J'ai toujours été mal à l'aise avec la notion de contrat dans le BDSM. Je sais que c'est devenu quelque chose de courant, pour un(e) soumise ou un(e) esclave, de se dire "sous contrat" ou pour les Maître(sse)s/Dom de proposer voire d'exiger la signature d'un tel document.
Je passe sur l'absence de valeur juridique d'un tel "contrat".
On en trouve des "modèles" en nombre sur le net, mais ce qui m'a frappée dans la plupart de ceux que j'ai pu lire, c'est leur pauvreté intellectuelle, la plupart se résumant à un catalogue de pratiques que le/la signataire s'engage à respecter.
Outre cet aspect, ce qui me gène par contre le plus dans la notion de "contrat de soumission", c'est le concept lui-même et ce qu'il reflète de la relation.
La notion de "contrat", en droit a un sens bien précis : "un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations."
Même s'il existe des contrats dit unilatéraux, qui n'engagent qu'un seul de co-contractants (mais dans ce cas là on parlera plutôt de "promesse unilatérale"), dans son sens le plus courant, un contrat implique l'accord de deux ou plusieurs personnes, et surtout des droits et obligations réciproques, ce qui pour moi est antinomique avec l'idée même de soumission.
Comme "esclave", je ne me considère pas comme l' "égale" de mon Maître, et dans notre relation intime, les droits sont pour lui, les obligations pour moi.
Parce que le SM, tel que je le conçois repose sur l'inégalité entre le Maître qui décide et celui(celle) qui s'est librement offert(e) à lui.
En ce sens il n'y a pas "droits et devoirs réciproques" mais au contraire une règle qui est le pouvoir du Maître sur l'esclave.
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Un autre aspect qui m'a toujours posé problème, dans une relation qui veut s'inscrire dans la durée, c'est la caractère "figé" associé à la notion même de "contrat". Un contrat définit le cadre une fois pour toutes, l'esclave est ensuite tenue de se soumettre à un catalogue de pratiques/comportements/rituels, là où, pour moi, le BDSM est d'abord une dynamique de pouvoir et d'interactions et en aucun cas un catalogue exhaustif de ce que l'esclave doit faire/subir.
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Cela ne signifie pas évidemment que le cadre de la relation ne doive pas être défini. Au contraire, l'échange préalable, la connaissance de l'autre, l'apprentissage de ses désirs, de ses pulsions, de ses fantasmes, la connaissance de ses limites est indispensable. Mais dans une perspective de découverte et d'apprentissage réciproque.
Lorsque j'ai décidé de "m'offrir" à Maxime, et de devenir son "esclave", j'ai voulu "sacraliser" ce choix qui était le mien par un écrit.
Mais nous n'avons pas usé du vocable frelaté qui est désormais entré dans les mœurs du milieu BDSM.
Ce que j'ai rédigé pour lui, c'est une demande de prise de possession, lui transférant tous les droits sur mon corps et mes trous, pour qu'il en fasse l'usage qu'il jugerait le plus adapté à son plaisir et au mien, dans le seul respect des quelques interdits, en nombre restreint, qui constituent les limites absolues à ne jamais franchir.
La formule la plus importante de mon engagement vis à vis de lui tient en quelques mots : "j'accepte par avance toutes humiliations, coups, sévices, pratiques sexuelles individuelles ou collectives que vous déciderez de m'imposer, dans le respect des interdits dont je vous ai fait part, pour votre plaisir et celui que vous accepterez de m'accorder".
Ce sont les seules règles qui me sont désormais applicables. La manière dont il agit dans ce cadre ne dépend désormais que de sa seule volonté et de ses seuls désirs.
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Mischief Jo
#1
Bonjour @FemmeFemelleEsclave,
Je suis nouvelle ici mais lis avec attention tes publications Les mots de nos désirs, que je trouve assez captivantes.
Les questions que tu poses sur la nature du contrat et de la relation de domination sont intéressantes.
D'abord, je pense que la signature d'un contrat peut revêtir pour certain·e·s un fort pouvoir symbolique, une forme de rituel. Elle peut aussi, sans doute, servir à rassurer et coucher noir sur blanc les pratiques acceptées, ou non.
En effet, je te rejoins sur certains points : j'ai trouvé beaucoup de contrats sur internet très pauvres intellectuellement dans leur contenu, se résumant à des catalogues. J'en ai en revanche trouvé d'autres, de nature un tantinet différente, mais ce qui m'a fait les apprécier sera sans doute ce qui te pousse à les rejeter.
(...) un contrat implique l'accord de deux ou plusieurs personnes, et surtout des droits et obligations réciproques, ce qui pour moi est antinomique avec l'idée même de soumission.
