Elle.a
#0
De marina001
Bien loin des fantasmes immatures, le SM lesbien a toujours existé. Du moins… undercover ! Mais qui a finalement popularisé l'idée même de sadomasochisme entre femmes, encourageant les homosexuelles interessées à en faire une réalité vécue à deux plutôt qu'une simple idée honteuse mal vécue en solo ?
Samois… Une organisation féministe lesbienne, et BDSM. Fin des seventies, Frisco, Gayle Rubin, Sweeny, la Society of Janus, Cardea, toute une époque glorieuse, pas toujours jolie-jolie (les outrances de Califia!) mais qui a révolutionné à la fois le BDSM US, la lesbian way of love, mais aussi le féminisme en lançant la vague du courant féministe pro-sex.
Le collectif Samois publia en 1981 un ouvrage fondateur : Coming to power.
Désormais introuvable en version papier, il est disponible en open source sur openlibrary.org (il est nécessaire de créer un profil pour accéder au site) , préférez la troisième édition , pour les ajouts graphiques
https://openlibrary.org/works/OL15835424W/Coming_to_power
Couverture de la première édition...
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Elle.a
#1
De marina001
BDSM et courants féministes… Il y a des féminismes, certes, mais il est rare de trouver un sujet plus clivant entre eux !
Le féminisme pro-sex propose une approche individuelle : etre maîtresse de son propre corps signifie choisir par soi-même, pour soi-même, en toute liberté, un « oui » signifiant « oui », un « non » signifiant « non ». Et peu importe ce que vous faites au lit, ou avec qui vous le faites. Partant de là, le sadomasochisme n’est ni « bien », ni « mal », il n’est qu’une chose que vous pratiquez individuellement, mais en double commandes, comme tout ce qui touche à la sexualité.
https://www.thenation.com/article/feminism-and-sadomasochistic-sex/
Le féminisme radical part quant à lui du principe théorique global que BDSM = oppression sexuelle de la femme et que le consentement éclairé est impossible dans le cadre d’une relation sadomasochiste qui par essence est oppressive car basée sur la notion intrinsèque de dominance masculine. Où ça devient compliqué à suivre c’est quand on essaye de faire cadrer cette théorie avec le sadomasochisme entre homosexuel-le-s, mais passons…
https://liberationcollective.wordpress.com/2013/01/27/bdsm-is-violence-against-women/
Même si, évidemment, j’ai quant à moi choisi mon « camp », de même, je pense, que les membres de ce site, il n’en demeure pas moins que les deux opinions méritent d’être lues. Après tout, par bien des côtés, le féminisme est iconoclaste, pourquoi ne pas se poser la question « féministes et bdsm’ers, possible ou non ? ».
Par ailleurs, en ce qui concerne le féminisme radical, il ne faut pas écarter trop vite ces opinions car émises par des non-bdsm’ers. Certain-e-s ont fait l’effort d’essayer de comprendre. Je ne parle pas, bien entendu, d’avoir fréquenté des excité-e-s pour qui le BDSM n’est qu’une distraction virtuelle. Ni de s’être fait une opinion en regardant 50 Shades of Grey. Mais d’avoir dialogué avec des gens qui pratiquent ou ont pratiqué au moins occasionnellement une forme quelconque de sexualité que l’on rattache au BDSM.
Dernière modification le 23/09/2018 14:54:20 par Elle.a.
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Elle.a
#2
De marina001
Un des biais engendrés par le Web 2.0 c’est qu’il donne l’impression qu’un problème est « nouveau » simplement parce que l’information circule plus vite qu’avant. Or, le positionnement de certains courants féministes « en faveur » du BDSM, ou du moins de sa dé-diabolisation lorsqu’une femme a librement consenti de s’y adonner, n’est pas récent.
Je parlais de Siamois l’autre jour. On peut réellement considérer que c’est cette organisation féministe, lesbienne, et BDSM, qui a lancé la réflexion sur le sujet avec « Coming to power », son manifeste, écrit puis publié à la fin des années 1970. Si l’ouvrage ne fit pas scandale parmi le grand public, car après tout tant les homos que le BDSM n’apparaissaient pas vraiment sur les radars aux USA à cette époque, il déclencha un barouf phénoménal parmi la mouvance féministe radicale.
Ce fut une réaction qu’à titre personnel je qualifie d’épidermique, et de peu documentée. Mais jugez en par vous-même.
http://www.feministes-radicales.org/wp-content/uploads/2012/04/Melissa-Farley-Ten-Lies-About-Sadomasochism.pdf
Et bien entendu la réplique fusa rapidement, tout simplement parce que – instinctivement – de plus en plus de féministes avaient du mal à se reconnaître dans les dogmes véhiculés par le féminisme radical. Petit échantillon ci-dessous
http://www.academia.edu/619275/The_Distribution_of_Power_Sadomasochism_and_Feminism
Le débat fait toujours rage. Et ce fait même rappelle aux bdsmer’s que le consentement éclairé, le respect de leur partenaire, sont l’alpha et l’omega de leurs pratiques. Ou devraient l’être. Il est toujours facile de clamer tout haut « ah mais moi je respecte les femmes – les hommes! ». En fait que crois qu’il vaudrait mieux ne pas le dire, mais mettre constamment en pratique ce principe vital.
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Elle.a
#3
De marina001
Pour conclure – provisoirement – cette série « féminisme et BDSM », une réflexion personnelle : les féministes qui se sentent à l’aise dans le BDSM sont, très souvent, des femmes qui le pratiquent elles-mêmes, ou au moins qui connaissent des femmes qui le pratiquent. Petit exemple ci-dessous :
https://www.rtl.fr/girls/love/sexe-je-suis-feministe-et-adepte-de-la-soumission-7788793849
C’est une différence fondamentale avec certaines thèses féministes radicales qui sont sans doute trop axées sur la théorie pour ne pas être très dogmatiques, et donc plutôt décalées aux yeux des pratiquantes. L’erreur est humaine. Et par là même pardonnable.
Ce qui n’est plus pardonnable du tout par contre, c’est l’usage que les masculinistes alt-right adeptes du Travail-Famille-Patrie font du cocktail de mot "féminisme et BDSM". Copie ci-dessous d’un délire, émanant d’un anti-féministe connu au Canada, mélangeant sans vergogne féminisme, satanisme, Illuminati (si, si !) et BDSM ! Edifiant.
https://henrymakow.wordpress.com/2015/02/20/50-nuances-de-satanisme/
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Elle.a
#4
De marina001
Féminisme et sadomasochisme, suite...
Féminisme radical et féminisme dit "pro-sex" se sont souvent affrontés sur les thématiques rattachées au BDSM.
Une caractéristique de ces débats, c'est qu'ils font souvent référence à la notion de choix individuel d'une femme qui devrait pourtant se confronter à une "évidence" quasi-ontologique : les hommes (dominateurs ou soumis) sont "forcément" des individus persuadés d'être "au dessus" des femmes, donc la relation hétérosexuelle , BDSM ou pas , est par nature inégalitaire. Choisir de trahir, en quelque sorte !
Sauf que peu de bdsmer's féministes sont d'accord... Un petit billet d'humeur du Guardian donne le point de vue d'une féministe pratiquant le sadomasochisme :
https://www.theguardian.com/theguardian/1999/jul/30/guardianletters1
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Elle.a
#5
De marina001
Sexisme, sushis, et shibari... Dans encore beaucoup de pays, un écrivain ayant une solide réputation dans la littérature « classique » qui pond un ouvrage érotique, surtout connoté BDSM, passera pour un génie audacieux. Mais quand une de ses consœurs de plume en fait autant, elle passera pour une cochonne dépravée…
C'est ce qui arriva à Yoko Ogawa quand elle écrivit « Hotel Iris » (Hoteru Airisu ») en 1996. Rappelons la trame du livre : une relation entre une femme jeune et un homme âgé, sur fond de shibari, dans un style très explicite.
A l'occasion de la réédition en anglais d'une partie de ses œuvres, avec nouvelle traduction, Ogawa a confié au Chronicle à quel point sa vie au Japon avait été pourrie à partir de 1996 lorsque le livre parut. Harcèlement téléphonique, courriers injurieux a la maison d'édition, lettres anonymes, propositions cradingues, tout y passa. Cela dura des années.
Ses enfants et son mari furent eux aussi harcelés. Son mari voulut porter plainte. Pour entendre un policier lui répondre qu'étant marié à une « baishunpu » (« prostituée », en version polie…) il n'avait qu'à divorcer pour être tranquille ! Enfin, il ne lui avait quand même pas conseillé de se faire seppuku, ils deviennent mous les flics nippons...
Hôtel Iris, de Yoko Ogawa : en édition de poche, sur Amazon France, 8€
https://www.amazon.fr/H%C3%B4tel-Iris-Yoko-Ogawa/dp/2330026501/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1527758051&sr=8-1&keywords=hotel+iris
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Elle.a
#6
50 Nuances de Grey, les féministes et la culture populaire.
https://societoile.hypotheses.org/241
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#7
De marina001
BDSM, gros succès, et perfidies. Franchement ami-e-s bdsm’ers, qui a le plus contribué à populariser le BDSM parmi la génération contemporaine ? Sade ou E.L. James ? Poil à gratter...
E.L. James donc. Les bdsm’ers, moi la première, lui reprochent souvent de décrire un archétype de relation BDSM plutôt qu’une vraie relation. En y réfléchissant un peu, je me dis que je suis, nous sommes, bien snobs ! James n’a jamais voulu livrer un documentaire, elle s’est contentée de donner libre cours à sa fantaisie, sur fond de BDSM. Tout comme Sade dans ses écrits vraiment sadomasochistes. Tout comme Desclos dans Histoire d’O. Tout comme Sacher-Masoch dans Venus in furs. Tout comme… j’arrête, la liste est longue.
Quant aux féministes… Bien entendu, les vieux réflexes différentialistes ont parfois joué chez certaines : BDSM = sexe, guerre des sexes, machisme, oppression de la femme, etc. Notez que je doute que James soit au courant, au niveau médiatique le féminisme nord-américain est devenu massivement post-3rd wave. Le féminisme moderniste revendique l’égalité ET la liberté du choix individuel, ce qui induit une vision toute différente de la problématique SM.
http://www.madmoizelle.com/bdsm-discussion-148894
Ce que cette auteure a nettement moins bien vécu, ce sont les torpilles envoyées par les très redoutables chroniqueurs littéraires de la presse US dominicale. L’intelligentsia branchée lui reprocha d’écrire comme une savate. Forcément. Eux ils vendent 150 livres, elle en vend 150 millions, donc elle écrit un million de fois moins bien qu’eux.
Érotisme pour illettrées ! Conte de fée, mettez un laveur de carreau à la place du millionnaire et c’est un bide ! Porno pour mèmères ! Femme au foyer qui s’ennuie ! Avilissement sadomasochiste de la femme ! J’en passe et des pires… Réponse de la bergère aux moutons, dans USA Today…
Q: Does it bother you when you're called a bad writer and your books are denounced as "mommy porn," often by people who haven't read them?
A: Of course it does, but you can't own anyone's reaction. "Mommy porn" is the most misogynistic term. It's so demeaning. Women aren't allowed to write about sex, to read about sex, to think about sex. God forbid that women have fantasies.
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#8
De marina001
Anne Larue est une essayiste féministe, auteure d'ouvrages aux titres aussi alléchants que « dis papa, c'était quoi le patriarcat ? » ou « fiction, féminisme, et modernité ». Courte biographie ici :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Anne_Larue
Moins connu, mais pas moins passionnant est son livre « Le Masochisme ou comment ne pas devenir un suicidé de la société » ; surtout que parmi d'autres thèmes elle parle, en tant que féministe ET en tant que connaisseuse intime du BDSM, d'un sujet peu abordé dans la littérature sérieuse relative au sadomachisme : les dominatrices, et les relations top féminin/bottom masculin. Parce que - c'est symptomatique - le BDSM est presque toujours approché sous l'angle de la soumise par les féministes !
Ce qui est remarquable chez elle, c'est sa capacité à appeler un chat (à neuf queues) un chat, et à se cantonner aux problèmes que rencontrent vraiment les bdsm'ers. Elle ne cherche pas à intellectualiser, à pontifier, à gloser, elle reste dans le vrai bon sens. Et elle ne cherche pas non plus à idéaliser une relation SM qui est souvent faite d'autant de déceptions réciproques que de réussites partagées. On sent l'expérience personnelle…
Extrait : (elle évoque la différence entre le masochisme social et le masochisme festif) : « être ludique, ce n’est justement pas être un enfant geignard ou dépendant ; c’est être un enfant adulte capable de jouer à l’enfant, et d’apprécier la distance que vaut le jeu. (…) Les grands enfants heureux qui sans l’ombre d’une « pulsion de destruction » véritable jouent au masochisme justement parce qu’ils sont heureux et qu’ils ne sont plus des enfants.
Autre extrait : (elle démontre ce qu’une dominatrice ne doit pas faire) : (…) ne jamais se prendre pour une vraie psychologue ou psychanalyste : « « théâtreuse » dans l’âme, elle monte tous les jours sur les planches » : « quelles que soient mes misères de clown, le spectacle doit continuer. » À un amant qui retrouve trop facilement la maman sous la dominatrice, elle rétorque : « ne comptez pas sur moi pour vous aider à ranger vos petits soldats de plomb. » Restons ludique. Fouet ? Jeux théâtralisés !
J'ai pu feuilleter des extraits sur wordpress.com, et je suis admirative devant sa capacité à analyser à partir de son vécu, sans concessions, sans jugements non plus. Le ton tranche avec d'autres universitaires qui, au fond, ne peuvent cacher leur mépris pour les masochistes, sous couvert de doctes propos.
Anne Larue, Le Masochisme ou comment ne pas devenir un suicidé de la société, éditions Talus d'approche, 2002.
Cet ouvrage est incontournable dans toutes les bibliographies sur le sadomasochisme « sérieux », avec un hic : il est quasiment introuvable désormais. Je n'ai pu trouver qu'une seule possibilité d'achat, à un prix très élevé, sur Priceminister
https://fr.shopping.rakuten.com/offer/buy/48814118/Larue-Anne-Le-Masochisme-Ou-Comment-Ne-Pas-Devenir-Un-Suicide-De-La-Societe-Livre.html
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Elle.a
#9
De marina001
Parce que parfois il faut rappeler les choses simples... surtout sur ce site !
OUI le BDSM au féminin peut vraiment être une réussite, pour autant que les jeux soient désirés par les deux parties , et qu'un consentement éclairé soit explicitement formulé
NON le BDSM n'excuse rien quand il est imposé, ou lorsque le consentement éclairé repose au mieux sur une supposition. Un viol reste un viol.
Un petit retour sur l'affaire Schneiderman, où comment utiliser le kinky sex comme "justification" du viol.
https://www.elle.com/life-love/sex-relationships/a20524918/eric-schneiderman-abuse-allegations/
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Elle.a
#10
De marina001
Féminisme et sadomasochisme, i’m back !
