analogique
#0
Cet après-midi sur le mur principal, Shinian a initié une conversation sur l'abandon, que je déplore de voir disparaitre dans l'oubli du mur, car même si je n'y ai pas participé, il s'y est dit des choses qui me parlent énormément.

Je vous livre l'original, ici: http://www.bdsm.fr/profile-5921/status-id_9232/t_1372884923/

Envisager l'autre comme une terre inconnue, et la rencontre comme un voyage auquel on s'abandonne, notamment dans la sexualité bdsm (mais pas que), il se trouve que c'est un sujet sur lequel j'ai envie de faire un projet mi-artistique, mi-documentaire... mais forcément très subjectif, puisque le projet se nourrira tant de ma sensibilité que de mes expériences, passées et à venir.

Si vous voulez livrer vos réactions écrites sur le sujet, elles sont les bienvenues ici, et s'il se trouve parmi vous des gens que la démarche intéresse assez pour jouer au jeu de l'entretien, il suffit de me le préciser dans le mot qui accompagne votre demande d'amitié.

Merci d'avance pour vos contributions et rebondissements futurs.

J'édite ce post puisque j'ai publié plus bas une formulation plus précise et plus développée de ce projet.
Dernière modification le 05/08/2013 00:21:14 par analogique.
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analogique
#1
Alors voilà: j’ai un projet, et je commence à en distinguer la formulation (j’efface le texte précédent pour publier celui-ci, après avoir clarifié quelques passages)…

Plusieurs motivations s’y entremêlent: une insatiable curiosité qui me porte à m’intéresser à la part intime de l’autre, le besoin de donner un nouveau sens à mes longues heures de fréquentation des mondes bdsm et libertins, l’envie d’en extraire et d’en mettre en forme quelque chose qui me touche, la conviction qu’il y a là matière à partage… L’excitation de l’inconnu, la nécessité de faire.

C’est un projet participatif et pluri-disciplinaire au long cours, auquel j’ai envie de consacrer tout le temps qu’il mérite, qui ne sera peut-être jamais fini, mais fonctionnera au moins au départ comme un «work in progress» en mutation perpétuelle, avec différentes déclinaisons sur différents supports.


Au commencement, il y a la voix.

C’est à dire que je voudrais commencer par des entretiens, dont l’amorce serait la question suivante: y a-t-il eu dans votre vie sexuelle/sensuelle une expérience qui ait modifié profondément votre rapport à votre propre corps et au corps de l’autre?
Ce qui m’intéresse, ce n’est pas l’anecdote fondatrice ou l’histoire initiale —que vous pourrez me raconter ou pas—, mais plutôt ce qu’elle a changé en vous, comment et en quoi elle a modifié votre perception de vous même et des autres… Il va de soi que cette question restreinte à une expérience n'est qu'un prétexte, une amorce vers la question du cheminement. En quoi est-ce un processus, un itinéraire, un voyage? Peut-on en saisir le mouvement? Comment la remémoration de cette empreinte que l’autre a laissée en nous évolue-t-elle elle-même avec le temps?

Je ne souhaite pas modifier ou maquiller la voix, il est préférable à mes yeux d’en préserver la couleur et la musicalité. L’anonymat résultera de la multiplicité des voix mais pas d’une désincarnation synthétique. Le travail de montage et d’environnement sonore auquel je me livrerai ensuite ne se veut pas documentaire ou testimonial. Il s’agit au contraire d’en extraire une dimension poétique, sensible, subjective et suggestive. Il ne s’agit pas de faire du journalisme distancié avec le contenu, mais d’approcher une part de l’intime qui peut résonner dans le collectif… Bien sur, si la diffusion ultérieure de ces entretiens est un vrai problème pour vous, il serait toujours possible de faire redire vos mots par un/e comédien/ne, mais ce n’est vraiment pas ce qui m’attire au départ.

L’entretien se déroulera dans le lieu de votre choix, en veillant à ce qu’il s’agisse d’un endroit calme (sans trop de parasitage sonore) et où vous pourrez vous sentir à l’aise pour parler de ces questions. Je n'exclue pas non plus, à un autre moment et si vous l'acceptez, de placer mes micros en situation, pendant que vous vous adonnez à vos turpitudes favorites, pour saisir quelque chose de ce pouvoir si suggestif du son...


Ensuite, il y a l’image…

En prolongement ou en contrepoint de ce portrait sonore, je souhaiterais réaliser un portrait photographique de chaque participant/e. Ou plus exactement vous accompagner dans la réalisation d’un autoportrait. C’est à dire mettre en scène une image qui parle de vous, de vos fantasmes ou de vos pratiques. Dans l’idéal, j’aimerais que cela devienne une représentation iconique de votre univers érotique dans ce qu’il a de plus personnel, sans que cela ne doive renvoyer d’emblée à l’iconographie normée et codifiée de l’érotisme.

