Voici une copie d'un texte publié sur Fetlife, sur la responsabilité des personnes soumises ou bottom, hommes ou femmes.
Je le publie ici avec l'autorisation des personnes concernées.
Ce texte est visible là https://fetlife.com/users/9435294/posts/5378106
---
Être un bottom responsable : c’est ton boulot aussi de ne pas faire n’importe quoi.
Merci @Lill_Leo d'avoir bien voulu traduire ce texte de Lorlen <3>
[Avertissement #1 : Je ne suis en aucun cas une experte de plus de 50 ans d’expérience. J’apprends, je suis novice, et honnêtement, une grande partie de cette liste vient des erreurs que j’ai moi-même commises.]
J’en ai un peu assez de voir le même message circuler dans toute la communauté et sur Fetlife. En tant que communauté nous faisons très attention aux Doms irresponsables et dangereux : qui se comportent comme des prédateurs, qui manquent de respect, qui envoient des signaux alarmants. Et naturellement, il circule en permanence des informations expliquant qu’il ne faut pas jouer avec eux, qu’il faut les éviter, et qu’il ne faut pas agir comme eux.
Sauf qu’il y a très très peu d’infos de ce genre concernant les bottoms et les soumis. La plupart des guides destinés à aider les bottoms à négocier des scènes dans la communauté expliquent comment se protéger des prédateurs – et il faut que j’insiste là-dessus, oui, les comportement prédateurs sont un problème sérieux, que je ne veux pas minimiser – mais je pense que si l’on ne se focalise que sur « comment éviter les prédateurs », comme si c’était l’alpha et l’oméga de la sécurité pour les soumis, on est irresponsable aussi. Cette façon de voir les bottoms gomme un grand nombre de nuances des interactions kinky, et déresponsabilise le bottom, ce qui est mauvais pour sa sécurité.
Une mauvaise interaction, ça n’est pas forcément un comportement prédateur, et les scènes qui se passent mal ne sont pas toutes la faute du Top seulement. Afin d’éviter les désastres, le bottom conscient peut faire plus que simplement éviter les prédateurs. Et c’est de cela que nous allons maintenant parler.
[Avertissement #2 : je parle surtout des scènes hors partenaires réguliers. Dans les dynamiques et relations établies, les gens ont des rôles très différents, et leur relation exige ce travail sur la responsabilité. Au final, on délègue la responsabilité selon la préférence de chacun, mais pour les scènes hors partenaires réguliers, il faut être prêt à assumer au moins 50% de la responsabilité.]
1. Sois responsable de ton corps.
Ton Top doit pouvoir compter sur des informations exactes et honnêtes de ta part. Les Tops ne lisent pas dans les pensées, et même les gens qui ont énormément d’intuition ne peuvent pas savoir que tu as eu un rhume toute la semaine, que tu es un peu crevé, que ton boulot te stresse, et que s’ils te poussent un peu trop loin les choses vont mal tourner.
Ton Top ne peut mesurer ta tolérance, ou tes signaux (verbaux, langage corporel) que s’il sait d’où tu pars. Tu dois absolument évaluer ta forme physique avant de jouer, et informer ton Top de toute situation inhabituelle.
Je crois fermement en la doctrine RACK : tu peux consentir à n’importe quel degré de risque, mais cela sous-entend une compréhension totale de quels sont ces risques. Tous, un par un. Je ne dis pas qu’il ne faut pas jouer si tu ne te sens pas bien, mais que si tu n’es pas à 100%, c’est un risque dont les deux partenaires doivent être informés avant de commencer.
Evalue :
Les problèmes médicaux : blessures, maladies, tout ce qui peut t’embêter.
Ton degré d’hydratation, si tu as mangé.
Ton niveau de fatigue.
Ta tolérance à la douleur (surtout en période de règles, quand la sensibilité fluctue).
La prise de médicaments (anti-inflammatoires non stéroïdiens, anticoagulants, antidépresseurs, alcool) qui peuvent influencer la scène.
La préexistence de réactions négatives à une scène : qu’est-ce qui les a provoquées ? Est-ce qu’elles sont susceptible de se répéter ?
Si tu penses que l’un de ces critères peut affecter la scène, fais-le savoir à ton Top.
2. Sois responsable de ton état mental.
Pareil que plus haut, mais pour la santé mentale. Il est possible de jouer en étant stressé, au bord de la crise, pas bien, en difficulté etc., et je ne dis pas que c’est irresponsable. Mais il faut s’assurer que le Top consent aux risques supplémentaires que cela entraîne. C’est irresponsable de jouer dans ces états si tu ne mets pas le Top au courant.
Tout le monde n’est pas à l’aise avec les maladies mentales, ni ne sait comment les gérer. Sois honnête sur ton état, et ne joue pas avec des gens qui ne savent pas faire face à une attaque de panique, une dissociation ou une crise. Ou alors, prends le temps d’informer et de former ton Top sur tes besoins dans une telle situation.