« Au fond, pourquoi tant de haine ? » pourrait s’exclamer l’honnête bdsm’er féministe de base quand une consoeur féministe, tendance radicale, lui tombe dessus en disant « le sadomasochisme c’est l’exploitation de la femme par l’homme ». Après tout, t’es lesbienne, alors les hommes hein… Regardons de plus près les arguments toutefois :
http://www.feminist-reprise.org/docs/lordesm.htm
Personnellement j’aime assez peu qu’on ne parle jamais de la liberté du choix individuel sauf pour la tourner en dérision. Les féministes radicales ont leur vision. Ce n’est rien d’autre. Je ne me sens pas tenue d’adhérer à une quelconque « ligne » d’un quelconque « parti ». Une auteure française, Wendy Delorme, a souvent abordé le sujet
https://www.lemonde.fr/livres/article/2009/04/02/insurrections-en-territoire-sexuel-de-wendy-delorme_1175601_3260.html
Vous pouvez acheter cet ouvrage, en ebook, pour 5€ sur :
https://www.bookeenstore.com/ebook/9782846264440/insurrections-en-territoire-sexuel-wendy-delorme
Féministes, bdsm’ers, et aussi fières de l’être ! (Photo Folsom Parade 2017)
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Elle.a
#11
De marina001
BDSM, féminisme, et camisole de force ! Les bdsm’ers sont des freaks, c’est bien connu. On s’en fout. Mais on s’en moquait nettement moins du temps ou le sadomasochisme trônait en bonne place dans le DSSM.
Non, ça ne veut pas dire « Domination, Suave Sadisme et Masochisme » mais "Manuel statistique et diagnostique des maladies mentales". Hé oui, il fut une époque où nous étions considéré-e-s comme des malades mentaux. Vraiment. Au sens médical, social, légal, du terme. Avec toutes les conséquences possibles que cela implique.
Parmi les très grand-e-s psychiatres et thérapeutes ayant lutté pour le SM soit retiré du DSSM il y a trente ans, on doit absolument citer Peggy J. Kleinplatz. Cette sexologue féministe connue pour ses écrits sur la dé-diabolisation des paraphilies est une des premières à avoir replacé, du point de vue de la psychologie en tant que science (et pas en tant que bouche-trou de magazine…), le sadomasochisme dans son contexte de pratique sexuelle consensuelle potentiellement bénéfique pour ses pratiquant-e-s.
Plus connue pour son ouvrage « New directions in sex therapy » dans lequel elle se livrait à une critique féministe farouche des canons de la thérapie de couple, il ne faut pas oublier non plus son excellent « Sadomasochism, powerful pleasures », livre où elle revient en profondeur sur quinze couples sadomasochistes qu’elle a rencontrés dans le cadre de ses activités de sexothérapeute. Ce qui ne gâche rien, c’est que Kleinplatz a reconnu avoir elle-même pratiqué certaines formes de soft SM à une époque de sa vie.
Peggy J. Kleinplatz, en collaboration avec Charles A. Moser , "Powerful pleasures", disponible en e-book ici
https://books.google.fr/books/about/Sadomasochism.html?id=iHkT5Eyj7H0C&redir_esc=y
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Elle.a
#12
De marina001
BDSM, féminisme, et exégèse chrétienne !
On ne présente plus Paula Frederiksen, une des grandes exégètes contemporaines du christianisme. Surtout connue pour ses travaux sur l’indissociabilité du judaïsme et du christianisme « premier » (le christianisme n’est qu’un judaïsme qui a mal tourné) elle a également beaucoup réfléchi sur la notion du péché dans le christianisme des premiers siècles.
Sa réflexion est iconoclaste (les exégètes sont les seuls vrai-e-s iconoclastes en matière de religion) mais surtout très originale : elle est une des premières à avoir replacé le martyrologue chrétien dans son cadre contemporain : celui d’une pornographie SM, destinée à faire bander les foules pour mieux les édifier. L’édification par l’érection ! Faites moi souffrir, pour glorifier le Seigneur ! Blandina ligotée, flagellée, mise à griller, et finalement livrée à un taureau…
Paula Frederiksen s’attache (mais non, elle ne pratique pas le bondage !) à démontrer comment la femme, dans le christianisme primitif et son martyrologue sadomasochiste, évolue vers ce seul rôle de figure soumise et cesse d’être considérée comme une pièce active du christianisme militant. De Mary of Magdala et des femmes seules témoins de la crucifixion, on passe vite à des gonzesses qui ne sont là que pour faire à bouffer à Paul et ses potes, ou se faire torturer par des gouverneurs romains, ou se faire violer par des barbares.
Dès les premiers siècles, peu à peu, s’installe l’idée que le péché c’est elle, c’est Eve ! Ah la salope ! Mais elle peut expier… en souffrant à mort.
Disponible en e-book ici. https://www.amazon.com/Sin-Early-History-Idea-ebook/dp/B007BOKFNA/ref=dp_kinw_strp_1
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Elle.a
#13
De marina001
BDSM, féminisme, et grand Pow-Wow !
Dans deux mois la traditionnelle Folsom Parade aura lieu entre 8th et 13th St. comme à l’accoutumée. Grand rendez-vous annuel de la sphère BDSM américaine, avec plus de 400,000 personnes sur le trajet de la Parade, qui ne cache rien, mais alors là rien du tout (même pas une feuille de vigne !) des divers aspects du sadomasochisme US et du bondage Stars and Stripes, la Folsom Pride commence à avoir une longue histoire derrière elle. Petit résumé historique ici :
http://www.sftravel.com/article/behind-harness-extraordinary-history-folsom-street-fair
Une des choses qui me fait le plus rigoler, c’est l’aspect très hétérosexualité-proprette-sur-elle du BDSM tel qu’il est présenté de nos jours dans la presse mainstream grand public. My foot ! Aux USA, quelles sont les organisations motrices de tous les événements, des gigantesques raouts tels que les Parades (Frisco, NY, Toronto, et même Berlin) aux « simples » Con’ ou Demo’ qui ne réunissent que « quelque » milliers de newbies interessé-e-s par le sadomasochisme ?
Des groupes et associations BDSM formées par des activistes gay ou straight. Personne d’autre. La Kink Society de San Francisco ? Lesbiennes, sadomasochistes, féministes, et activistes LGBTQ. La Soma’s ? Gay males, sadomasochistes, et activistes LGBTQ. La Black R Society ? Straight plutôt, mais surtout activistes Rainbow militant pour les Civil Rights.
Si le BDSM est sorti du ghetto aux USA, si désormais il est reconnu comme une forme de sexualité flashy, mais pas différente des autres, cela ne s’est pas fait à coup d’articles dans des journaux qui ne font que cracher dans le sens du vent et qui encensent aujourd’hui le sadomasochisme avant de le dénigrer demain. Sortir du ghetto, c’est sortir de la zone de confort de l’anonymat, c’est aller gueuler dans les rues, pas pour défendre une « cause » qui n’existe pas (celle du BDSM) mais pour défendre le droit des gens à vivre libres, heureux, et à faire ce qu’ils veulent de leurs cerveaux et de leurs corps. Ooooops, on dirait des féministes n’est-ce pas ?
(photo Folsom Parade 2017)
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#14
De marina001
BDSM, féminisme, et ouvrage de base.
Aujourd'hui j'aimerais vous présenter un des rares livres ayant trait au BDSM que je relis de temps à autre. Un ouvrage de Catherine Scott : « Thinking Kink: The Collision of BDSM, Feminism and Popular Culture »
Catherine Scott pratiquant elle-même plusieurs formes de sexualité « kink » passe son vécu personnel au crible de son expérience professionnelle des gender/feminist studies dans le domaine de la sexualité. Mieux encore, elle le fait en tant que féministe patentée. Ce dialogue avec elle-même est prenant de sincérité, de lucidité, et aussi d'humour.
Il ne s'agit pas d'un livre érotique. Elle décrit les choses de façon explicite, très très explicite même, mais sans jamais chercher à titiller la lectrice ou le lecteur. Si d'une part elle dédiabolise le BDSM aux yeux des féministes, elle ne se prive pas d’avantage de le démythifier aux yeux des bdsm'ers. Non ils ne sont pas des démons, mais ils ne sont pas des anges non plus ! Non ils ne sont pas des « pervers », mais ils ne sont d'avantage des génies très supérieurs aux tenants de la sexualité vanille.
Très intéressant aussi, son développement sur le clivage entre le vécu des bdsm'ers, et en particulier des bdsm'ers féministes, et la perception qu'en ont les non-pratiquants - dont les féministes - et ceci en une ère où les médias ne cessent de parler de BDSM, mais comme des disques rayés, parce que c'est trendy. Une chose très appréciable aussi : il y a des passages vraiment excellents car dérogeant à cette lamentable négation de l’homosexualité si courante dans la littérature sur le sujet. Scott quant à elle n'hésite pas à aborder les spécificités des relations sadomasochistes F/F, ou H/H. Egalement elle ne passe pas les dominatrices par pertes et profits !
« Thinking Kink: The Collision of BDSM, Feminism and Popular Culture »
10€ en e-book sur Amazon
https://www.amazon.fr/Thinking-Kink-Collision-Feminism-Popular-ebook/dp/B00XNYNOKI/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1528350562&sr=8-1&keywords=thinking+kink
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Elle.a
#15
De marina001
BDSM, féminisme, et carte routière !
Peut-être certain-e-s d’entre vous connaissent elles-ils la célèbre carte des paraphilies dressée par Katharine Gates ? En tout cas elle est très connue dans l’univers kink américain ! Vous pouvez retrouver ladite carte, et quelques commentaires de son auteure, ici
https://www.buzzfeednews.com/article/gabrielsanchez/inside-the-dark-and-sexy-world-of-hardcore-kink
Ce document est souvent utilisé par des rigolos de journalistes - qui "oublient" de citer son auteure - prétendant résumer les paraphilies en un zouli dessin. Or Gates est à la fois une chercheuse trop douée en sexologie et une femme trop au fait de l’incroyable variété des jeux et pratiques sexuels pour affirmer que sa carte est un GPS des fantaisies non classiques : pour elle c’est juste une synthèse de synthèses !
Katharine Gates est une des rares sexologues connues à ne pas aborder dans ses talk-shows le sadomasochisme sous l’angle facile du « yeeeepeeee it’s always great fun » ou sous l’approche sensationnelle du « ok, c’est des dingues, mais pas des fous dangereux ». Sans doute parce qu’elle le pratique dans sa vie privée… Elle sait à merveille être explicite, sans jamais juger, mais sans jamais non plus passer sous silence les dangers, les bavures physiques ou psychiques, tout en mettant en avant les bénéfices potentiels (tout est dans le mot "potentiels") qu'un couple en harmonie vis-à-vis du sadomasochisme peut en retirer
Mieux encore, elle n’hésite pas à condamner fermement et dans une optique résolument féministe les débordements sexistes qui existent encore trop souvent au sein des bdsm’ers, pas tant des vrai-e-s pratiquant-e-s que des impétrants ou simples consommateurs (ou consommatrices) de fantasmes. Si vous ne deviez lire qu’un seul livre sérieux de présentation globale du BDSM, en lien avec les diverses pratiques kink, c’est celui qui l’a rendue fameuse : Deviant Desires (à partir de 10€ sur Amazon, lien ici)
https://www.amazon.fr/Deviant-Desires-Incredibly-Strange-Sex/dp/1890451037/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1533901900&sr=8-1&keywords=katherine+gates
Dernière modification le 26/09/2018 17:07:12 par Elle.a.
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#16
Metoo dans le BDSM aussi.
Le mouvement de dénonciation des violences sexuelles a mis en lumière les enjeux du consentement dans la sexualité "vanille", traditionnelle. Mais dans le milieu BDSM, qui revendique une culture du "safe word" et du respect, des témoignages d'abus interrogent.
https://www.pressreader.com/france/les-inrockuptibles/20180725/281522226880514
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Elle.a
#17
De marina001
BDSM, féminisme, et newbies !
Donner une image assez fidèle du BDSM à une personne intéressée relève de l’exploit. Ni les médias mainstream ni les romancières à succès ne le font, et c’est normal, ce n’est pas leur rôle. Là où il n’y a pas de conventions, ou à plus petite échelle des munchs locaux de découverte, une personne qui souhaite découvrir le vrai BDSM, mais qui hésite, qui se pose des questions, qui craint de mettre les pieds là dedans, n’a pas d’autre ressources qu’Internet.
Et là, gros problème : quels sites ? Entre le cul sordide, les gugusseries de faux connaisseurs, les délires des échappé-e-s de l’asile, l’impétrant-e aura généralement une idée tellement déformée de ce qu’est réellement le bondage ou le sadomasochisme qu’il-elle sera plus désinformé-e qu’informé-e.
Heureusement, il y a souvent des gens sincères et expérimentés qui ont envie tant de dédiaboliser le BDSM aux yeux des débutant-e-s que de les mettre en garde. Seulement… à la question « le vrai BDSM c’est quoi ? » la réponse consistera en un énorme soupir découragé ! Il y a bien quelques règles et coutumes à exposer, mais expliquer que le BDSM n’est en fait qu’une étiquette fourre-tout est tellement compliqué…
La meilleure chose à faire pour un-e débutant-e qui n’a pas d’autre ressource que le web pour se faire une première idée de ce qu’est l’univers du BDSM existe pourtant. En fait c’est tellement évident que peu de personnes y pensent ! Visitez des sites sérieux de sexologie ! Je recommande vivement ceux hébergés par la sphère éducative, tel celui-ci :
http://www.soc.ucsb.edu/sexinfo/article/bdsm-bondage-dominance-sadism-masochism
L’avantage des sites de sexologie sérieux, c’est qu’ils sont tenus par des gens qui s’informent, et qui évitent de radoter des âneries. Mieux encore, si vous regardez qui est derrière la personne qui répond, vous trouverez souvent des femmes, et – le paradoxe n’est qu’apparent – des féministes qui n’hésitent pas à insister sur ce qui caractérise l’ethos féministe en matière de sexualité, c’est-à-dire l’honnêteté morale : on dit oui non pas pour faire plaisir, mais par plaisir.
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Elle.a
#18
De marina001
Féminisme, lesbian way of love, et BDSM !
J’ai déjà eu l’occasion d’expliquer ici à quel point Samois, ce groupe de lez’ féministes sadomasochistes de San Francisco, fut le catalyseur de la sortie du placard du BDSM US.
Corollaire : puisque des californiennes disaient blanc, il était inévitable que des new-yorkaises disent blanc aussi, mais blanc cassé ! La LS/M (Lesbian Sex Mafia) monta au front bien entendu... La LS/M j’y ai fait mon initiation, l’aspect « Côte Est vs Côte Ouest » c’était pas rien, même dans les années 2000 !
En tout cas, au début des années 1980, il y eut un sacré rififi à Tribeca et ce fut le début des « sex wars », les féministes de scindèrent en deux camps : les « pro-sex », tenantes du choix individuel, contre les « radicales », pour qui le sadomasochisme traduit forcément une oppression « machiste », même entre homosexuelles. Le conflit culmina lors de la fameuse conférence de Barnard, en 1982, où les noms d’oiseaux volèrent dans la salle, et les gifles en coulisses. Les nanas de la LS/M, en vieilles routières de l'activisme homo, n'avaient pas peur des baffes...
S’il peut paraître incongru aujourd’hui aux US de cataloguer le BDSM comme une pratique qui serait par essence malsaine pour les femmes, lesbiennes ou pas, il ne faut tout de même pas oublier qu’il y a 40 ans, le fait que des homosexuelles, ces doulces créatures prétendument asexuées, s’aiment à grands coups de fouet sur les nénés, semblait très nouveau. On peut comprendre qu'il y eut débat !