Une seule contrainte: je ne veux pas faire de retouche, ou de floutage, ni apposer de bandeau. Autrement dit, si vous ne souhaitez pas apparaître à visage découvert, il suffira de montrer autre chose… Bien sûr, j’imagine qu’il y ait une présence de votre corps dans ces clichés, mais rien n’interdit que cette présence soit réduite à une empreinte ou une suggestion inidentifiable…

Je ne souhaite pas particulièrement obtenir quelque chose de «beau» dans l’acception habituelle des normes de la photographie érotique. Je suis convaincu que tout corps, jeune ou vieux, gros ou maigre, lisse ou parsemé de cicatrices, peut prétendre se magnifier de lui-même dans l’âpreté du désir. C’est cette âpreté que je souhaiterais surprendre ou reconstituer.

Là encore, même si c’est moi qui appuie sur le déclencheur, c’est vous qui choisissez le lieu, et qui choisissez ce que vous montrez de vous. Il est également possible que vous réalisiez cette image sans moi, mais je souhaiterais que vous me livriez une image conçue pour ce projet. Libre à vous d'y inviter des partenaires et/ou des figurant/e/s dès lors que vous en êtes toujours le sujet.
Cette image n’a pas à être une illustration de votre entretien. Au contraire, je trouverais intéressant qu’il puisse exister une forme de tension ou d’intervalle entre ce qui se dit et ce qui se montre: un vide qui devrait être comblé par l’imagination du spectateur. Cela résultera bien sûr de mon travail de montage sonore, mais c’est pour dire que je n’attends pas de corrélation directe entre le son et l’image.


Il pourrait aussi y avoir des textes ou d’autres formes…

Au delà des entretiens enregistrés et des photographies, je n’exclue pas d’animer une sorte d’atelier d’écriture, ou tout au moins de vous passer commande d’écrits avec des contraintes formelles et thématiques.

Il serait également envisageable d’imaginer des réalisations de sculptures en utilisant quelques uns de vos objets fétiches (sextoys ou objets détournés) en relations avec des moulages d’une partie de votre corps… Cela peut également être une piste de mise en scène pour les portraits photographiques.


… Tout cela pour toucher aussi des questions corollaires…

A travers l’écrit ou l’oral, les images ou les objets, il s’agira de soulever quelques questions récurrentes qui me travaillent…
Qu’est-ce qu’envisager l'autre comme une terre inconnue, et la rencontre comme un voyage auquel on s'abandonne ?
Comment aborde-t-on l'autre, le corps de l'autre, l'intimité de l'autre?
Comment la rencontre avec l'autre nous transforme-t-elle et nous "métisse"-t-elle?
Est-ce qu'on se sent en exil avec/chez/dans l'autre?
Est-ce que l'autre devient (ou est) un autre chez soi?
Comment apprend-on (ou pas) la langue de l'autre (jusqu'à la langue du corps, dans ses aspects non-verbaux)?

Celles et ceux qui me connaissent un peu ne seront pas surpris d’apprendre que je souhaite aussi aborder des questions qui touchent à notre rapport à la pression sociale normative:
En quoi notre culture, notre milieu, notre histoire nous prédisposent à un type de sexualité (ou au contraire nous en écartent)?
Jusqu'où notre sexualité est-elle un espace de liberté par rapport à nos contraintes sociales?

Bref, il s'agit d'un projet qui se veut au carrefour de l'érotique et du politique, de l'intime et du collectif, car je suis persuadé que tous nos comportements sociaux s’enracinent d’abord dans nos ressentis les plus intimes, et que nos conduites érotiques sont nos premiers actes politiques…


Quelle destination?

A ce jour, j’entrevois deux axes possibles, et je ne sais pas encore ce que je retiendrai, qui dépendra sans doute beaucoup de ce que vous me livrerez, et de ma propre évolution/maturation/macération dans ce « jus » là...

- Ce qui m’attire de prime abord serait la réalisation d’une exposition (des photos et éventuels textes et sculptures) avec une installation sonore (qui diffuserait dans l’espace les montages faits à partir des entretiens). Je suis très attaché à cette idée qui met en présence le travail avec les «spectateurs», et qui rejoint cette problématique de la diffusion de l’intime dans l’espace collectif.
La suite logique la plus pérenne serait la réalisation d’un livre avec un cd. Ce sera sans doute la destination finale du projet lorsque j’estimerai l’avoir achevé dans sa forme ou que j’aurai une opportunité éditoriale.