Et ne prends pas en compte que les maladies mentales, mais aussi ton état émotionnel. Il se peut que tu doives modifier la scène pour en tenir compte – j’en parle dans la partie #4.
Continue d’y faire attention pendant la scène, et si tu sens que tu atteins un pic émotionnel, demande à mettre fin à la scène ou re-négocie avec ton Top. Parfois on ne se rend pas compte qu’on ne va pas bien jusqu’au dernier moment, et la solution c’est d’agir rapidement dès qu’on en a pris conscience.
C’est mieux de mettre fin à une scène dans la sécurité, que de se finir dans un état mental horrible avec un Top complètement abasourdi.
3. Sois responsable de ta communication.
On communique tous différemment quand on joue. Certains ont des safewords, d’autres font des phrases, certains parlent, d’autres ont le subspace complètement muet. On a tous un langage corporel différent. Es-tu conscient de tes tendances, tes habitudes, de ce qui est bon pour toi et de ce qui montre que ça ne va pas ?
Explique à ton partenaire à quoi ressemble ton subspace, ce que tu fais quand ça ne va pas. Si tu as tendance à devenir muet, dis-le lui. Si quand tu es muet c’est que ça ne va pas, dis-le lui.
Donne-lui des indications, qu’il sache à quoi ça ressemble quand tu as du mal. Je dis à mes partenaires que si je fais du bruit, c’est pour une bonne raison, et que si je crie, ça veut probablement dire que je fais de gros efforts pour m’en sortir. Mais tu peux être complètement différent de moi.
Avant de jouer, précise :
Un safeword, et d’autres moyens de négocier l’intensité de la scène lors du jeu.
À quoi tu ressembles en subspace.
À quoi tu ressembles quand quelque chose se passe mal.
4. Sois responsable de tes limites.
Il ne s’agit pas seulement de négocier avant le jeu ce qui est un « oui » et ce qui est un « non ». Il s’agit d’être conscient de façon dynamique de ses limites et de quand il faut s’arrêter. À moins de jouer régulièrement de façon poussée, tu ne sais peut-être pas quand c’est, et ça n’est pas grave : pour les jeux hors partenaires réguliers, il vaut mieux pencher du côté de la prudence.
Jouer jusqu’à ses limites et les dépasser, ça peut être absolument génial, c’est clair. Tout le monde est différent, mais je trouve que jouer à ce niveau est imprévisible : ça peut être incroyable, comme ça peut virer à la catastrophe. Ne mets pas un Top qui ne se doute de rien dans cette situation difficile : ne même pas avoir senti que tu avais atteint ton point limite il y a dix minutes.
Si tu sens que tu es proche du point de non-retour, ou que le contenu de la scène se rapproche dangereusement de tes limites, il serait intelligent de safeworder. Parfois, je savais que j’allais vraiment « péter un câble » en plein milieu d’une scène, éclater en sanglots, et je voulais vraiment le faire – mais j’ai safewordé parce que mon Top n’avait absolument aucun moyen de savoir si ça me faisait du bien ou s’il y avait quelque chose qui n’allait vraiment pas.
Si tu as l’intention de jouer à ce niveau, ce serait une bonne chose de discuter de ce scénario avant le début de la scène. Sinon, il faudra peut-être faire une pause en plein milieu et faire savoir à ton Top quel est ton état mental.
Parfois, interrompre une scène pour renégocier peut être désastreux pour ton état d’esprit. Penche du côté de la prudence, et safeworde s’il le faut. Il y aura toujours une prochaine fois, où vous serez tous les deux prêts à approcher de cette zone plutôt que d’y être précipités sans contrôle.
Une partie de tout cela a très certainement à voir avec le paragraphe #2 – selon ton état émotionnel, tes limites peuvent changer du tout au tout. Tes partenaires doivent savoir ça aussi.
5. Sois responsable de ta sécurité technique.
Tu devrais être capable de connaître le degré de sûreté de tout ce que fait ton Top, et le niveau de risque qui en découle. Si tu commences une nouvelle sorte de jeu, et que tu ne sais pas trop quels sont les risques, il faut en parler avec ton Top.
Dans un monde parfait, tu devrais pouvoir comprendre aussi bien que ton Top les principes de sécurité de chaque activité à laquelle tu participes. Bien sûr, ça n’est pas toujours possible, mais essaie de t’informer et de te former dès que tu peux.
Pourquoi ? Parce que tu as besoin de reconnaître les pratiques pas sécuritaires, et de le faire remarquer à ton Top ! C’est aussi ta responsabilité. C’est ton corps, et il faut que tu sois en mesure de reconnaître une situation physiquement pas sûre.