Lesbiennes, féministes, sadomasochistes, les histoires de la LS/M NY, c’est devenu de l’Histoire dans l’univers kink US, très bien illustrée par ce livre de Lynda Hart que je vous conseille vivement ($12 d’occasion ici)
https://www.amazon.com/Between-Body-Flesh-Lynda-Hart/dp/023108403X/ref=as_sl_pc_tf_til?tag=historyofbdsm.com-20&linkCode=w00&linkId=V7SIB3Q5F4MS2ZVJ&creativeASIN=023108403X
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Elle.a
#19
De marina001
Sadomasochisme, féminismes (au très pluriel) et sexologie.
Lorsque le sadomasochisme US est sorti du placard à la fin des années 1970, à l'initiative de collectifs féministes (lesbiens ou gay males) tels Samois, la LSM, ou la Soma's, on assista immédiatement à une réaction issue à la fois des mouvements conservateurs religieux et des groupes féministes radicaux – sacrée alliance - contre ces freaks ! Cela peut paraître bizarre de nos jours, mais il faut lire des essais comme "Against Sadomasochism, a radical feminist analys" publié en 1982 pour voir à quel point le BDSM était diabolisé, et les féministes « pro-sex » qui ne s'en tenaient pas à l'orthodoxie radicale, vouées aux gémonies. Ce n'était même pas une critique, plutôt un empilage de contre-vérités digne des procès de Moscou en 1937... Mais à tant manier l'insulte et le sophisme les féministes radicales attirèrent trop l'attention.
C. Moser, sexologue, et fille du sexologue du même nom, eut l'idée en 1983 d'exposer le problème dans le "Journal of Sex Research". Prétendre que le sadomasochisme est par essence "patriarcal" revient à faire œuvre de sexologue, le SM n'étant pas une idéologie mais une pratique sexuelle parmi d'autres. Attention, le J.S.R n'est pas d'une lecture facile, loin de là ! C'est de la recherche en sexologie, voyez par vous-mêmes :
https://www.jstor.org/journal/jsexresearch
Moser et d'autres chercheuses-chercheurs mirent en évidence deux points : en sexologie, aucune théorie ne peut être axiomatique : elle doit être démontrée. Or, le fameux essai de 1982 n'était rien de plus qu'un axiome (le BDSM c'est le Diable et le Patriarcat) sans aucun récit vérifiable (pas étonnant, les « récits » étaient tous inventés, Jettner l'avoua par la suite) pour étayer cette démonstration… de toute façon absente ! De plus, Moser se livra à une analyse de texte comparée : le raisonnement des radicales dupliquait exactement celui des conservateurs religieux contre l'homosexualité. Mêmes stances, mêmes insultes catégorielles, même notion d'un bien essentiel opposé à un mal charnel, même absence de démonstration, etc. Pour la petite histoire, on retrouvera d'ailleurs par la suite plusieurs des signataires de l'essai de 1982 parmi les auteures d'ouvrages érigeant la phobie des homos et encore plus des transexuel-l-e-s en véritable dogme.
Cela pourrait paraître un débat académique, mais l'entrée du sadomasochisme comme sujet dans les colonnes du Journal of Sex Research déclencha une vague d'études qui menèrent à une conclusion évidente : le sadomasochisme n'est pas une maladie mentale. Mieux encore, il permit de diffuser largement les idées des féministes pro-sex concernant le sadomasochisme ou le bondage. Cette percée dans la littérature médicale « sérieuse » explique en grande partie le boom du BDSM US à la fin des années 1980,
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Elle.a
#20
De marina001
Sexologue féministe, BDSM, et valorisation du soi.
Mary Hartwell-Walker est une sexologue clinicienne réputée aux USA pour son approche féministe de la sexologie : pour elle, la sexologie doit devenir adulte et se débarrasser de l'approche sexiste du fantasme féminin au sein du couple straight : Monsieur a le droit et même le devoir de fantasmer, d'innover, tandis que Madame a surtout le droit de rêver en silence.
Hartwell-Walker est l'auteure d'un livre dans lequel elle aborde la sexualité féminine sous l'angle non pas de la simple satisfaction, mais aussi en termes de développement de l'estime du soi. Pour elle, la seule satisfaction est transitoire, une sexualité ne peut durablement s'épanouir que si une personne en retire un sentiment valorisant en tant qu'individu, pas en tant qu'animal venant juste de baiser, si je puis dire ;
Or, de par ses entretiens cliniques, cette sexologue note que les femmes se sentent rarement valorisées par leur sexualité. Elles la jugent parfois satisfaisante, mais souvent subie. D'une façon assez originale, elle a choisi d'aller plus loin en étudiant un schéma où en principe - elle souligne les mots « en principe » - les femmes (dites « soumises ») sont passives/subissent plutôt qu'actives/décident : les relations sexuelles D/S et/ou S/M.
Ses conclusions sont intéressantes. Il y a corrélation stricte chez ces bdsm'ers pratiquantes réelles entre la perception de la sexualité classique comme valorisante/dévalorisante et la même perception des jeux BDSM. Également, ces femmes ne raisonnent pas en termes de « çà » (la nature des pratiques sexuelles) mais en termes de « moi/lui » (les partenaires). En définitive, la conclusion d'Hartwell-Walker est la suivante. Une femme n'augmentera pas son self-esteem de par la concrétisation ou non d'une envie, que ce besoin soit issu d'elle-même ou de son partenaire, mais par la perception qu'elle aura de la satisfaction qu'elle-même et son partenaire ressentiront après avoir nourri ce besoin.
Il faut noter que l'auteure met en exergue l'approche prudente de la sexualité par les sadomasochistes, parce que ces jeux sont complexes par essence. A terrain miné, approche réfléchie.
Elle est plus sévère envers la domination/soumission qui est trop souvent teintée de simplisme : par exemple, une fellation « volontaire » et une fellation « forcée » ne sont semblables qu'en lointaine apparence. En fait, elle réserve ses commentaires, très durs, aux wanna-be, ces pseudos-dominants mythomanes qui composent les gros bataillons de la faune peuplant le royaume de la virtualité BDSM, internet donc. Elle les taxe d'être « des abuseurs menteurs et inexpérimentés ayant le tort de ne pas s'en tenir à une saine masturbation ». Wow, she rocks,,,
Vous pouvez acheter le livre ici, pour $15 (e-book).
https://www.amazon.com/Unlocking-Secrets-Self-Esteem-Confidence-Connection/dp/1626251029/ref=as_at?creativeASIN=1626251029&linkCode=w61&imprToken=0S79WSn.Wo-RLUF7SOYp4w&slotNum=0
Dernière modification le 27/09/2018 08:57:58 par Elle.a.
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Elle.a
#21
De marina001
Féminisme, Sade, et vieilles lunes !
L’espace sadomasochiste francophone n’en finit pas de se référer à Sade et à ses écrits. C'est compréhensible, ou pas, au fond peu importe. Ce qui est piquant, c'est de constater que les féministes, à partir des années 1950, en vinrent même à débattre ardemment sur le sujet, et pourtant bien peu d’entre elles avaient – ou ont – une quelconque expérience du sadomasochisme. Si Beauvoir criait volontiers « au bûcher » en parlant des écrits de Sade, des auteures plus contemporaines (Frappier-Mazur, Zajac) ont tenté, pas toujours avec bonheur, de les dédiaboliser. Un article très documenté fait le point de ces vues totalement opposées
http://www.fabula.org/actualites/sade-et-les-femmes-ailleurs-et-autrement_48687.php
L’auteur remarque, avec une grande pertinence, qu’entre Justine et Juliette, les femmes, et plus particulièrement les féministes, sont sommées de choisir. Il faut être pour ou contre ! Or, pourquoi choisir ? Les féministes sont-elles obligées d’avoir un avis sur la question ? Encore une fois, le sadomasochisme est aussi peu pratiqué par les féministes que par le reste de la population !!! Donc il est curieux que Sade revienne si souvent sur le tapis dès que les mots « féminisme » et « sexualité » sont accolés. Du moins dans l'espace francophone.
Mais au fait, pourquoi lire Sade, que l’on pratique le BDSM ou non ? Qui a besoin d’une Grande Référence Littéraire avant de fouetter une paire de fesses ?!? Sade, franchement, c’est comme Star Wars : un divertissement fictionnel. En plus intellectuel. En moins marrant. Je n’ai pas à dire pourquoi j’aime les films de Lucas, pas plus que je n’ai à dire pourquoi je n’aime pas les œuvres de Sade. Goûts personnels. Quant à l’intellectualisme littéraire… je m’en fiche totalement.
Le sadomasochisme se pratique ou pas. Point final. Laissons les spécialistes de la vieille littérature française disserter sur cet auteur d’un autre temps. Vous aimez Sade ? Parfait. Vous détestez Sade ? Idem ! Vous vous moquez éperdument de Sade ? Pareil !
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Elle.a
#22
De marina001
Un article intéressant trouver sur le net : lisez attentivement cet "avis d'expert" et vous verrez qu'en fait les médias mainstream ne sont devenus bdsm'ophiles que dans la meure où ce BDSM se range résolument dans le rayon "chiqué" de l'aarmoire à fantasme. C'est en fait très représentatif de la tendance courante : le BDSM c'est bien tant que c'est tout sauf du BDSM
http://www.doctissimo.fr/sexualite/hors-des-sentiers-battus/sadomasochisme/fantasme-etre-soumis
Notez d'abord ce poncif de quat' sous concernant les femmes : Explications de notre expert : "Dès l’enfance, elles (les filles) se sont construit une rêverie érotique autour d’une injonction sociale de soumission ; sommées en quelque sorte d’y trouver du plaisir". Cette donnée, fondement culturel de la libido féminine, persiste encore aujourd’hui bien au-delà de la libération sexuelle. Comment pourrait-il en être autrement ? Il paraît difficile en effet de balayer en si peu de temps ce qui depuis des siècles fait partie intégrante de sa psyché.
Et cette magnifique conclusion : En revanche, quand la nécessité de passer à l’acte s’impose de façon impérieuse et chronique, allant de pair avec la notion de souffrance et d’humiliation, alors ces pratiques entraînent de la confusion, voire des errances. Consulter un sexologue ou un thérapeute peut être envisagé pour s’interroger sur ce type d’engrenage…
Bref, du chiqué, des zoulies menottes en fourrure qui ferment pas, tant que vous voulez. Des jeux pour adultes éclairé-e-s et consentant-e-s, argh, détraqué-e-s, psychologues, camisole , Thorazine, vite, vite, vite !
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Elle.a
#23
De marina001
Kinbaku, bondage events, et biais sexiste...
Les pratiques reliées au bondage et au sadomasochisme connaissant un succès croissant aux US, il n'est pas étonnant qu'il y ait de plus en plus d'événements publics ou semi-publics associés à celles-ci. Il y a d'ailleurs des sites dédiés uniquement à l'annonce des dates, des lieux, etc. Ils se concentrent sur les happenings majeurs - il est impossible de tout recenser - mais pour vous faire une idée jetez un coup d'œil sur le calendrier d'octobre http://www.thebdsmeventspage.com/events.html#October
Or, vous pouvez être certain-e que durant chacun de ces events, quelle que soit sa nature, il y aura au moins un spectacle shibari. C'est devenu incontournable. L'aspect esthétique et artistique donne un certain cachet au happening en quelque sorte. Ajoutez-y la flopée de clubs Fetish-SM du pays (exemple: une cinquantaine rien que dans le Massachusetts) qui s'estimeraient déshonorés en n'organisant pas de spectacles du même type de temps à autre, et vous comprendrez vite que la scène shibari soit devenue un business juteux.
Ma femme connaît une rigger réputée, qui commence à en avoir assez du « sexisme ingénu » qui prévaut sur ce circuit professionnel. Le temps est loin où les riggers choisissaient leur programme. Le professionnalisme exclut la spontanéité, c'est ainsi. Ce sont des shows, pas des démos d'initiation ou des masterclasses. Là où le bât blesse, c'est que depuis que les shows se sont multipliés, on devrait assister à un équilibrage des programmes : des femmes encordées, et des hommes attachés, en nombre équivalent. Hé bien ce n'est pas le cas. Les spectacles de shibari réservent toujours la portion congrue aux femmes attachant des hommes. Pourtant dieu sait que c'est populaire auprès de la moitié féminine du public !
D'après cette copine rigger, les personnes qui gèrent ces events s'en tiennent au schéma des femmes qui « doivent » être ligotées, parce que c'est ce que le public « veut » voir. Le présupposé est navrant sachant que ce public est généralement à moitié féminin. Peu importe qu’au fond les femmes ne soient pas là pour mater des femmes attachées : elles ont le devoir de trouver « belle » la soumission féminine.
Sexisme lourd de conséquence… Ici, tout le monde le dit : les femmes « B&SM curious » sont aussi nombreuses que les hommes. Mais la proportion de celles qui vont plus loin que la simple curiosité, une fois celle-ci satisfaite, chute. Le contraire serait surprenant : rien n’est fait pour leur montrer que le B&SM réel ce n’est pas juste une resucée du vieux cliché porno du mec qui ligote une nana ou de la « lesbienne » (my foot, la copine rigger est straight pur sucre…) qui attache une femme. C'est cocasse : par exemple une DomCon (happening ciblé sur la technique qui s'adresse surtout aux tops) qui rassemble en général autant de femmes dominatrices que d'hommes dominateurs sera agrémentée par un spectacle kinbaku où seules des femmes seront ligotées... y compris les femmes encordées par des femmes. Donc, Mesdames les Tops, devenez homo ou désespérez !
On dit souvent que la compétition entre riggers est devenue malsaine car l'argent leur est monté à la tête. My other left foot… Les riggers font ce qu’ils ou elles sont payé-e-s pour faire. Le jour où les divers organisateurs cesseront de vouloir faire le-même-show-en-mieux que le voisin, on en reviendra peut-être au simple bon sens. Femmes et hommes veulent voir des choses selon leurs goûts et leurs intérêts. Intérêts pluriels. Très pluriels.
Hélas, seule la version « homme (straight) dominateur/femme (bisexuelle) soumise » est popularisée par les médias mainstream. Le BDSM naît donc unijambiste dans l’esprit des lectrices ou des spectatrices. Les plus motivées d’entre elles voudront voir ce qu’il en est par leurs propres yeux. Qu’une personne soit de « nature » dominatrice ou soumise, au début, cela ne change rien : l’appel des cordes et de la cravache est fascinant pour les unes comme pour les autres. Pour voir, pour renifler, sans s’engager à rien, rien de mieux qu’un event public ou semi-public, ils abondent ici. Mais vu la version réductrice du BDSM qu’on leur y sert, celui-ci, d’unijambiste, devient carrément cul-de-jatte…
Dernière modification le 27/09/2018 10:26:49 par Elle.a.
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Elle.a
#24
Déconstruire le masochisme féminin.