- Je n’exclue pas non plus une réécriture plus ou moins fictionnelle à partir de transcription des entretiens. A priori, je pensais écarter cette démarche qui me semble pouvoir « désindividualiser » les personnes, mais tout dépendra aussi du rapport plus ou moins heureux que celles-ci entretiendront avec ce qu’elles auront bien voulu me livrer… Et cette manière d’opérer un filtrage qui passe par ma plume ne me semble pas inintéressante.
Je pourrais également prolonger cette démarche en créant un site internet dédié à ce projet, où la distanciation de la réécriture permettrait de préserver votre anonymat sans jeter en pâture l’intimité de votre voix sur la toile.


Quelles conditions financières?

Aucune. A ce jour, je n’ai pas l’ébauche du moindre éditeur ou producteur, ni de la moindre aide ou subvention. Mais à y bien réfléchir, je ne pense pas chercher de soutien financier: l’absence totale d’argent me semble la meilleure garantie de liberté absolue pour mener à bien ce projet comme je l’entends. Avoir des commanditaires ou des soutiens est une forme d’inféodation à laquelle je ne souhaite pas me plier. Je préfère pouvoir me payer le luxe d’être dérangeant et subversif, ou hors format…

Par conséquent, ce projet sera totalement autoproduit à temps perdu et à fonds perdus, et celles et ceux qui y participeront ne pourront en attendre aucun bénéfice économique.
Vos contributions érotiques en son et en image n’y seront pas des marchandises monnayables… Si vous estimez que cela me pose en vampire et exploiteur de l’intimité d’autrui, ne me livrez rien. Si au contraire vous voulez bien souscrire à l’idée que je souhaite me situer comme un «passeur d’émotions», vos apports sont les bienvenus.


Qui est concerné?

Tout le monde, absolument tout le monde sans restriction, sans condition de statut, de sexe, de préférence ou d’orientation sexuelle… Les nonnes m’intéressent autant que les nymphomanes, les fantasmeurs invétérés autant que les revenus de tout, les extrémistes autant que les frileux. On peut aussi participer en couple, bien sûr… Et même les gens avec qui je suis en désaccord fondamental sur tout sont les bienvenus, pour peu que la démarche les intéresse.
La seule chose qui importe —et ce n’est pas rien—, c’est de croire à ce projet et d’avoir envie d’y participer tout en acceptant de m’accorder deux choses: votre confiance et votre patience. En contrepartie, vous serez bien sûr les premiers destinataires de mes travaux et les premiers à être tenus au courant de leur avancement.


Un calendrier?

Il me semble important que je m’accorde tout le temps nécessaire pour accomplir ce voyage et ces rencontres : au jour d’aujourd’hui, j’imagine m’embarquer pour un chantier de trois ans.
Disons que je me donne un an pour réaliser les entretiens et les photos, susciter les textes écrits...
Encore un an pour dérusher, sélectionner, réaliser les montages sonores, affiner le propos, transcrire et mettre en forme la réécriture des entretiens si c’est l’option que je retiens…
Et commencer à diffuser le travail l’année suivante.
Autrement dit, si le projet prend forme comme je peux l’espérer, il y aura des choses à voir et à entendre en 2015 ou 2016.
En même temps, je ne sais pas du tout où ça va m’emmener, et c’est ça qui est excitant!


Qui je suis pour faire ça?

Ben, juste moi, avec ma sensibilité et mon parcours: musicien de formation, libertin et bdsmeur d’adoption, j’ai l’habitude (et le goût) de travailler sur des projets transversaux de ce type, et je maîtrise un minimum les outils que je me propose d’employer…

Ce qui m’intéresse prioritairement dans ce projet de rencontrer des personnes dont les désirs ne sont par définition pas les miens, et de me confronter à ce que ça peut faire résonner chez moi dans un premier temps, et chez le «spectateur» ensuite.

Ce qui m’anime au départ n’est ni un voyeurisme indexé sur mes préférences érotiques, ni une démarche documentaire qui consisterait à inventorier un catalogue des déviances en 2013, mais bien plutôt une forme de poésie de la curiosité et de la relation: le projet, c’est de passer tout cela dans la moulinette de ma subjectivité pour en faire de l’art…

La dimension anthropologique qui apparaitra vraisemblablement malgré moi à travers mes choix de réalisation parlera ainsi sans doute tout autant de moi que de vous, et au final je ne serai pas moins exposé que celles et ceux qui se seront livrés à mon micro et à mon objectif.

