être celui qui décide du moment exact ou l’évasion hors du temps va se produire. 

Une pensée en menant à une autre, j’en suis venu aux acteurs et à leurs rôles respectifs. Quelle part laisser aux sentiments quand l’acte, même assumé de part et d’autre, reste violent dans sa nature et dans sa forme? Quelle place laisser aux sentiments, à la tendresse quand le sexe revêt ses formes les plus extrêmes? 

En tant que Dom, c’est pour moi le rôle et la lourde responsabilité du Maitre que de savoir guider sa partenaire dans l’exploration de ses limites. Et, même si les codes peuvent sembler abjects lorsqu’il nous sont étrangers, il ne faut jamais céder à la médiocrité, au vulgaire et à la facilité de de l’a peu près.

Une étreinte, même sauvage, est une œuvre artistique, éphémère et souvent égoïstement réservée au cadre de l’intimité. C’est l’expression des pulsions les plus libératrices et intenses que d’assumer sa place sur scène. 

Le sexe est Amour, qu’elle qu’en soit sa forme. Il faut savoir lire finement entre lignes pour apprécier la tendresse de certaines relations bestiales.

Si l’on prend pour exemple le duo classique DomSub. Le maître sur qui repose toute la responsabilité et la confiance du duo, qui dose savamment son propre égoïsme afin de permettre que sa soumise se libérer de ses propres limites en toute sécurité. La soumise, elle, généreuse qui s’offre, abandonne sa sécurité physique, son contrôle émotionnel et encaisse avec envie pour que son Maître puisse libérer tout son égoïsme sans tabous et sans limites. C’est donc un partage heureux et épanoui qui se crée. Basé sur la bienveillance, la confiance mutuelle et l’envie d’aller plus loin à deux …

Pour ma part, j’aime également le crépuscule de l’acte, quand il faut libérer sa Soumise de son emprise pour lui rendre sa condition de Femme. J’aime être reconnaissant de sa générosité, de tout ce qu’elle vient de m’offrir d’Elle et qui nous a libéré tous les deux. Plus l’acte aura été vil, plus je tacherai de la combler et redoubler d’attentions en retour. 

On parle souvent de Sexe et peu dAmour lorsqu’on est un Dom. Mais toute relation consentie, si étrange et violente fut-elle, s’apparente à de l’Amour. Car ce dernier est un échange qui n’existe à mon sens qu’au travers des diverses preuves qu’on sait en faire ...

Merci d’avoir lu. Et merci à ceux qui auront laissé un commentaire (même péjoratif!). Votre avis m'intéresse ...

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Ekhko
#1
bonjour, je vous rejoins sur l'ensemble. Bien que chacun ait sa propre approche, sa propre définition, décode les choses à sa manière. Je vous rejoins donc, mais il y en aura d'autres qui ne seront pas d'accord, et c'est tout l'intérêt d'exposer sa vision comme vous le faites.

Ce qui me fait réagir, ni en bien, ni en mal, mais en nuance, c'est le thème de l'égoïsme du Dom. En fait, la question du partage et de l'égoïsme, je me la suis posée très tôt dans mon "parcours". Vous avez votre point de vue Dom qui vous donne l'impression, juste ou non, d'être dans une rôle d'égoïsme, de celui qui prend, en opposant la personne soumise à celle qui offre, donne, est généreuse. 
Me situtant de l'autre côté de la barrière, j'ai eu exactement cette même logique, mais inversée. Je me suis demandé, et je me pose encore régulièrement la question, de savoir si ma recherche n'est pas égoïste, parce que j'ai plus l'impression de recevoir que de donner. Et la réponse, en fait, évoque un partage qui n'est pas un simple troc d'objets ou d'actions égales, mais équivalentes. Donner et recevoir, dans des formes différentes et difficiles à comparer, mais dans une action qui complète le don de chacun. Il n'y a pas d'égoïsme puisque dans une relation consensuelle et idéale, chacun reçoit de l'autre ce qu'il vient chercher, et chacun donne à l'autre ce qu'il recherche. 

L'égoïsme est avant tout un sentiment, et un sentiment c'est subjectif. Mais je ne chasse pas cette idée parce que la garder en tête nous invite à toujours avoir conscience de sa posture et de son rôle dans le partage avec l'autre, de pouvoir se remettre en question avant même - et sans risquer - d'en en être enjoint par l'autre. Il faut rester alerte, vigilant, sur cette question de l'égoïsme car avec de l'égoïsme réel, le consensuel peut s'en trouver ébranlé. Se poser la question de son propre égoïsme est, en fait, très altruiste.
La communication est la clé, toujours, mais en particulier dans les relations de type rack, cnc, etc. pour se rassurer soi sur son propre égoïsme, et aussi pour toujours ajuster puisque les limites et les interdits ne sont jamais coulés dans le marbre. 
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Chélicère
#2
J'aime bien la notion d'égoïsme, j'y ajouterai l'adjectif de sain ; et j'aime bien l'idée que pour fonctionner, la relation doit harmoniser les 2 égoïsme en présence :-) . Dans mon BDSM, bien plus SM que BD, j'ai toujours fui les doms qui mettent en avant l'altruisme sur leur profil, au profit du fameux poncif "je ne fais tout ça que pour ton plaisir à toi", parce que chez moi ça résonne comme un masque et/ou un refus de voir, de se voir, de voir sa propre noirceur (entre le masque et le refus, je ne sais pas ce qui est le plus grave, mais ce qui est sûr, c'est que ça m'insécurise).