Cessons de considérer la souffrance comme un passage obligé de la sexualité féminine, affirme Maïa Mazaurette, chroniqueuse de « La Matinale ». Car le prétendu masochisme des femmes est un cliché qui alimente la domination masculine.
https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2018/04/01/deconstruire-le-masochisme-feminin_5279257_4497916.html
Avant de pousser les hauts cris, je vous invite à lire cet article en entier, où il est question du masochisme féminin sociétal, et non pas le masochisme érotique, qui est abordé dans cet article, comme le seul aspect positif de ce masochisme.
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Elle.a
#25
Katharine Gates a passé plusieurs décennies à étudier les fétichismes de niche. Elle nous explique ce que la communauté BDSM peut enseigner au mouvement #MeToo.
https://www.vice.com/fr/article/8xvwqz/jai-connu-un-homme-qui-fantasmait-sur-les-dindes-de-noel?utm_source=vicefrfb
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marina001
#26
Un post TRES important, pour empecher les enfonçages de portes ouvertes sur le sujet...
(de elle.a suite à une question que je posais)
Sans me rappeler de l'intitulé exact je crois bien que l'aspect d/s et féminisme a été traité sur un fil n'est-ce pas elle.a ? [/quote] Oui, Marina, ce fil portait sur le féminisme compatible ou non avec le statut de soumise. https://www.bdsm.fr/forum/thread/3176/soumission-f%C3%A9minine-et-combat-f%C3%A9ministe/ Les questions que soulèvent MdL sont un peu moins ciblées, ça donnera un éclairage différent sur la question selon la configuration BDSM. Je pense que ça peut être très intéressant à suivre.
Par :Elle.a
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marina001
#27
Féminisme, bondage, lesbiennes, et God Bless America !
Wonder Woman, vous connaissez ? Le personnage de film sans doute. Les comics un peu moins. Ah, la grande époque des « dimes », ces comics imprimés sur papier de mauvaise qualité, qui ont popularisé les héros de Marvel. Wonder Woman… Marston, son créateur, choisit très volontairement d’en faire une héroïne (ça n’allait pas de soi UNE super-héros !) qui de surcroît serait lesbienne (crime), défendrait le droit des femmes à ne pas s’incliner bien bas devant les hommes (grand crime) et qui aurait un appétit certain pour le bondage, la fessée, et les coups (crime gravissime).
Ne vous focalisez pas sur ce que les cinéastes ou les publicitaires ont fait de Wonder Woman après la mort de Marston en 1947 : celui-ci a du faire des sauts périlleux dans sa tombe en voyant ça ! Ce n’est que récemment qu’elle a repris un peu de ses couleurs d’antan.
Petit résumé de la naissance de ce personnage de comics ici :
http://www.lesuricate.org/wonder-woman-feminisme-bondage-banniere-etoilee/
Pourquoi Marston était-il si iconoclaste ? Peut-être parce qu’il a toujours vécu, et avec bonheur, en marge des conventions. Poly-amoureux, il mena un ménage à trois très réussi, il aimait ses deux compagnes, elles l’aimaient, et elles s’aimaient l’une l’autre. Pas évident dans l’Amérique des années 1920-1940.
Notez que Marston faisait du féminisme sans le savoir. La notion d’allié masculin des féministes n’existait pas encore. Par exemple, Marston expliqua un jour que s’il avait fait de Wonder Woman une lesbienne amatrice d’encordage, c’était parce qu’il lui semblait stupide de dire aux femmes de se comporter en solides piliers de la civilisation américaine, tout en leur déniant ce qui est le fondement même de l’Amérique : la liberté de choisir son mode de vie et de pensée. Il a donc fait de son personnage une super-héroine sauveuse de la Nation, de la veuve, de l’orphelin, du chat coincé en haut d’un arbre, et en même temps une freak socialement inacceptable aux yeux de Babitt, le He-Man américain de base.
Un de ces jours je vous parlerai des dyke’s pulps des années 1940, ces comics de quat’ sous qui ont popularisé la notion même de choix sexuel parmi la population féminine qui bossait dans les usines pendant que les boys étaient au front…
Dernière modification le 20/10/2018 04:20:53 par marina001.
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Elle.a
#28
Un biopic est sorti l'année dernière, au cinéma, sur le créateur de Wonder Woman, très intéressant.
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=250843.html
"Professeur de psychologie à Harvard dans les années 30, William Marston mène avec sa femme les recherches sur le détecteur de mensonges. Une étudiante devient leur assistante, et le couple s’éprend de la jeune femme. Un amour passionnel va les lier, et ces deux femmes deviennent pour Marston la source d’inspiration pour la création du personnage de Wonder Woman. "
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marina001
#29
Féministe, basics, et sadomasochisme…
Un article écrit par une personne de ma connaissance, dans l’onglet « sexualités » de LGBT Wikia. L’auteure écrit également beaucoup sur les fora féministes gay. Elle a précisé par ailleurs avoir pratiqué un SM que je qualifierais de soft (bondage uniquement) dans sa vie privée pendant pas mal d’années.
Je crois que cet article est un modèle du genre dans la catégorie « grand public » mais aussi « gens BDSM-curious ». L’approche est claire, ordonnée claire : précisions sur le vocable même de « BDSM », approche psycho-médicale, vie réelle, fiction. Une volonté de synthétiser sans caricaturer. Des sources abondantes, et diversifiées.
Et par-dessus tout, l’approche est dépassionnée. L’auteure ne dit pas « le BDSM c’est Satan, ses œuvres et ses pompes ». Elle ne dit pas non plus « le BDSM c’est troooop cooooool ». Il y a un point d’écriture que je voudrais souligner. Regardez l’usage des guillemets accolés, dans la partie « vie réelle », aux termes de sadiques ou de masochiste. Bien pensé ! Les mots clés relatifs au sadomasochisme sont avant tout des étiquettes simplistes, creuses, et contraignantes. Quel rapport entre un kapo d’Auschwitz infligeant le funf un zwanzig auf arsch à un détenu, et une personne qui donne du plaisir à une autre personne en la fouettant ? Aucun. Et pourtant, dans les deux cas, on parlera d’un-e « sadique ».
Ce détail paraît trivial ? Il ne l’est pas. En fait, il est très représentatif du mode de pensée féministe post-3rd wave : on pense avec sa tête plutôt qu’en ressassant un quelconque dogme. La seule chose qui compte ce sont les actes, leurs motivations, leurs conséquences. Et ce à l’échelle individuelle.
Je lis ici et là des commentaires disant que le féminisme doit être par essence « BDSM friendly » parce qu’il fait de la notion de choix éclairé la clé de toute sexualité. Mais je lis tout aussi souvent des avis opposés : le BDSM c’est la femme-soumise-à-l’homme, donc le féminisme doit le combattre.
C’est la raison pour laquelle ce bon article de présentation « grand public » adopte le juste ton. Il n’a pas la prétention de décrire les actes par le menu, il ne cherche pas à expliquer les motivations, il évite de décortiquer les conséquences. On a souvent reproché aux féministes de vite monter sur leurs grands chevaux. Moi, ce que je constate, c’est que les féministes – et l’auteure de cet article en particulier – sont parmi les rares à dire aux gens « ceci est ainsi, voyez vous-mêmes » plutôt que « pensez pas, suivez le Duce, il a toujours raison ».
http://lgbt.wikia.com/wiki/Sadomasochism
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marina001
#30
Paraphilies, féminisme, et on est pas des malades !
Cher-e-s bdsm'ers, vous êtes vous jamais demandés pourquoi il fut un temps on vous considérait comme des malades mentaux en liberté, et pourquoi désormais on vous prend – heureux fripons - pour des esthètes dont le génie vous classe très au dessus du grand public ?
Tout simplement parce que jusqu'à assez récemment, le sadomasochisme était classé dans la DSM-5 [le classement clinique des maladies mentales], rayon "fous dangereux". Et que maintenant il n'y est plus. Mais n'allez pas croire que les psychiatres furent, par un beau matin de printemps, frappés par la lumière divine et décidèrent de considérer qu'après tout, le sadomasochisme consensuel était une façon comme une autre de faire l'amour.
Que nenni. En fait, les psychiatres qui ont dépoussiéré la DMS-5 l'ont fait parce qu'ils y furent un peu forcés. Entre autres, par des médecins ou sociologues féministes. De plus, ne pensez pas que cette sortie des sadomasochistes de la liste des grands malades se fit en un clin d'oeil. Le débat fut lancé dans les mid-1980 et ne s'acheva vraiment qu'il y a une dizaine d'années. Si vous voulez comprendre quels furent les sujets mis sur le tapis, et par qui, si vous voulez saisir un peu quels furent les angles d'approche qui contraignirent les pontes de la psychiatrie à ce grand nettoyage de la DMS-5 quant aux paraphilies, reportez vous à cet excellent article - très "pointu" il est vrai - sur le sujet
https://www.cambridge.org/core/product/8DA2119F2AE98194BDFD48D7FC883D67/core-reader
Il y a un point très intéressant que je voudrais souligner. C'est que les féministes ne furent pas unanimes à militer pour la "normalisation" du BDSM. Certaines auraient plutôt volontiers rendu la camisole de force obligatoire pour les bdsm'ers... Il se trouve simplement que les féministes qui militaient pour la sortie du ghetto du BDSM, et qui le firent au nom du droit des femmes à disposer de leur propre corps, de leurs envies, de leur sexualité, étaient en blouse blanche, tandis que les autres ne l'étaient pas. La DSM-5 fut remise en question de l'intérieur, pas sous des influences externes.
Encore que les féministes, et sans considérations de tendance, exercèrent aussi un rôle majeur de façon indirecte : en effet, le féminisme, depuis très longtemps, pose comme principe que la vision normative, hétéro-centrée, et bito-centrée (néologisme à moi) véhiculée par la société patriarcale était une illusion qui avait contaminé tout ce qui touchait à la sexualité, même en sciences. Questionner non pas l'utilité du paradigme mais carrément sa validité scientifique, c'était taper là où ça faisait mal.
La science se doit de décrire un phénomène tout en collant aux faits, et doit s'abstenir d'écrire un phénomène pour faire rentrer les faits à grands coups de marteau dans une théorie. Et force est de reconnaître que la DSM-4, ou les versions archaiques de la DSM-5, tenaient plus de la caricature que de la réalité en matière de sexualité.
Encore une fois, il ne s'agit pas de vouloir faire des féministes des "BDSM-friendly" ou des "BDSM-haters". C'est hors sujet. Mais ce qui est certain, c'est que la sale manie féministe de ne rien prendre pour argent comptant est un catalyseur de la réflexion sur la sexualité, comme sur d'autres sujets.
Dernière modification le 10/11/2018 04:58:20 par marina001.
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marina001
#31
Féminisme, sadomasochisme, et ne mélangeons pas tout…
Une thèse souvent avancée par les journalistes mainstream peu au fait de la réalité du BDSM et pas forcément mieux informé-e-s sur la situation réelle des femmes, c'est qu'il y a une conjonction entre les avancées sociétales dont les femmes ont bénéficié dans ces dernières décennies, et le fait qu'elles soient de plus en plus nombreuses à pratiquer une sexualité intégrant parfois ou souvent des jeux que l'on pourrait – de loin – qualifier de BDSM. En gros, et c'est par exemple la thèse que défendait Katie Roiphe dans un article très lu de Newsweek, féminisme égal empowerment égal femmes sadomasochistes. Pour résumer, le statut social des femmes aurait tellement progressé qu'elles seraient en position d'imposer leurs désirs sexuels – y compris ceux relatifs au BDSM – et ceci au nom du sex positivism qui consisterait à décider unilatéralement de nos pratiques sexuelles, acte politique éminemment féministe.
Restons bien calmes… Tout d'abord, lisez cet article publié dans The Nation. Article que je qualifierais de très lucide. L'auteure, assez connue aux USA, est une féministe ayant de longues années de chroniques sociales derrière elle. Elle ne s'y connaît sans doute pas plus en BDSM que Roiphe, mais au moins elle sait remettre les choses en ordre.
https://www.thenation.com/article/feminism-and-sadomasochistic-sex/
Qu'est-ce qui ne va pas chez Roiphe ? Tout. Déjà, les femmes bdsm'ers et/ou féministes n'imposent rien en matière de sexualité. Ou sinon, on devrait voir une tripotée de maris chouiner dans les rues : « ma femme me fouette à l'insu de mon plein gré », ou bien « elle m'oblige à l'attacher tous les soirs ». D'ailleurs, prétendre que le sex positivism c'est décider unilatéralement d'une pratique sexuelle reviendrait à cantonner la sexualité au solo masturbatoire, ou au viol du partenaire… Le sex positivism, c'est proposer, disposer, mais jamais imposer.
Ensuite, prétendre que le statut social dominant est une condition sine qua non de la pratique du BDSM relève au mieux du besoin immodéré des journalistes de rattacher tout ce qui est flashy à la haute société. A croire que le BDSM, chez les riches, c'est pittoresque, et chez les pauvres, c'est un fléau national. En 20-30 ans le BDSM s'est diffusé vers le bas de la pyramide de Maslow. En quoi est-ce choquant/bizarre ? On voudrait nous faire croire que toutes les femmes bdsm'ers sont CEO. Foutaises ! La thèse du « je suis pédégère donc j'ai besoin du BDSM pour gérer la pression » c'est de la pseudo-psychologie.
Les pas pédégères du tout, qui forment l'écrasante majorité des pratiquantes réelles, n'auraient donc aucune pression inhérente à leur job à gérer ? Et les vraies pédégères seraient incapables, les pauvres chéries, de gérer la pression issue de leur boulot ? Les pulsions qui nous poussent vers le masochisme ou le sadisme s'enracinent à des âges où nous ne sommes ni pédégères ni simples employées. Et la pression, la plupart des gens la gèrent suffisamment bien pour ne pas avoir besoin de se balader à quatre pattes avec un plug anal planté dans le bas du dos.
Mélanger BDSM et féminisme, c'est additionner kilogrammes et kilomètres. En définitive, ne vous faites aucune illusion quant à la presse généraliste. Pour paraphraser H.F. Thiéfaine, les articles sur le BDSM n'y sont... qu'une visite au musée pour mater les singes acrobates.
Dernière modification le 17/11/2018 04:31:02 par marina001.
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marina001
#32
Féminisme, féminin, et BDSM
Surfant sur le succès de certains romans ou films, la presse dite « féminine » se croit souvent obligée de faire ici ou là un article de présentation du BDSM, au sens très large. Lisez ce bref article ci-dessous…
https://www.aufeminin.com/desir-sexuel/sadomasochisme-sadomaso-s638960.html
Factuellement, rien n'est faux là-dedans. Seulement… quel simplisme ! Comme si, en quatre phrases et trois paragraphes, on pouvait présenter le BDSM, qui est une des formes de sexualité les plus complexes qui soit.
Pour s'être longtemps écharpées entre « pro sex » et « radicales », les féministes contemporaines ont au moins appris une chose : à sujet complexe, la réponse doit être complexe. Sauf à faire pruvre de mauvaise foi, ce qui hélas n'est pas rare. Personnellement, depuis mes 18 ans, je suis passée d'une vision en noir et blanc à une vision beaucoup plus nuancée. Cela s'appelle devenir une féministe adulte…
Et cela évite de tomber dans la caricature. Vous me direz que la presse féminine n'a pas à adopter une grille de lecture féministe, que ces journalistes sont bien libres de dire que youpi-youpi, tout le monde du BDSM il est joli, tout le monde il est gentil ». Le consentement ? Il va de soi. Même pas la peine d’en parler. Illustration : lisez le court, très court, article. Le consentement n’est pas vraiment évoqué. Il est induit, forcément, puisqu’on vous dit que Madame elle est heureuse, que Monsieur il est heureux, que pas de soucis, tout baigne. Bon, les passagers du Titanic ont fini par baigner aussi…
Pourtant, et tous les bdsm'ers ayant quelques années de pratique derrière elles-eux le savent, le « consentement » est un mot qui recouvre différentes réalités, particulièrement en matière de sadomasochisme ou de D/S.
