Un très grand film sur une femme très connue, et dont pourtant on ne sait à peu près rien : Mary of Magdala. Le film éponyme est vraiment réussi. Il ne cherche ni la sainte ni la légende, il cherche la femme. Et qui trouve cette femme trouve en même temps une des racines de ce qui un jour deviendrait le féminisme.
Bien entendu, le scénariste et le directeur prennent de très grandes libertés vis-à-vis des Evangiles Canoniques. De même, sans doute prennent-ils trop pour des récits historiques les apocryphes non dérivés (au sens de presque contemporains des Synoptiques ou de Jean) tels que les Evangiles de Thomas ou de Pierre, alors qu’ils sont tout autant des midrashim que les Canoniques. Mais il n’en demeure pas moins que cette oeuvre reste, selon les termes de Paula Fredriksen « dans les limites des interprétations possibles, à défaut d’être dans celles des interprétations plausibles ».
Quel est le sujet central de ce film ? Mary of Magdala. Ou plutôt, la place des femmes dans le groupe des disciples qui ont accompagné le ministère de Jésus. L’auteur du film n’invente rien : c’est le logion (les « dits » de Jésus) qui met en valeur ces femmes, directement ou dans les récits évangéliques qui introduisent le logion.
Des femmes disciples donc, mais également des messagères apostoliques. Des femmes qui, contrairement aux Douze (les Apôtres « classiques ») ne renièrent rien, ne trahirent point, ne s’enfuirent pas. Pourtant, par la suite, dès Paul, dès Luc (Actes), ces femmes disparurent de la devanture du magasin proto-chrétien, et furent reléguées dans l’obscurité de l’arrière-boutique. « Mary of Magdala », ce très beau film de Garth Davis, ne rétablit pas « la vérité historique » sur Mary ou Jésus. La quête du Jésus historique se contente – Dieu merci - de remplacer des questions par d’autres question. Mais il redonne leur place aux femmes qui suivirent Jésus : au milieu des disciples, au milieu des Apôtres, ni devant, ni à côté, et encore moins derrière.
Rooney Mara (Mary) joue vraiment juste, sans en faire des caisses comme on dit. Jason Phoenix (Jésus) est phénoménal dans son rôle de Messie si résolu et si effrayé devant le chemin qui le mènera vers le divin. Et Tahar Rahim incarne de façon subtile un Judas enfin non caricatural, torturé par l’espérance, jusqu’au crime. C’est un grand film. Il est très rare que j’accorde une note personnelle positive à un film sur le christianisme premier. Trop d’âneries romancées, trop d’approximations. Mais là, ce film, je lui mets un B+. Sans hésiter. Disponible en version française ici
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