Monsieur, je vous rejoins sur la notion d'amour. Je ne sais pas si le sexe est Amour, mais en tout cas mon SM est Amour, c'est un langage, c'est une connexion, c'est tout autant mental que physique (voire bien plus mental que physique^^), et c'est ma façon de faire l'amour, c'est aussi ma façon d'aimer mon autre. En fait, je ne conçois pas le SM sans cet ingrédient, certainement parce que je ne le conçois pas comme un échange de bons procédés, que je n'ai aucune recherche de douleur en mode automasochisme (parfaitement incongru me concernant), et que mon ego ne supporterait pas que mon corps serve de "matériau" à une satisfaction superficielle de pulsions... On dira que j'ai une trop haute opinion de moi-même pour ça ^^, et c'est justement parce qu'il y a ces sentiments que les actes "violents" (oui, factuellement, ils le sont) peuvent advenir. 
Maintenant, sur la notion d'art, je n'ai pas du tout cette recherche d'esthétique/d'ambiance ou d'apparat, ce qui ne veut pas dire que je ne l'apprécie pas, mais qu'une forêt ou l'arrière d'une camionnette de chantier ça me va très bien aussi :-) ; je mettrai plutôt l'art dans la notion de performance (inatallation/performance artistique), que je peux comprendre même si je regarde de loin.
Et je vais enfin réagir à cette phrase là : "En tant que Dom, c’est pour moi le rôle et la lourde responsabilité du Maitre que de savoir guider sa partenaire dans l’exploration de ses limites." Oui, c'est la reponsabilité du dom, certes, mais on peut aussi envisager une relation sans limites posées autres que celle qui finalement régissent les valeurs et le système de pensée du dom... il va alors explorer ses propres limites, sans posture de guide : c'est de l'aventure à deux qui se déploie, où chacun pose des jalons, où chacun s'ouvre à l'autre...:-)
Dernière modification le 18/04/2025 12:21:07 par Chélicère.
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Chélicère
#3
 
 Se poser la question de son propre égoïsme est, en fait, très altruiste.  ......pour se rassurer soi sur son propre égoïsme, et aussi pour toujours ajuster puisque les limites et les interdits ne sont jamais coulés dans le marbre. 
Je partage :-) J'ajouterai que c'est à chacun de rassurer l'autre sur son égoïsme... "Ton égoïsme, je l'aime et j'en ai besoin, parce que je sais que tu es une belle personne".
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Tindalos
#4
Pour moi, la relation D/s est avant tout une histoire d'egos qui s'affrontent, l'un prenant le pas d'une manière plus ou moins acceptée sur l'autre. De toutes façons, il faut avoir un ego assez développé pour en proclamer la supériorité sur l'ego d'autrui.
Donc l'égoïsme y a toute sa place. La personne dominante doit forcément suivre son égoïsme, puisque c'est sa volonté qui doit supplanter celle de l'autre.
Si je suis trop attentif aux attentes de ma partenaire, est-ce de la domination, ou de la mise en scène ?
Alors, comme je dis souvent, je n'aime pas qu'on m'obéisse, je préfère me faire obéir ; peut-être que mon paradigme personnel est un peu biaisé en ce sens.
Il m'arrive d'être "service top", mais pour moi ça n'est pas tout à fait de la domination pour moi, plus un échange de plaisirs.
J'aime les émotions fortes, explorer notre noirceur, j'aime qu'on se pisse dessus de peur. Ça nourrit mon ego.
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Monsieur
#5
Bonsoir la communauté. Merci pour toutes vos réponses. Je ne m’attendais pas vraiment à être lu pour être honnête. Encore moins être compris. Quoiqu’il en soit vos réponses ont toutes été de qualité, enrichissantes et bienveillantes. L’underworld serait-il finalement plus tolérant, plus sain et plus honnête que la complaisance bien-pensante du common world? Assumer pleinement nos natures contre-natures gommerait-il la mesquinerie de l’ego mal placé pour lois ramener à des relations plus saines? …   Je note dans vos commentaires plusieurs axes de réflexion que je vais m’empresser d’explorer:  
  1. L’égoïsme sain du Dom.
  2. L’égoïsme de la Soumise. 
  3. L’équité de l’échange.
  Ce qui est très beau en ça, c’est que malgré l’apparente violence unilatérale de l’acte, le rapport humain, lui, semble beaucoup plus équilibré. J’avais tendance à considérer que l’équilibre s’acquérait à posteriori comme je le fais de chérir plus encore ma Soumise en dehors de l’acte. La où finalement celle-ci retire tout autant de plaisir que moi pendant celui-ci.    Je vais donc devoir expérimenter. Tout ceci me donne également plein de nouvelles idées de cruautés délicieuses …   Merci encore à tous! 
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