Comme si la zone grise n’existait pas dans le monde merveilleux du sadomasochisme, et plus encore de la D/S…
Comme si le consentement « éclairé » n’était pas parfois, surtout chez les débutant-e-s, aussi lumineux qu’un tunnel de mine de charbon abandonnée par une nuit sans lune. Combien de débutant-e-s ont été abusé-e-s par des gens qui savaient parfaitement qu'il est très simple de manipuler une personne en extorquant son consentement à grand coup de baratin et de discours mystico-gnangnan sado-sodo-D/S !
Comme si le consentement passé était un chèque en blanc sur le présent ou le futur, tant sur l'identité du partenaire que sur ce qui est fait avec ce partenaire. Le sexe forcé, c'est bien plus souvent avec le partenaire habituel qu'avec des inconnus. Demandez-vous donc pourquoi tant de gens se limitent à UNE expérience d’UNE soirée en matière de BDSM, et ensuite disent autour d’eux qu’il n’est qu’une école du viol…
La problématique du sadomasochisme peut s'analyser avec une grille de pensée féministe. Sous une condition : éviter le simplisme propre à la presse féminine dans le traitement du sujet. Ne nous gargarisons pas avec des mots : le mot « consentement » est vide de sens. Ce qui compte, c'est ce que recouvre ce mot.
Dernière modification le 24/11/2018 04:39:55 par marina001.
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marina001
#33
J'avais eu l'occasion ici même de vous exposer à quel point la sortie du placard du BDSM aux USA avait été atypique : à l'origine, deux groupes féministes, lesbiens, et sadomasochistes, Samois (West Coast) et la Lesbian Sex Mafia (East Coast) avaient servi d'allumettes pour faire détonner un baril de poudre bien prêt à exploser. Elles furent à l'origine des sex wars, aussi !
Si Samois finit par se diluer dans le grand brassage de gens et d'idées propres à l'axe Frisco/LA, la Lesbian Sex Mafia a toujours bon pied bon œil, 40 ans, et toutes ses dents ! Si vous posez la question aux bdsm'ers de NYC, en leur demandant de citer un groupe ou club sadomasochiste, vous pouvez être certain-e-s que la LSM viendra souvent en premier. A priori c'est bizarre ! C'est un groupe lesbien à 100 %, pas de « amenez-vos-maris-qu’on-rigole ». Et en clubs, le Rick's ou le Paddle, le Sapphire ou le Hunk-O-Mania, font tellement de publicité dans le milieu SM new-yorkais qu'on pourrait s'attendre à ce qu'ils soient cités en premier.
Et pourtant non. La LSM tient toujours le haut du pavé. Pourquoi ? Parce que… parce que… parce qu'elle n'a jamais renié son origine féministe ! Jetez un coup d'oeil sur leur site, et regardez le calendrier : vous verrez, une fois par mois, un open board. Mais non, pas un open bar, un open board !
http://lesbiansexmafia.org/
C'est quoi ça ? C'est un event mensuel durant lequel les membres peuvent demander aux organisatrices des précisions sur les questions d’intendance et d’organisation, mais aussi une occasion pour les organisatrices de rappeler aux membres que la LSM, c’est aussi et peut-être même surtout une organisation féministe, et qu’être féministe, c’est s’engager activement pour telle ou telle cause.
Pourtant, qu’il aurait été simple de mettre le féminisme en veilleuse et d’évoluer petit à petit vers un simple club SM, des emm… en moins, du bonheur en plus ! Mais non. La nature même de la LSM va bien au-delà du sadomasochisme, de la sexualité F/F, et du grand tralala cuir et fouet. En quarante ans son discours n'a pas changé sur un point capital : lesbiennes ou pas, sadomasochistes ou non, il y a une chose qui devrait unir les femmes, et aussi les hommes d'ailleurs : une vision féministe de la sexualité, où la liberté n'est que le pendant de la responsabilité, où elle est basée sur un partage de l'autorité.
En quarante ans, les choses ont-elles évoluées ? Oui. Et non : le sexe forcé, le viol, la domination revendiquée ou larvée du patriarcat dans tout ce qui relève de la sphère de l'intime, est-ce que ça a vraiment changé ? Croyez le si vous aimez rêver. Et ensuite, ouvrez les yeux. Le chemin accompli n'est rien vis-à-vis de celui qui reste à accomplir. Et durant les open boards, d'une façon ou d'une autre, on en revient toujours aux origines du discours de la LSM : ce n'est pas parce que vous êtes lesbienne que vous devez être féministe. Ce n'est pas parce que vous êtes une femme sadomasochiste que vous devez être féministe. Mais si vous êtes féministe, alors peu importe que vous soyez lesbienne ou non, sadomasochiste ou pas : votre devoir – et pas seulement votre droit – est d'exprimer vos idées féministes dans toutes les occasions où il est pertinent de les exposer, et notamment dans le domaine de la sexualité.
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marina001
#34
Sadomasochisme, études, et regard féministe
Si vous demandez aux bdsm'ers leur avis sur telle ou telle question générale ayant trait au BDSM, vous obtiendrez très souvent un étalage de clichés, d'approximations, voire de contre-vérités. La subjectivité est presque compréhensible : comme dit le proverbe français, chacun voit midi à sa porte. Pourtant, les études sérieuses ne manquent pas, généralement issues de la sphère universitaire américaine, particulièrement au sein des départements de Gender Studies. Une difficulté toutefois : les résultats sont éparpillés entre de nombreuses revues et bulletins scientifiques.
C'est pour cette raison que la compilation ci-dessous - issue de la très sérieuse revue Psychologytoday - qui vous présente à la fois le résultat résumé de telle ou telle étude, mais aussi ses références précises, est très précieuce. C'est précieux, parce que des résultats objectifs valent toujours mieux que des avis subjectifs. Précieux, parce que la méthodologie des surveys est toujours exposée dans ces publications scientifiques. Précieux, parce que là il y a une base de réflexion, de discussion, dans laquelle les récits personnels plus ou moins fantasmés voire tout simplement inventés n'ont pas leur place.
https://www.psychologytoday.com/intl/blog/magnetic-partners/201403/sexual-masochism
Bases sur lesquelles la critique féministe peut s'exercer. Prenez un sujet très généraliste : le sado-masochisme, qui fait quoi à qui ? Et presque toutes et tous de s'exclamer « mais voyons, c'est un monsieur qui domine une dame ! ».
Ce qui est faux. Archi-faux. Statistiquement parlant c'est tout le contraire. Or malgré cette prépondérance statistique les dominatrices sont absentes du paysage fantasmé véhiculé par les bdsm'ers auprès du grand public. Dans ce milieu soit disant ouvert et éclairé, on retrouve encore et toujours les vieilles lunes de la pensée patriarcale. Hommes = dominateurs. Femmes = soumises. Bon, comme des dames affublées de la panoplie de parfaite dominatrice (talons de 10 cm, latex moulant, fouet à la main) ça existe quand même, il faut bien les caser quelque part dans le paysage. C'est vite fait : une femme dominatrice est automatiquement une professionnelle vénale. La logique est sauve !
Etre une féministe, à mon sens, c’est débusquer les inégalités, les clichés dévalorisants, où qu’ils se trouvent. Dans le BDSM comme ailleurs. Les bdsm’ers, surtout les novices, se gargarisent un peu trop d’une pseudo-mystique, et se prévalent trop souvent d’une supériorité innée qu’aurait tout bdsm’er sur « les autres ». My foot… Il est inutile de se cacher derrière la jolie image du BDSM : le « milieu » ne fait que reproduire en son sein les inégalités fondamentales de la société qui le génère.
Dernière modification le 22/12/2018 04:35:05 par marina001.
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marina001
#35
Sadomasochisme, études, et biais masculin
Comme je l’ai récemment exposé, poser un regard sur nos pratiques sadomasochistes doit se faire de façon dépassionnée, ce qui n’est pas évident quand on est soi-même impliqué-e dans ces pratiques. C’est pour cette raison qu’il est bon de s’intéresser aux études universitaires sur le sujet : cela permet de s’extraire des seules considérations personnelles et de réfléchir à la globalité du « phénomène BDSM » tel qu’il est exposé à travers de diverses études scientifiques.
Reportez vous à ce – bon – article issu de la très réputée revue Psychologytoday.
https://www.psychologytoday.com/us/blog/insight-therapy/201610/sexual-masochism-torture-and-transcendence-tied-together
Tout sonne juste, et en tant que pratiquante depuis dix ans je ne vois aucune idée qui aille à l’encontre de ce que je vis et ai vécu dans le courant de mes jeux sadomasochistes. Et pourtant… il y a un biais. Parce que, et l’auteur l’expose au fil de son texte, le sadomasochisme qui est une « chose » aussi bien féminine que masculine, et statistiquement parlant sans doute un peu plus féminine que masculine, est, dans le domaine de la science, entièrement capté par des chercheurs hommes. Or, en sciences humaines et sociales, avec des données identiques, des chercheuses obtiendront des résultats connotés « féminins », et des chercheurs des résultats typés « masculins ». C’est de la confrontation de ces sensibilités différentes que naît une approche valable de la vérité.
Pourquoi cet ostracisme même pas volontaire envers les chercheuses dans certains domaines de la psycho-sociologie considérés comme sulfureux comme le sadomasochisme ? Les comités de lecture des revues scientifiques semblent considérer que certains sujets sont trop « sales » pour être traités par des femmes. On ne demande jamais à un homme de justifier qu’il s’aventure dans tel ou tel champ d’études touchant aux paraphilies. Par contre une chercheuse… Vraie chercheuse ou crypto-cochonne, hum, pas clair…
Le milieu universitaire américain fit preuve d’audace en se lançant résolument dans les gender studies. Cependant, il tourne en rond, on ne trouve plus guère de théories vraiment nouvelles. Parce que, à force, les scientifiques s’égarent dans la redite. Les feminist studies sont l’opportunité d’une renaissance. Une vision féministe et donc in fine féminine de la sexualité est nécessaire à l’évolution de nos compréhensions (le pluriel est volontaire) de l’alchimie mystérieuse du sexe, surtout quand on s’éloigne de la vision lénifiante, gnangan et cucul – mais surtout pas cul tout court – de la chose.
Dernière modification le 29/12/2018 04:55:01 par marina001.
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marina001
#36
Sadomasochisme, féminisme, et normes opposées
Un document très intéressant qui, en partant d'une analyse du clivage féministe en matière de sadomasochisme (les « radicales » qui sont contre, les « pro-sex » qui ne sont pas contre) pose le problème sous un angle intéressant : l'auteure constate que le consentement éclairé, le désir individuel, sont soit niés par les radicales, soit considérés comme allant de soi par les pro-sex. Pour les unes, la femme qui consent à une relation sadomasochiste est manipulée par un homme, pour les autres, elle a la science infuse et sait à l'avance, avec exactitude, ce qui va se passer lors de cette relation. En définitive, le sadomasochisme serait une pratique sexuelle complètement normée : elle relève soit, première option, d'un viol plus ou moins bien camouflé sous des falbalas intellectuels, soit, seconde option, d'une osmose tellement parfaite qu'elle serait la quintessence du sexe. Ces deux normes possibles sont exclusives l'une de l'autre. Toutes les femmes en enfer, ou toutes au paradis !
https://via.library.depaul.edu/cgi/viewcontent.cgi?referer=&httpsredir=1&article=1018&context=jwgl
Ce que moi je constate, c'est qu'aucune bdsm'er réelle n'accorde la moindre valeur à cette dichotomie. Comme si la pratique permettait de voir qui sont les bdsm'ers - des individus – plutot que de chercher à voir ce qu'ils sont. Il y a juste des gens. Différents les uns des autres. Ayant chacun-e une histoire personnelle, des motivations personnelles, parfois complémentaires, souvent opposées. Des gens biens, des salauds, des ni biens ni salauds, des parfois biens ou parfois salauds… et le BDSM n'a rien à voir là-dedans.
Il serait donc sage, pour les féministes sadomasochistes, de laisser radicales et pro-sex s'écharper sur ce sujet, quand elles ne peuvent exciper d'une quelconque science personnelle du BDSM. Après tout, l'avis des Candides importe peu !
Sauf que… L'auteure le constate avec beaucoup de pertinence : le BDSM n'est plus depuis longtemps une île isolée du monde. Par exemple, il est de plus en plus présent (le nombre de pratiquants ayant explosé aux USA) en tant que tel devant les tribunaux, quand « ça tourne mal », par accident, bêtise, ou volonté criminelle. Or, la norme que suggèrent les radicales s'y affronte directement avec la norme proposée par les pro-sex. Les DA et les avocats se jettent toujours les mêmes thèmes à la figure. Pour les premiers le consentement n'est que le fruit d'une manipulation, tandis que pour les autres le consentement est tellement éclairé qu'avec ça vous pouvez illuminer New York pendant toute l'année. Et – fait constant - leurs argumentaires reposent systématiquement sur des textes féministes pros ou antis. Paar exemple je peux vous citer UN texte, très vieux, écrit par une radicale qui n'a jamais mis les pieds dans un donjon de sa vie, qui est cité dans TOUS les procès dans lesquels un jeu BDSM est à l'origine d'un dol.
En tant que féministes pratiquant le sadomasochisme (il serait à mon avis idiot de se définir en tant que sadomasochistes pratiquant le féminisme) il est de notre devoir de présenter une thèse tirée du vécu, du réel : le BDSM n'est pas, ne doit pas être, un totem symbolisant l'oppression de la femme, ou au contraire la liberté sexuelle de la femme.
Dernière modification le 05/01/2019 06:50:13 par marina001.
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Elle.a
#37
Ce que Sade nous dit de la libération des femmes.
«Le souvenir de Sade a été défiguré par des légendes imbéciles», déplorait Simone de Beauvoir. Cette défense du sulfureux marquis par une éminente figure du féminisme du XXe siècle a sonné comme un appel à une nouvelle lecture de Sade.
https://www.slate.fr/story/172059/sade-liberation-femmes-feminisme?utm_medium=Social&utm_source=Facebook&fbclid=IwAR2f2HstJpYfHhQq0PLSmCkOoFrX8CMB3eG1BIycYqEbVHyG1COv9x7Ph3s#Echobox=1547287483
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ludic2
#38
Merci pour cet éclairage intéressant sur Sade !
Ce que Sade nous dit de la libération des femmes.