Comme "esclave", je ne me considère pas comme l' "égale" de mon Maître, et dans notre relation intime, les droits sont pour lui, les obligations pour moi.
Parce que le SM, tel que je le conçois repose sur l'inégalité entre le Maître qui décide et celui(celle) qui s'est librement offert(e) à lui.
En ce sens il n'y a pas "droits et devoirs réciproques" mais au contraire une règle qui est le pouvoir du Maître sur l'esclave. (...)
Alors, c'est l'un des points où mon expérience (certes novice) diffère. Après bien sûr, je suis encore dans une soumission assez "soft", nous prenons notre temps, donc cela explique peut-être ces différences. Je crois que la personne qui est Maître·sse a, entre autres, en charge de garantir l'intégrité (morale ou physique) de son ou sa soumis·e.
Cela passe, pour moi, bien sûr, par le respect des interdits fixés, savoir jouer avec les limites, être à l'écoute, pour que la confiance puisse durer... En fait, je n'arrive pas à concevoir cela comme une inégalité entre les deux personnes. Plus comme un dépôt de pouvoir, une procuration temporaire qui donne les rennes et délègue.
En revanche, je te rejoins à 200% sur l'aspect figé de tels contrats. Je ne doute pas que bien des Maître·sses soient inventifs et ne se cantonnent pas à une application aveugle pour cocher toutes les cases à chaque session. Mais cela me laisse pensive, car les limites d'une seule personnes, ses désirs, ses envies, peuvent changer tellement vite, que seule la discussion et la re-définition permanente me semblent pouvoir marcher.
J'aime beaucoup ta conclusion, et la formule extraite de ton écrit, elle est, je dirais, assez parfaite !
Dernière modification le 24/03/2020 01:26:55 par Mischief Jo.
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Merci Mischief Jo.
Comme j’ai l’habitude de le préciser, je ne prétends pas « détenir la vérité », mais simplement ma part de vérité.
Chacun voit les choses à sa manière, en fonction de ce qu’il/elle est, de son vécu personnel.
Je vous rejoins pleinement sur la portée symbolique de signer un engagement lorsque l’on « s’offre » à un Maître. Mais évidemment pas en recopiant un modèle médiocre du net.
Mon engagement vis à vis de mon Maitre, je l’ai rédigé, du début à la fin et je lui l’ai soumis. Il ne s’agissait pas comme trop souvent d’un catalogue de « permis/interdit », mais du cadre dans lequel je m’engageais à évoluer s’il acceptait de me prendre comme esclave. En lui laissant toute latitude de le faire évoluer, sous réserve des quelques lignes rouges que je lui demandais de respecter.
Notre différence de point de vue tient peut être au fait que, de part mon métier, j’ai tendance à toujours vouloir être claire sur le sens des mots, que « contrat » implique pour moi une forme de réciprocité dans les droits et obligations de chacun, qui pour moi est incompatible avec la notion de Maitre/esclave.
Le fait est, que, selon vos dires, vous vous situez, ce qui est tout à fait légitime, dans une dynamique autre, dans une relation selon vos dires plutôt « soft » de domination soumission alors que j’ai voulu clairement me situer (dans l’intimité de notre couple) dans une dynamique Maitre/esclave, qui pour moi implique un rapport d’inégalité.
Cela ne signifie pas évidemment que mon Maitre ne doive pas veiller et garantir mon intégrité physique. Mais c’est son rôle, et mon engagement vis à vis de lui signifie aussi que je lui fais confiance pour l’assumer. Pleinement.
En tout cas, merci de m’avoir permis de clarifier ma vision des choses. Et sachez que pour moi, la vôtre est tout aussi légitime.
Profitez de la vie, de votre Dom, prenez soin de lui, et de vous.
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paquerette
#3
Merci pour vos contributions à vous deux. Nous sommes en pleine réflexion en ce moment sur un contrat. Ou pas.
J'ai vu des contrats où la durée de ce dernier était limitée. J'aime bien cela. Cela permet aussi d'ajuster les choses et de le faire évoluer. Voir de faire le bilan aussi.
En dehors du contrat et pour le moment nous avons instauré un code "couleur" qui nous permet de savoir dans quelle dynamique nous nous situons. Ce la nous permet de glisser gentillement vers le contrat.
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Bonsoir Pâquerette,
Heureuse que nos échanges aient contribué à alimenter votre réflexion.
Quoi qu’il en soit, le plus important n’est pas tant le contrat que la relation entre la soumise et son Maitre.
Et la confiance qu’elle a en lui
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pourquoi pas un contrat a durée indéterminée avec une clause de révision tous les X mois.... un peu plus de serenité pour la soumise.....
comme vous, j'utilise ce code "couleurs" (à l'instar des feux tricolores....), une excellente manière de gérer les pratiques et encore une fois dans la sérenité ....
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