N’hésitez pas à me contacter si vous souhaitez en discuter, et je serais bien sûr ravi si vous étiez partant/e pour qu’on s’y mette et qu’on invente la suite ensemble!
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Empire
#2
Le projet est tellement vaste!
Sans vouloir critiquer le fond, je pense qu'il serait facilitant de mettre en ligne une sorte de "questionnaire" type que nous pourrions copier, coller et remplir. Cela vous permettra de faire un premier tri (les pensées similaires n'auront que peut d'intéret) et vous permettre de choisir des personnes aux pensées différentes.
Et puis, ça nous permettrais d'avoir une trame. J'avoue qu'après avoir (presque) tout lu, je ne sais même plus par ou partir.
Ah oui, et puis sincèrement, je crois que le post est un poil trop long. (il faut vraiment vouloir aller au bout de la lecture pour tout parcourir)...
En résumé: Vous devriez Résumer...
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analogique
#3
Empire a dit...

Le projet est tellement vaste!
Sans vouloir critiquer le fond, je pense qu'il serait facilitant de mettre en ligne une sorte de "questionnaire" type que nous pourrions copier, coller et remplir. Cela vous permettra de faire un premier tri (les pensées similaires n'auront que peut d'intéret) et vous permettre de choisir des personnes aux pensées différentes.
Et puis, ça nous permettrais d'avoir une trame. J'avoue qu'après avoir (presque) tout lu, je ne sais même plus par ou partir.
Ah oui, et puis sincèrement, je crois que le post est un poil trop long. (il faut vraiment vouloir aller au bout de la lecture pour tout parcourir)...
En résumé: Vous devriez Résumer...


Merci pour votre attention et pour ce retour!
C'est clair que c'est encore une étape de réflexion un peu brouillonne que je ne sais pas encore résumer.

Une chose est sûre, le questionnaire type n'entre pas du tout dans ma démarche: je ne cherche pas à faire une enquête dans un échantillon représentatif de la population, ni à écarter ce qui au premier abord pourrait passer pour des similitudes, car je suis persuadé que celles-ci s'estompent très vite dès qu'on creuse un peu.

Mais j'entends vos critique, et m'emploierai à proposer une forme plus limpide avec un énoncé plus court quand j'y verrai moi-même plus clair.
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analogique
#4
Esteban a dit...

Il me semble que l'an dernier, vous avez posté un sujet avec le même titre. La découverte de l'autre, est vaste, car si on parle de soi, cela peu prendre une dimension encore plus grande. Par la soumission ou domination, on découvre l'autre sexe... Mais on se découvre aussi soi-même!

Bonne chance dans votre projet, analogique...


Bonjour Esteban,

Il ne s'agissait pas d'un sujet avec le même titre, mais bien de celui-ci, qui est resté en sommeil et en l'état depuis. En effet, ce paradoxe est bien connu, qui fait qu'en cheminant vers l'autre on finit par se rencontrer soi-même, et réciproquement...
Merci pour vos encouragements.

Isis a dit...

Je trouve votre projet passionnant! Ou en êtes vous dans sa réalisation? Tjs en recherche de témoignages? Ou cette 1ère étape est déjà bouclée?


Bonjour Isis,

Merci pour votre intérêt.
Rien n'est bouclé, et je ne suis même pas sûr de pouvoir avancer que c'est vraiment commencé...

Entre le moment ou j'ai publié ce post et aujourd'hui, je me suis fait happer par d'autres projets qui me tenaient également à coeur, et je me suis montré d'autant moins assidu pour trouver des participants que j'ai très peu fréquenté les quelques sites où je l'avais publié sur le mode de la bouteille à la mer.

Concrètement, je n'ai rencontré personne spécifiquement pour ce projet. J'ai juste commencé à conserver des traces (sonores, photographiques, et écrites) de moments passés avec des personnes de mon entourage bdsm proche, et qui me font assez confiance pour n'être pas trop inquiètes de ce que je pourrais en faire ou pas. J'accumule petit à petit du matériau, sans savoir encore quelle forme je vais lui donner.

En même temps je nourris l'espoir que ça va mûrir en tâche de fond pendant que je me donne l'air de penser à autre chose, et je suis un peu attentiste: je laisse venir ce qui fera que ça se déclenchera vraiment quand le moment sera venu, et d'ici-là, je n'ai pas la moindre intention de me mettre la moindre pression pour obtenir des résultats.

Mais si des volontaires se manifestaient pour participer, cela pourrait tout à fait me tirer de ma torpeur!
Dernière modification le 02/09/2014 00:02:38 par analogique.
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