«Le souvenir de Sade a été défiguré par des légendes imbéciles», déplorait Simone de Beauvoir. Cette défense du sulfureux marquis par une éminente figure du féminisme du XXe siècle a sonné comme un appel à une nouvelle lecture de Sade.
https://www.slate.fr/story/172059/sade-liberation-femmes-feminisme?utm_medium=Social&utm_source=Facebook&fbclid=IwAR2f2HstJpYfHhQq0PLSmCkOoFrX8CMB3eG1BIycYqEbVHyG1COv9x7Ph3s#Echobox=1547287483
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marina001
#39
Féminisme, BDSM, et BitchMedia
Catherine Scott, assez connue au Royaume-Uni, et un peu aux USA, pour sa publication online BitchMedia, tient épisodiquement un blog thématique sur le féminisme vis-à-vis du BDSM. Et elle le fait avec une double optique intéressante.
La percolation des thématiques BDSM à travers les médias mainstream, ou la culture contemporaine , peut elle être considérée comme une avancée pour le féminisme ? Après tout, my body, my rules, loi d’airain du féminisme contemporain, on pourrait donc en déduire qu’une femme qui hurle à tous vents sa soumission au mâle lambda ne fait qu’exercer ce droit revendiqué par les féministes… Scott affiche volontiers son scepticisme quant à la nature de ce consentement éclairé. Pas tombée de la dernière pluie, elle estime que ce consentement est souvent né d'un conditionnement, ou carrément extorqué. Bref, elle demande à voir au cas par cas.
Autre approche, la sortie du placard du BDSM, qui est devenu quasiment un meme culturel dans certains médias, est-elle vraiment positive pour ledit BDSM, et en particulier le sadomasochisme ?
Pas certain… vu le monceau d’âneries diffusées, et surtout étant donné que le BDSM y est cantonné à la simple D/S, elle même enfermée dans un schéma dominant mâle/ dominée femelle, qui exclue le schéma inverse sauf si la dominatrice s’auto-réduit à une espèce de créature carnavalesque. Un BDSM qui fait l’impasse sur les rapports homosexuels, ou réduit le sadomasochisme à une poignée de pratiques qui seraient cool tandis que le reste sortirait de la tête de freaks intégraux. Bref, un BDSM très propre sur lui car issu tout droit de la pensée patriarcale.
Scott est lucide, et ça fait du bien. Elle pose les bonnes questions. Et ses réponses, sans doute très focalisées sur la scene (vous diriez « le milieu ») BDSM britannique, sont intelligentes. Et ça aussi ça fait du bien, un peu d’intelligence dans le BDSM, en lieu et place des mantras creux et cul, ou des poncifs gnangnans qui tiennent lieu de correction politique dans ce « milieu »
https://www.bitchmedia.org/post/bdsm-kink-introduction-glossary-pop-culture-feminism
Dernière modification le 19/01/2019 05:24:04 par marina001.
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marina001
#40
Féminisme, BDSM, et grande ancienne
Dorothy Allison est une des co-fondatrices de la Lesbian Sex Mafia (LSM), l'organisation de lesbiennes bdsm'ers féministes qui prit le relais pour la Côte Est de Samois, groupe californien similaire, qui vers la fin des années 70s fit sortir du placard le BDSM US dans son entier. Allison est également très connue dans le milieu féministe pour avoir été – parmi d'autres – à l'origine des sex wars : lors de la fameuse Conférence de Barnard en 1982, elle mit les pieds dans le plat, affirmant que la position officielle des féministes radicales sur le sadomasochisme en particulier et même la sexualité en général était digne d'une doxa stalinienne, et en tout cas complètement déconnectée du vécu des femmes en la matière.
Inutile de dire que Dorothy Allison et ses copines eurent les oreilles qui sifflèrent très fort par la suite. Elles pratiquaient le BDSM, sans remords. C'est pas bien le BDSM, pour les radicales. Elles étaient lesbiennes, et fières de l'être. C'est pas bien non plus d'être lesbienne, pour les radicales, même si là elles le chuchotent au lieu de gueuler. On entendit ici et là des choses cocasses : une lesbienne ne pouvait pas parler au nom du féminisme. La LSM, « simple » organisation de lesbiennes sadomasochistes, ne pouvait avoir d'écho en dehors de ce cercle de femmes « spéciales ». Comprendre : détraquées. Gouine et sadomasochiste, c'est double peine n'est-ce pas ?
Les radicales, elles ont presque disparu. La LSM prospère. Pourquoi ? Parce que sur la Côte Est, lorsque le BDSM devient florissant dans les années 1980, les bdsm'ers – femmes ou hommes, hétéros ou non - se tournèrent vers la LSM pour les représenter, un peu comme sur la Côte Ouest ils se tournèrent vers la SOMA (association de mâles gay bdsm'ers). Et Allison n'y fut pas pour rien. Sa plume ne parlait pas pour ne rien dire ! Son talent d'auteure, tant dans la poésie que dans les romans ou récits autobiographiques, en librairie ou en magazine comme Village Voice la rendit très célèbre parmi la hype intellectuelle new-yorkaise.
Alors que – disons le – les autres « têtes » de la LSM ne voyaient pas de raison « d'exporter » leur féminisme, et préféraient se cantonner à l'aspect lesbien et sadomasochiste du groupe, Allison entreprit au contraire d'exprimer publiquement sa position de féministe en matière de sexualité, et surtout en matière de sexualité globale. Genres, orientations, pratiques, peu lui importait ! Elle mettait en avant un principe : le patriarcat pourrit la sexualité non seulement des femmes, mais aussi de tout le monde. Et la vraie violence, ce n'est pas une dérouillée consentie à coups de fouet, c'est la sexualité dite classique, bien propre sur elle, et la culture du sexe forcé qu'elle intègre de façon quasiment inévitable.
Un de ses récits autobiographiques – présenté d'abord comme un roman - fit date : Bastard out of Carolina. La pauvreté, l'enfance violée, le sexe forcé. Acclamé par les critiques du National Book Awards. Un livre dur, qui justifie les durs propos d'Allison sur le patriarcat et la culture du viol qu'il traîne comme une odeur puante dont il ne pourra jamais se débarrasser. Dans cette version, le texte est accompagné d'une postface sublime de lucidité, écrite 20 ans après.
https://www.amazon.fr/Bastard-Out-Carolina-Dorothy-Allison/dp/0141391545/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1548238746&sr=8-1&keywords=bastard+out+of+carolina
Dernière modification le 26/01/2019 04:42:31 par marina001.
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marina001
#41
Statistiques appliquées au sadomasochisme, et féminisme…
Une approche quantitative et statistique du sadomasochisme est-elle possible ? Est-elle-même pertinente ? A des questions aussi basiques que « le sadisme (ou le masochisme) est-il plus masculin que féminin ?», ou bien « pourquoi le sadisme ? pourquoi le masochisme ? » on se heurte la plupart du temps à un biais universel quand par facilité on fait une étude en ligne : votre interlocuteur-interlocutrice pratique t'il-elle réellement le SM, ou est-ce juste quelqu'un qui fantasme sur le SM?
Lammers et Imhof, deux chercheurs allemands, ont procédé à un recensement statistique à partir d’une cohorte de 13,000 bdsm’ers européens et nord-américains. Précisons qu’ils (et leurs élèves) n’ont pas perdu leur temps à papoter avec les wanna-be qui fantasment sur le net, mais qu’ils sont allés directement dans les clubs pour y déposer et présenter leurs questionnaires auprès de pratiquant-e-s.
Leur étude, est intéressante. Très solide du point de vue des maths (je n’ai pas relevé de bavures…), elle est nettement plus hésitante quand ils en viennent à la discussion. Point faible, pour étayer leur conclusion (le sadisme est surtout masculin, le masochisme surtout féminin) ils invoquent les mânes du féminisme radical : le sadomasochisme ne fait que traduire une domination purement patriarcale, sous des dehors modernisés et au goût du jour. Adopter un comportement sadique envers une femme serait une chose naturelle chez un homme. Tolérer ces pratiques sadiques serait naturel chez une femme. Du point de vue méthodologique c’est limite. Dans une étude scientifique, on ne cite pas des idées générales en les réduisant à deux clichés réducteurs et datés. Surtout, on ne se dédouane pas en "accusant" une mouvance féministe de s'être trompée afin d'annoncer que finalement, les statistiques nécessitent un retraitement.
Car en effet, ils reconnaissent en toute honnêteté que les entretiens plus approfondis avec un échantillon réduit au sein de la cohorte vont à l’encontre de la thèse issue du dénombrement statistique et concluent en disant que in fine les choses sont plus compliquées qu’il n’y paraît. Et que l’aspect désinhibiteur du sadomasochisme joue un rôle bien plus important que le schéma mâle dominateur issu du patriarcat/femme soumise et abusée, ce schéma étant PARFOIS un habit de carnaval endossé dans le cadre du jeu. Ce qui est d’ailleurs corroboré par bon nombre d’autres études, basées elles sur le récolement de données strictement qualitatives.
La doxa radicale féministe n’a jamais été soutenue par des recherches sérieuses, et d’ailleurs, où est le paradoxe ??? Si les féministes radicales se sont trompées, c’est parce que de leur temps les études scientifiques portant sur le sadomasochisme étaient inenvisageables, à part dans le champ purement psychiatrique. Et celles qui firent sortir le sadomasochisme de la DSM-5, celles qui en firent un sujet d’études sociologiques, ce sont des féministes justement. Et cela souvent en réaction aux discours dogmatiques d’autres féministes sur le sadomasochisme. Quant on parle de féminisme et de SM, et contrairement à la pensée politiquement correcte véhiculée par le gros des bdsm’ers, on est non seulement au cœur du sujet, mais on est à ses racines.
https://www.researchgate.net/publication/282402034_Power_and_Sadomasochism_Understanding_the_Antecedents_of_a_Knotty_Relationship
Dernière modification le 09/02/2019 04:51:32 par marina001.
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marina001
#42
BDSM, féministes, et consentement
Le site US Yourtango.com peut être qualifié de site féministe pour les adolescent-e-s et les femmes à l’orée de leur vie adulte. Il aborde tous les domaines, des plus triviaux aux plus sérieux, dans une optique résolument féminine et féministe, sans langue de bois. Parmi les sujets couramment abordés, il y à celui du viol, et également du sexe sans vrai consentement.
Une chose très appréciable : la capacité des intervenantes à parler de façon à la fois compréhensible et intelligente de la zone grise, mais aussi à remettre en question les fausses évidences. En particulier, elles s’opposent fermement à la mauvaise foi de certain-e-s anti-féministes, qui font feu de tout bois pour « couler » Metoo, et qui sèment le doute sur la nature même de ce qu’est le sexe forcé.
Un des thèmes les plus populaires parmi les anti-féministes US, c’est de dire que la zone grise n’existe pas, qu’elle n’est qu’un conflit créé par les idées féministes qui s’opposent à une évidence « naturelle » : dès lors qu’une femme a accepté un partenaire sexuel, cela signifierait qu’elle accepte un corollaire qui serait la domination « naturelle » de l’homme sur la femme. En résumé : dire oui signifie dire oui à tout, toujours, tout le temps.
Depuis quelques années un argument fait florès pour appuyer ce « raisonnement » : dans le cadre des relations BDSM la femme se soumettrait totalement à un homme parce que c’est un état de nature, parce qu’instinctivement elle sait que c’est une normalité que ses instincts primitifs la pousse à retrouver.
Et si des femmes vivent très bien cette domination, avec son cortège d’humiliations, de sévices, pourquoi diable leurs consoeurs engagées dans des relations bien moins « dures » devraient elles chougner ? Un pénis dans un vagin n’a jamais tué personne voyons !
Le « raisonnement » est amusant quand on sait que ces anti-féministes n’ont jamais pratiqué le BDSM de leur (triste) vie.
Une des auteur-e-s de Yourtango, bdsm’er elle-même, démonte férocement cet « argument », et décortique le consentement éclairé tel qu’il doit se pratiquer au sein d’un couple de bdsm’ers, et elle rappelle une évidence : le consentement éclairé y est un passage incontournable, une préalable d’une importance extrême, encore bien plus que dans une relation « vanille ». En fait, et même si cela peut choquer, les gens qui ne pratiquent pas le BDSM pourraient et devraient suivre les règles de ceux qui le pratiquent en matière de consentement éclairé.
https://www.yourtango.com/experts/loribethbisbey/what-is-informed-affirmative-consent-why-bdsm-contracts-rules-relationships-answer-metoo-movement
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marina001
#43
BDSM, féminisme, et anti-féminisme
J’avais ici même exposé à quel point les anti-féministes ont le chic pour guetter tout ce qui peut servir leur cause nauséabonde, et à l’aide d’une énorme couche de mauvaise foi, retourner contre les féministes leurs propres arguments. De plus en plus souvent, elles-ils utilisent le réel intérêt que suscitent les romans BDSM à grand succès parmi le lectorat féminin pour dénaturer une des revendications féministes les plus basiques – faire ce que nous voulons de nos propres corps – et la transformer, après un petit passage à travers le prisme déformant de la soumission/domination BDSM, en un ébouriffant « faire ce que les hommes veulent que nous fassions ». Il fallait oser. Il est vrai qu’elles-ils osent tout.
L’énorme difficulté pour la majorité des féministes face à ces « arguments » basés sur une déformation de ce qu’est le BDSM réel, c’est que pour elles ce BDSM réel est une terre aussi inconnue que pour leurs détracteurs. Le BDSM elles ne le pratiquent pas. Peut-être que certaines d’entre elles en rêvent en lisant un bouquin à succès, mais c’est vague, diffus. Seule une faible proportion d’entre elles feront un jour une incursion dans le monde réel du BDSM, généralement sous son aspect bondage seulement.
L’absence de connaissance réelle, pratique, de ce qu’est réellement le bondage, le sadomasochisme, ou la soumission/domination, empêche de pouvoir répondre avec des arguments pertinents aux faussetés énoncées par les anti-féministes. Faute de munitions, beaucoup de féministes répliquent aux mensonges sur le BDSM par des contre-vérités sur le même sujet.
Heureusement, il y a des féministes qui sont aussi des bdsm’ers pur sucre. Elles n’ont pas leur langue dans leur poche généralement. Voici un petit article publié sur Yourtango.com, dans lequel une consoeur en féminisme et en BDSM flingue Roiphe, une anti-féministe US encore plus intellectuellement malhonnête que la navrante moyenne de l’espèce. A savourer pour le ton Calamity Jane !
https://www.yourtango.com/2012150953/im-feminist-and-i-love-sm
Dernière modification le 09/03/2019 05:08:24 par marina001.
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marina001
#44
Féminisme, BDSM, et regard extérieur.
Mary-Jo Rapini est une auteure assez connue aux US, pour ses interventions lors de talkshows sur les grands networks, dans des thématiques liées à la sexualité du couple. Elle se définit elle-même comme une « sympathisante » (« follower ») féministe de base, venue sur le tard aux idées féministes. Et en tant qu’auteure d’ouvrages sur la sexualité féminine, elle a des idées que je juge rafraichissantes sur le BDSM, pour une non-pratiquante.
Tout d’abord elle ne le diabolise pas. Madame veut être attachée ? Monsieur veut être fessé ? Pourquoi pas ! Là où elle fait preuve d’intelligence, c’est dans la façon de décoder ce « pourquoi pas ? » qui est souvent une réponse un peu trop automatique chez la personne à qui est proposée un jeu bondage ou soft SM. Surtout chez les femmes.