C’est doublement valable si ton Top manque d’expérience, et tu dois être prêt à l’accompagner et à le conseiller. Bien sûr, joue avec des Tops novices et aide-les à acquérir l’expérience dont ils ont besoin ! Mais il faudra peut-être que tu partages ta connaissance et tes savoirs.
Peut-être que ce n’est pas ce que tu préfères – ne joue pas avec eux à moins d’être prêt à prendre la parole et à dire à ton partenaire que ce coup de martinet était trop haut / trop bas, que cet encordage est trop serré, qu’ils ont oublié une étape dans la désinfection du matériel pour des aiguilles ou du couteau.
Souviens-toi que l’ignorance n’est pas toujours méchante ou délibérée. Parfois, juste, les gens ne savent pas, ou ont oublié. Un Dom de merde et un Dom sans expérience ne sont pas nécessairement la même chose – et tu peux jouer un rôle pour combler ces lacunes.
Assiste à autant de workshops, d’ateliers et de réunions que possible, et forme-toi. Deviens plus habile. La question n’est pas de savoir si tu veux toper un jour, c’est juste essentiel.
J’ai lu des guides pour les encordés absolument incroyables, donc je ne vais pas en parler là, mais il faut que je dise que c’est une activité où il est nécessaire d’avoir des connaissances. Ta sécurité dépend à 100 % de ta capacité à identifier la bonne et la mauvaise douleur, les problèmes de nerfs et de circulation. Ce n’est pas de la faute du Top si tu ne lui dis pas quand tu sais qu’un encordage ne fonctionne pas pour toi.
Au risque de me répéter.
Si tu y fais attention, tu verras que tous ces choses sont le parfait contrepoint de ce que les Tops sont censés faire pendant une scène. Et c’est fait exprès – vous avez des responsabilités égales et opposées. Surtout quand tu joues avec quelqu’un de novice, pour la première fois.
Si tu fais attention à tout ça, tu réduiras considérablement les chances qu’une scène tourne mal émotionnellement ou physiquement, et tu augmenteras les chances que vous retiriez tous les deux ce que vous voulez de cette scène.
Quand tu commences à connaître un partenaire, et qu’il commence à te connaître, une bonne partie de tout cela est implicite, ou déjà négocié entre vous. Il sait comment jouer, tu sais à quoi t’attendre, et ce qui va arriver. Dans des dynamiques bien établies, on n’a peut-être besoin d’aucune de ces informations – on les partage déjà constamment, dans la relation, en dehors du jeu. Peut-être que la question de qui a la responsabilité en cas de souci a été renégociée.
Mais en tant que bottom, surtout novice, dans les jeux hors partenaires réguliers, quand il n’y a pas de base pour la plupart de ces questions, garde ces conseils à l’esprit. Chaque conseil ici correspond à une fois où je n’ai pas fait ce qu’il fallait, et où la scène a mal tourné – la plupart, en fait, dans une relation déjà établie. On apprend tous, et je continue à merder sur ces points… assez régulièrement pour ne pas en être fière.
Et par-dessus tout, souviens-toi que 50 % de la probabilité qu’une scène se passe mal vient de toi, et que tu peux y remédier. Les Doms ne sont pas des créatures magiques qui peuvent anticiper et réduire à néant tous les problèmes avant même qu’ils ne se présentent, et on n’a pas à penser qu’ils doivent l’être, et à coller à tous ceux qui ne s’y conforment pas une étiquette de « mauvais Dom ».
Évite les prédateurs et les Tops irresponsables – mais évite aussi de faire les mêmes erreurs qu’eux :)
11 personnes aiment ça.
Je trouve que dans l'ensemble ce texte est pertinent. J'émets les réserves d'usage concernant le gouffre entre l'attendu théorique et le ressenti pratique, la différence entre les deux étant l'échec (*), mais je suis plutôt d'accord avec ce qui y est énoncé. Merci de l'avoir posté elle.a (*) - my great concern is not wether you have failed, but wether you are content with your failure - Abraham Lincoln -
Dernière modification le 24/12/2018 06:37:02 par marina001.
1 personne aime(nt) ça.
Vraiment très pertinent!
1 personne aime(nt) ça.
Bonjour, Je ne peux que vous remercier pour ce texte qui nous rappel à toutes et à tous que le "jeu" se fait à deux. Et oui, nous sommes tout autant responsable que notre partenaire de la finalité bonne ou mauvaise de chaque séance.
2 personnes aiment ça.
Bonjourmaintenant je demande un certificat médical :stuck_out_tongue_winking_eye:Plus sérieusement, on n'est pas des devins c'est évident,Ce texte est vraiment bienvenu et met en valeur que le bottom est aussi et doit être reponsable de ses actes.
1 personne aime(nt) ça.