Il est trop souvent un acquiescement induit par une crainte de perdre au moins un peu de l’amour de l’autre. Il est de plus en plus fréquemment lié à une crainte de paraître coincé-e, dans une société US où se laisser porter par le vent des modes médiatiques – et le BDSM soft est à la mode – devient vital. Il est également un des effets du mal de vivre contemporain, surtout chez les hétéros : on renonce à vouloir comprendre l’autre, c’est trop compliqué, dans une vie déjà très compliquée, alors on dit « oui », pour se débarrasser du problème.
La position de Rapini est claire. Dire « oui » sans vraiment le vouloir, c’est se frocer soi même à pratiquer un cate sexuel non désiré. Pour elle, peu importe ce que vous faites, ce qui compte c’est pourquoi vous le faites, et comment. Pourquoi est-ce que mon-ma partenaire désire ceci ? Pourquoi est-ce que moi je ne désire pas cela ? Vouloir répondre sincèrement à ces deux questions, c’est résoudre le problème la plupart du temps. C’est le ramener à l’humain, à ses désirs et à ses craintes, au lieu de réifier le jeu sexuel. Le problème n’est plus le « çà », mais le « il » ou le « elle ».
Second point, Rapini insiste sur le « comment ». Ou plutôt sur la différence entre l’idéalisation du jeu, et sa réalité concrète. Très intelligemment, elle conseille, en matière de BDSM, de suivre l’avis des « pros » (certain-e-s actrices ou acteurs X SM indépendants) pour la sécurité, ou encore d’aller voir dans les démos et les conventions « comment on fait », et surtout « comment on ne fait pas ». Parce qu’après s’être extrait du « çà » (le jeu) idéalisé, et l’avoir ramené au « il » ou « elle », il faut toujours en venir à un « çà » réel.
En définitive, Rapini est une réaliste : le « oui » n’est jamais qu’incidemment, et rarement, la bonne réponse. Le « oui, mais explique moi » l’est toujours : il n’impose pas une vision, il crée une vision commune.
Les livres de Rapini peuvent être trouvés directement sur son site, ici :
http://www.maryjorapini.com/
Dernière modification le 23/03/2019 05:51:18 par marina001.
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marina001
#45
Féminisme, soft kink, et comment dire n’importe quoi…
Nao Bustamente est une danseuse américaine, ou plutôt une body performer dans le sens où la danse n’est pour elle que le début de quelque chose, et pas une fin. Elle a été récemment, et très involontairement, au centre d’une polémique suite à un show (voir une brève présentation en bas) qui a déclenché des réactions assez incroyables. Pas de quoi fouetter une chatte pourtant ! Semi-nudité, et encore, à peine. Recours à du film plastique cellophane pour comprimer certaines parties de son corps.
Et c’est parti mon kiki ! Avec ce wrapping, Bustamente veut présenter un corps féminin qui ne répond pas aux canons de beauté dictés par la mode contemporaine, ou plutôt son droit à exhiber un corps transformé selon ses propres idées. Il n’en faut pas plus pour qu’elle soit taxée dans les pages « culture » des sites ultra-conservateurs comme Gab d’être une extrémiste féministe prête à arracher le zizi des mâles à grands coups de dents. C’est facilement traumatisé un disciple de Trump…
Mais les bdsm’ers ne sont pas en reste ! Le wrapping, la cellophane transparente sur un corps semi-nu, perversion, satanisme, figurez vous que les démoniaques bdsm’ers sont partout, ils pullulent, ils rôdent la nuit dans les rues, fouet caché sous le manteau, prêt-e-s à dérouiller votre tendre n’enfant !
Vous croyez que c’est tellement gros que personne n’y croit ? Lourde erreur.
Il y a une conjonction de plus en plus évidente dans la presse alt-right entre ce que ces individus pensent de la sexualité non normative, et ce qu’ils pensent des féministes. En gros, un-e bdsm’er est forcément un-e féministe. Et, mais ça "on" le savait déjà, les bdsm'ers sont des disciples du Diaaaaable. Conjonction des astres : les féministes sont de vilain-e-s perver-e-s qui prônent le stupre, la luxure, et sans doute la zoo-pédo-scato-sexualité sous couvert de prêcher pour la liberté de choisir leurs partenaires, et ce qu’elles-ils font avec elle-eux.
Ne riez pas trop… ces gens-là sont aussi dangereux que les nazis en leur temps. Et ils utilisent les mêmes recettes. Diaboliser tout ce qui n’est pas « normal ». Désigner des impurs, pour mieux les transformer en carburant pour leurs futurs bûchers. En tant que féministe, je les combats de toutes mes (faibles) forces. Et à votre place, en tant que bdsm’ers, je me lancerais dans la bagarre aussi. Sinon, un jour, votre fétichisme de l’uniforme vous vaudra uu pyjama blanc rayé de bandes bleues.
https://hemi.nyu.edu/hemi/fr/enc02-performances/item/1855-enc02-nao-bustamente/1855-enc02-nao-bustamente
Dernière modification le 06/04/2019 02:35:12 par marina001.
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marina001
#46
BDSM, féminisme, et copine de jeunesse !
Reba, vous ne la connaissez pas, mais la "scene" (vous diriez le "milieu") des lesbiennes bdsm'ers entre NYC et Boston la connaît bien. Egérie du sex positivism dans les happenings féministes, elle est également connue pour avoir décoré une bonne moitié des clubs SM de Beantown (Boston) avec ses fresques érotiques, déjantées, et très tongue-in-the-cheek.
En tant qu’adepte du sex positivism, elle est assez iconoclaste. Elle ne confond pas liberté totale du choix et encouragement au suicide social ou physique. Pour elle, il y a un « savoir choisir » qui doit toujours accompagner le « pouvoir choisir ». Elles insiste toujours sur le fait que le pendant de l'autorité sur soi-même est la responsabilité envers soi-même. Bref, elle ne cherche pas à plaire à la fraction libertaire des sex positivists qui se contentent de formules creuses et oublient que le "mal choisir" peut vous envoyer à la soupe populaire, quand ce n'est pas en prison ou à la morgue.
Et c’est la même chose quand elle blogue sur les sites BDSM. Elle adopte toujours un ton juste. Ce que j’adore chez cette femme, c’est sa capacité à expliquer en peu de mots non pas pourquoi on aime le bondage ou le SM, mais pourquoi on peut éventuellement les aimer. Parce que c’est la seule approche valable vis-à-vis des paraphilies. Dire « les gens aiment çà parce que », c’est mentir ou succomber à l’hubris. Dire « peut-être que les gens aiment çà parce que », c’est avouer assez d’ignorance pour déjà détenir une part de vérité. C’est très rafraîchissant dans ce drôle d’univers BDSM peuplé de gens qui étalent leurs à-peu-près, leurs exagérations, leurs mensonges, d’autant plus volontiers qu’ils sont persuadés de détenir La Grande Vérité Universelle.
Reba, je la connais depuis 10 ans, et je suis une afficionada ! Un petit aperçu de ses talents de blogueuse bdsm’er, ici :
https://magazine.sangbleu.com/2012/10/15/psychology-of-bondage-why-do-people-do-it/
Dernière modification le 13/04/2019 04:53:03 par marina001.
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marina001
#47
Féminisme, BDSM, et jeune thésarde
Les thèses de doctorat (Ph.D) portant sur tel ou tel aspect du BDSM ne sont plus une rareté. En voici une qui dresse un parallèle entre la façon dont les couples américains et européens conçoivent ce genre de "détente". L'idée est intéressante, mais là où ça déraille, c'est qu'à partir d'un sujet A, on assiste à une superbe coq à l'âne et on en vient au sujet B, qui n'a rien à voir avec le premier : féminisme et BDSM ! Ma tendre épouse pense qu'il s'agit d'une figure imposée, comme dans le patinage artistique. Et je ne suis pas loin de penser comme elle... En effet, il est dommage de constater à quel point une jeune universitaire, qui ne connaît rien par elle-même au BDSM, et sans doute pas grand chose au féminisme non plus,  peut se sentir obligée de pondre un couplet sur un thème devenu incontournable dans toute étude sur le BDSM : le féminisme ! A croire qu'il est devenu impossible de parler de BDSM sans parler de féminisme. Ni de disserter sur le féminisme sans parler de BDSM !  
Mais admettons. Seulement, prétendre vouloir être pertinent-e à partir d'une étude basée sur dix couples, c'est se mettre le doigt dans l'œil. Le sadomasochisme n'est qu'une étiquette compilant une myriade d'histoires personnelles. Seules les surveys portant sur une cohorte se comptant en centaines voire en milliers de pratiquant-e-s réel-le-s donneront un résultat qui ne sera pas soit trivial, soit erroné. 
Cette thèse en est la parfaite illustration. L’auteure sort complètement du cadre limité de son étude. Elle fait d’abord un tour de valse avec de très anciens textes (1982) émanant de féministes radicales qui d’ailleurs ne pratiquaient pas le sadomasochisme. Puis – miracle – elle danse le quadrille avec les propos de féministes contemporaines qui elles pratiquent le sadomasochisme et ont un avis tout différent sur la question. Résultat final : l’auteure conclut en disant que les féministes sex positivist contemporaines sont des emmerdeuses et qu’elle devraient dire comme les Grandes Anciennes que le BDSM c’est mal, et arrêter de faire suer ! On se heurte là à une des limites des gender studies, feminist studies, ou sex studies : comprendre une paraphilie de l'extérieur est difficile, long, souvent décevant, parce qu'au fond il n'y a RIEN à comprendre. Allez expliquer pourquoi vous aimez les frites et pas les brocolis ! Il en va de même avec le féminisme au fond : pour une féministe, les raisons de son engagement sont évidentes. Elles le sont beaucoup moins pour une femme qui n'est pas féministe... 
Tant le féminisme que le BDSM sont désormais des sujets porteurs pour les doctorant-e-s ou les post-doctorant-e-s. Trop peut être. Les vraies surveys bien documentées, "réfléchies" et même "pensées", existent. Mais elles sont rares. Question d'expérience, question de moyens. 
https://cupola.gettysburg.edu/cgi/viewcontent.cgi?referer=&httpsredir=1&article=1395&context=student_scholarship
Dernière modification le 20/04/2019 02:23:40 par marina001.
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marina001
#48
J’avais ici même écrit à quel point j’étais une afficionada de Reba, une copine féministe et bdsm’er de la « scene » East Coast. Reba a collaboré pendant plusieurs années au magazine online sangbleu.com, très couru par la hype new-yorkaise, et dans lequel le Bondage et le Sadomasochisme ont plein droit de cité. Parfois, Reba part en croisade, et notamment contre le sexisme qui prévaut dans ce merveilleux milieu du BDSM, lieu de Liberté (ouvrez le ban), d’Egalité (tambours et trompettes), et de Fraternité (fermez le ban).
Il y a quelques années, elle a mis sur la table un sujet très dérangeant. Le kinbaku est devenu un business profitable en ce qui concerne les shows et les démos. J’avais aussi déjà eu l’occasion d’en parler. Mais chuuut, il ne faut pas le dire ! Non, non, non, les riggers les plus réputés ne pratiquent que pour l’amour de l’art. Et pas du tout pour celui des dollars.
Là où ça devient presque comique, c’est quand les gens d’Enisem, un pool de riggers britanniques très réputés (voir le lien ci-dessous vers la partie gratuite de leur site) viennent en tournée aux US. C’est très égalitaire. Riggers ? Que des mecs. Modèles ? Que des nanas. Notez que pour faire plus vrai dans le genre exotico-érotico-authentique, ils ne bookent que des femmes d’ethnie asiatique.
Reba, en bonne emmerdeuse féministe, s’en était ouverte auprès des organisateurs (là encore que des hommes) de ce cercle. La réponse, dans le genre amphigouri hypocrite est à citer dans le best-off des âneries fameuses-infâmes : « c’est parce que seuls les hommes peuvent saisir la nature profonde de l’encordage à la japonaise, issu d’une société profondément sexiste »
Inutile de leur faire remarquer – ce que Reba a fait – que le kinbaku est de nos jours à peu près aussi japonais que les souvenirs pour touristes que vous achetez dans les boutiques de Tokyo-Haneda. Pure perte de temps, la vraie motivation c’est de ne pas partager le gâteau.
Ce que Reba n’avait pas prévu, c’est que sur sangbleu tout ce que le BDSM compte de Mâles Virils et Puissants lui tomba dessus, en appelant aux mânes de Sade (qu’en bons américains ils n’ont pas lu), ou de Akachi Denki (écrivain ayant popularisé le kinbaku hors du Japon, qu’ils n’ont pas lu non plus), tout en l’accusant de faire de l’entrisme féministe dans le milieu BDSM.
L’entrisme féministe dans le milieu BDSM, c’est grave docteur ? On fera de l’entrisme parce qu’on est des bdsm’ers et des féministes, et que la première facette n’a jamais oblitéré la seconde. C’est comme ça. Et cet entrisme, on le pratiquera jusqu’à ce que les machos, les abuseurs sexuels, et les misogynes, fassent du sortisme !
https://esinem.com/news
Dernière modification le 27/04/2019 03:10:24 par marina001.
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marina001
#49
BDSM, Beauvoir, et gros malentendu
Lorsque l’on lit les textes fondateurs de la position farouchement anti-BDSM des féministes radicales, textes s’égrenant au fil des années 1970 pour ce qui concerne les USA, on remarque immédiatement un point commun entre eux : ils ne se fondent jamais sur le vécu de femmes pratiquant le BDSM, mais se contentent de plaquer des idées théoriques sur un réel entièrement supposé. D’où viennent ces idées théoriques ? Presque entièrement d’un unique ouvrage et d’une unique auteure : « Le Deuxième Sexe », de Simone de Beauvoir.
Et à ce sujet il est plus qu’intéressant de se reporter à la biographie de Beauvoir écrite par Deirdre Bair. Celle-ci replace d’abord l’essai de Beauvoir dans son contexte : 1949, et l’essor d’une intelligentsia française qui, souvent transparente durant la guerre, tentait de revenir au premier plan en débattant sur les dogmes accompagnant les mots en « isme » : existentialisme, marxisme, féminisme, etc. Or, comme Bair le dit, si Beauvoir utilise souvent le terme « sado-masochisme » dans son ouvrage, elle ne le fait jamais avec une connotation sexuelle. Elle emploie systématiquement cette expression dans le sens freudien du terme, elle ne vise aucunement la sexualité sado-masochiste, d’ailleurs quasiment invisible en France (et ailleurs) à cette époque.
Que certaines féministes américaines aient trouvé que « Le Deuxième Sexe » soit un texte important dans l’accouchement du féminisme 2nd wave, ça se comprend. Ce qui est moins compréhensible, c’est le détournement du sens des termes employés par Beauvoir et leur transposition dans un contexte très différent : le sadomasochisme en tant que sexualité. Pire encore, et Bair le remarque avec pertinence, un essai très tardif de Beauvoir, « Faut-il brûler Sade ? » fut considéré par les radicales américaines comme l’affirmation par Beauvoir que justement, c’était le sadomasochisme en tant que sexualité qui était « à brûler ». Il y avait « Sade » dans le titre vous voyez ? Et d’argumenter, et de gloser, et d’en arriver à la conclusion que le sadomasochisme sexuel est la quintessence de l’écrasement des femmes par les hommes. Là on tombe dans l’escroquerie absolue : ces personnes n’ont tout simplement pas lu cet essai de Beauvoir, dans lequel elle réfutait simplement la thèse de Sade (dont les écrits sur les théories sociales étant d'ailleurs bien plus intéressants que ses fantasmes très personnels) qui pensait pouvoir réconcilier, au 18° siècle, nobles éclairés et philosophes bourgeois.
Cette biographie de Beauvoir est vraiment à lire, elle démythifie l’auteure, replace son œuvre dans son contexte, et en définitive remet à leur place celles et ceux qui en font un gourou ou une sorcière haissant les hommes.
https://www.amazon.fr/Simone-Beauvoir-Deirdre-Bair/dp/2213025363/ref=sr_1_2?__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85%C5%BD%C3%95%C3%91&keywords=deirdre+bair&qid=1556723690&s=books&sr=1-2
Dernière modification le 04/05/2019 07:09:40 par marina001.
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Lilas
#50
Je te rejoins totalement marina. Ça me rappelle l'utilisation du terme masochisme dans king kong theorie qui m'avait fait tiquer de prime d'abord. Et qui est d'ailleurs utilisé dans un sens sexuel mais plus dans le sens de comment les femmes apprennent à être soumise aux hommes par nature, à être dominé et à souffrir par leurs mains sans savoir/pouvoir réagir en cas de violence. Car elles ont intégrer dans leur éducation cette soumission de classe comme étant la norme.
Dans ce sens,quelque part part peut être qu'assumer une soumission au grand jour,ne pas la subir en secret, choisir les moments où cela se produit, en choisir la forme et les éléments qui la structure est révolutionnaire.
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marina001
#51
Féminisme, BDSM, études…
Les études récentes sur le BDSM et ses pratiquant-e-s ne manquent pas, essor des gender studies ou sex studies dans les universités américaines oblige. Tant mieux. Ce qui est dommageable, c’est souvent l’utilisation qui en est faite dans des médias généralistes qui les utilisent pour encenser ou démolir cet univers étrange et souvent dérangeant du sadomasochisme. Dans la rubrique « société » de l’édition dominicale d’un grand journal j’ai en effet lu une parfaite illustration du phénomène : comment une étude très pertinente (lien plus bas) est réduite à un seul de ses aspects, cet aspect étant ensuite amplifié et déformé pour finalement aboutir à une caricature du BDSM et de la place des femmes dans ce milieu.
Alors que le chercheur ne retenait le recensement quantitatif des pratiques des bdsm’ers que pour expliquer comment il avait constitué la cohorte pour procéder à l’étude qualitative , la journaliste - dont l'engagement féministe est connu - n’a retenu que ce simple recensement statistique, et l’a accommodé à sa façon.
Attention, il est très intéressant de savoir ce que font exactement les bdsm’ers entre elles-eux (lisez bien le tableau, vous serez sans doute surpris-e-s) mais partir de ce seul tableau pour dire qu’une sadomasochiste est une femme qui passe ses week-ends à se faire – dans l’ordre et sans omission - mordre-ligoter-clamper-découper en lanières-électrocuter-gifler-etc- c’est soit être très idiote, soit être une escroc. L'étude fait 100 pages, pas vingt lignes !
Le fait que les femmes soient parfois des soumises, parfois des dominatrices, parfois les deux ? Omis. Le fait que les hommes soient plus fréquemment des soumis que des dominateurs ? Oublié. Le fait que les jeux soient bien plus axés sur le SSC que sur le RACK, statistiquement parlant ? M’en fiche. L’évidence – bien démontrée par l’étude – que le BDSM est fait de fantasmes et de motivations purement individuels qui s’adaptent plus ou moins bien à un corpus de jeux issus d’une "tradition" SM très formatée ? Nié.
En fait, le but de la journaliste n’est que de faire pleurer sur le sort des femmes soumises à des hommes dans le cadre de jeux sexuels. Peu importe si c’est vrai ou non. Le féminisme n’est jamais servi par l’affabulation. C’est le contraire. Oui le sexisme existe dans le BDSM. Il est même extraordinairement présent. Mais vouloir réduire les soumises à Cosette en vacances chez les Thénardiers, c’est soit se tromper, soit tromper.
https://www.lehmiller.com/blog/2014/5/18/what-do-sadists-and-masochists-actually-do-in-bed
Dernière modification le 11/05/2019 04:04:31 par marina001.
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marina001
#52
Féminisme, sexualités, et éducation sexuelle
L’éducation sexuelle, et sans doute plus largement l’étude des sexualités, est quelque chose de relativement récent dans nos sociétés occidentales. Elle ne date guère que du début du 20° siècle. Les féministes radicales, dans les années 1970, eurent la dent dure vis-à-vis des précurseurs en la matière : pour elles, durant la première moitié du 20° siècle, tout ce qui se rattachait à la sexologie n’était qu’une façon, pour l'establishment scientifique masculin, de lâcher du lest face aux revendications féministes « first wave ». En d’autres termes, les premiers sexologues – quasiment tous des hommes – tentaient de contrôler les revendications féministes/féminines en les détournant sous couvert de science.
Des travaux issus des gender & sex studies replacent les choses dans un contexte beaucoup moins idéologique et beaucoup plus historique. Lucy Bland et Lesley Hall démontrent qu’en fait les premiers sexologues anglo-saxons étaient avant tout de fervents alliés des féministes, qui abordaient le thème de la sexualité sous l’angle de l’égalité nécessaire entre les deux sexes. En fait, et c’est assez ironique, par bien des côtés en ce qui concerne l'égalitarisme ils étaient en avance de cinquante ans sur les thèses féministes en vogue au tournant des années 1970. Quant aux erreurs de raisonnement en matière de sexualité féminine, elles s'expliquaient par le fait que justement ce champ scientifique n'avait jamais été exploré avant. Et elles n'étaient pas fondamentales : les premiers sexologues percevaient déjà le rôle moteur du clitoris dans le plaisir féminin. C'était novateur, le sugar almond était terra incognita dans la médecine ou l'anatomie de l'époque !
De fait, ils ouvraient un champ d'études, et ils n'étaient pas neutres en le faisant : ils le faisaient au nom d'un égalitarisme qu'ils estimaient nécessaire. C’est en fait peu surprenant : on remarque aisément que ces précurseurs en matière de sexologie travaillaient au sein de cénacles familiaux ou sociaux qui comptaient beaucoup de femmes engagées. Sans parler de tous ces « messieurs » qui en fait étaient des dames qui publiaient sous un pseudonyme masculin, condition sine qua non pour ne pas être blackboulées dans des milieux médicaux complètement misogynes.
Mais qu’en est-il pour la France ? L’excellent article ci-dessous illustre de façon extrêmement claire et détaillée les grandes similitudes avec la situation dans les pays anglo-saxons, mais aussi les différences issues des spécificités culturelles françaises. A lire, vous apprendrez beaucoup de choses !
https://www.cairn.info/revue-champ-psy-2010-2-page-67.htm#
Dernière modification le 01/06/2019 09:58:45 par marina001.
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marina001
#53
Féminisme, lez’, SM, et publiez moiiii !
Peta Fox est une auteure américaine de romans policiers, que vous ne connaissez sans doute pas, mais que je vous invite à découvrir. Pour plusieurs raisons. Déjà, parce qu’elle est talentueuse, lisez donc un peu « death takes a hike » (lien ci-dessous, à petit prix) pour vous en convaincre. Ensuite parce qu’à ses débuts elle a été victime d’un phénomène assez fréquent dans les milieux de l’édition, de la chanson, ou du cinéma : le « soyez pervers-e, mais pas n’importe comment ».
Elle présenta à divers éditeurs le manuscrit de la première enquête de son héroine (imaginée) Jen Madden, en vain. Jusqu’à ce que l’un d’entre eux finisse par lui dire pourquoi il refusait le manuscrit. Fox avait fait Madden à son image : lesbienne, plutôt amatrice de découchage en tous genres, pratiquant le BDSM (tendance domme) et féministe ne se laissant jamais marcher sur les pieds par des hommes. Elle a récemment mis en ligne sur The Lesbrary un résumé des « remarques » de cet éditeur.
Urkkkkkk ! Lesbienne ? Non mais ho, faites en une bisexuelle, sinon le lecteur mâle se sent exclu ! BDSM ? Ouiiiii, c’est bon ça cocotte, mais enfin, soft le SM, soft soft soft, sinon ça fait grande malade de la tête. Salope ? Parfait, alors là parfait, rien à redire ! Féministe ? Sortez de mon bureau tout de suite, immonde créature, ce n'est pas vendeur le féminisme, pas vendeur du tout !!!
Peta Fox, sur les conseils de sa compagne (toujours écouter sa femme, dit la mienne) eu l’habileté de manoeuvrer : elle ré-écrit son premier roman en faisant de Madden une bisex’ flashant sur du bondage tout gentil, et affichant vaguement des idées féministes sans se revendiquer comme telle. Elle trouva alors facilement un éditeur. Qui fut satisfait des ventes et lui signa un contrat pour trois autres livres. Contrat en poche, Fox, au fil de ses seconds et troisièmes romans, put enfin faire évoluer son héroine en faisant d’elle une dyke pur sucre fouettant sans chichis ni bisous ses nombreuses petites amies tout en gueulant haut et fort « Women Powa ! ».
Gageons que Ian Fleming a connu moins de difficultés quand il fit de Bond un psychopathe misogyne suivant sa queue comme un chien précède la sienne !
https://www.fnac.com/ia1658418/Peta-Fox
Dernière modification le 08/06/2019 03:21:41 par marina001.
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Elle.a
#54
Dommage, pas encore en français...
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marina001
#55
Un petit dernier avant les vacances ! Féminisme pro-sex, BDSM, et n’en parlons surtout pas !
Nul besoin de présenter Tristan Taormino… égérie du féminisme « sex positive », activiste lesbienne, auteure de guides abordant les diverses pratiques sexuelles, réalisatrice de films X féminins, « lecturer » universitaire, animatrice d'un show télévisuel autour de la sexologie, et j'en passe… Jetez un coup d'oeil sur son site (lien plus bas), il vaut le détour !
Lundi dernier en allant au boulot j'écoutais un podcast féministe auquel elle participe régulièrement. Très convenu : bravo pour tes livres (ses guides sexuels), bisous, mamours, etc. Et il est vrai que ses sept premiers guides, publiés entre 1998 et 2011, furent vraiment très bien accueillis par la presse féministe, car ils étaient axés sur le plaisir féminin, en tant que « receveuse » ou « donneuse », et étaient dépourvus de toute fausse pudeur ou de tabous. Bien que se définissant elle-même comme une queer dyke, Taormino n'a jamais oublié ses années de bisexualité (terme qu'elle déteste d'ailleurs) et en tant que féministe elle a toujours considéré que lesbienne ou hétéro, une femme est pareillement équipée pour le plaisir charnel.
Bref, les animatrices du podcast encensaient les guides en question, sauf, curieusement, le dernier, publié en 2012 : « An introduction to BDSM » (Cleis Press ; 2016). Peut-être de mauvaise humeur, Taormino leur a demandé pourquoi ! Mon Dieu que les réponses étaient gênées… « le BDSM c'est un sujet à part » (tandis que la sodomie c'est tellement peu à part qu'on en parle en famille le matin au breakfast). Autre version : « en tant que féministes, il faut reconnaître qu'il y a des femmes pour et des femmes contre » (qui l'eût cru?). Ou encore « le BDSM c'est une forme de sexualité très compliquée » (elle a pas dû lire le guide « l'éjaculation féminine », on croirait un ouvrage de physique théorique jusqu'à la page 200 environ).
Sans se fâcher, Taormino a expliqué que les féministes, qu'elles soient pro-sex ou non, ne devaient jamais se refuser le moindre champ de réflexion. Un sujet est gênant ? Alors abordons le. Il est mal compris ? Expliquons le. Il est controversé ? Réfléchissons-y. C'est le propre des sociétés patriarcales de cacher des choses sous le boisseau, de refuser de réfléchir, de créer des tabous, des interdits moraux ou intellectuels. Les féministes ont ouvert, il y a bien des décennies, un débat général sur la sexualité, sur l'absence de prise en compte du plaisir féminin dans les pratiques sexuelles. Qualifier certaines pratiques comme le sadomasochisme de « sulfureuses », c'est mettre des bornes, voire un terme, à ce débat. C'est reprendre la vieille recette patriarcale des concepts manichéens édictés par une petite minorité aux commandes qui s'arroge le droit de penser, de décider, de dire le bien et le mal, à la place de la vaste majorité de tous les autres.
A bientôt vous toutes et vous tous, passez un bon été !
http://tristantaormino.com/
Dernière modification le 29/06/2019 04:36:32 par marina001.
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Elle.a
#56
Maria Beatty, la féministe singulière du porno BDSM lesbien.
Réalisatrice culte, Maria Beatty déploie sa fantasmagorie dans une conséquente filmographie de pornos très personnels.
https://www.lesinrocks.com/2020/06/30/sexe/sexe/maria-beatty-la-feministe-singuliere-du-porno-bdsm-lesbien/
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marina001
#57
Après les révélations du NYT concernant les mises en ligne de vids underage, rape porn, ou revenge porn par le site Pornhub, Visacard et Mastercard ont mis fin aux contrats qui les liaient à la société qui possède le site.
https://www.forbes.com/sites/carlieporterfield/2020/12/10/mastercard-cuts-off-pornhub-for-hosting-unlawful-content/?sh=1f53818513ea
Pour tenter d'éviter l'effondrement financier, et sans doute pour se dédouaner devant la future commission d'enquête du Congrès, Pornhub a nettoyé son catalogue en supprimant 75% de ses vids. Evidemment, le SM a été la cible la plus facile et la plus flashy de l'opération : 95% des tags y renvoyant ont été supprimés. Commentaire personnel: ne vous faites pas d'illusions, légal ou pas, consentement ou non, le SM demeure socialement inacceptable et sera toujours un bouc émissaire bien pratique.
https://www.lepoint.fr/high-tech-internet/pornhub-apres-le-scandale-la-deroute-economique-17-01-2021-2409983_47.php
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marina001
#58
Il serait assez vain de vouloir départager les tenantes du féminisme "sex positive" (dont je fais partie) et les féministes qui regardent le sexe comme un instrument de l'oppression machiste. Pour les unes , le féminisme mène à la liberté , pour les autres il ne s'entend qu'au pas de l'oie, ce qui n'exclue pas que certains arguments qu'elles avancent ne soient valables.
Peut-être parce qu'elles sont beaucoup plus décomplexées et moins politiquement correctes que les européennes, les féministes américaines ont de plus en plus tendance à trancher dans le sens des premières. Y compris - controverse de toutes les controverses - en matière de BDSM. Hé oui, féminisme et BDSM, ça peut fort bien aller ensemble, tout étant dans le pourquoi et le comment. Qui a mis les pieds dans le plat en premier ? Samois ? La Lesbian Sex Mafia ? En tant que gay j'aimerais répondre que oui , mais il faut être honnêtes : c'est plutôt Jessica Wakeman et son fameux article explosif qui ouvrit le débat.
Wakeman revient sur cet article, le développe , et le commente. A lire , absolument !
https://jezebel.com/bdsm-and-feminism-stop-telling-me-what-im-supposed-to-5666107
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