Communiqué en forme de parenthèse hors-sujet.
J’adore m’introduire dans un sujet pour faire du hors-sujet. C’est une manière d’affirmer mon esprit de contradiction, et ça me permet de me différencier des autres qui bien sûr sont par définition tous pareils, puisque tous pareillement autres en regard de moi qui suis différent d’eux. Et puis c’est une manière de m’exhiber, comme au détour d’un chemin… Comme il est bon de se faire voir ou lire par qui n'a rien demandé, n’est-ce pas ?
Mais venons-en plus exactement à ce qui m’amène.
Il s’agit des contributions ci-dessus d’un pseudonyme dont les voyelles dans le désordre forment le mot « Oui », et les consonnes « Dr ». Par facétie autant que par commodité, je l’appellerai donc ici « Oui Docteur ». Pourquoi ce choix de déplacement plutôt que le pseudonyme original ? Pour n’en pas faire une affaire trop personnelle, pour tenter de parler du processus à l’œuvre davantage que de l’anecdote, car la réalité est finalement très anecdotique.
Oui Docteur aime à rappeler qu’il (ou elle, peu importe) ne fait pas partie du troupeau, pense librement, ne cède pas aux injonctions normatives de la bien-pensance. Chouette.
Oui Docteur ne fait pas que le dire, il (ou elle, peu importe) le prouve à chaque intervention en fustigeant tout ce qui pourrait s’apparenter à de la bien-pensance. Oui Docteur fait savoir qu’il (ou elle, peu importe) n’aime pas les hétéros, parce qu’être hétéro c’est subir la pression sociale normative de la bien-pensance. D’ailleurs, Oui Docteur n’aime pas les pondeuses et les encemenseurs parce qu’il est avéré qu’il n’y a que les bien-pensants hétéros (et ce sont les pires !) qui se reproduisent naturellement entre eux. Oui Docteur est un exemple à suivre qui a réussi à s’extraire à la force du poignet (à coup de fist, quoi !) à s’extraire de cette hétéro-sexualité aussi délétère qu’hégémonique.
Au passage, je voudrais clamer ici haut et fort que moi (dans le registre des casseroles personnelles que je traine tout seul à la force du poignet sans l’assistance de personne), je n’aime pas les petits pois, parce que les petits pois sont le symbole de l’oppression culinaire d’une nation sur les enfants dans les cantines. Moi aussi je suis un révolté : le petit pois, il ne passera pas par moi ! Et même si ce n’était qu’un petit pois télévisé ce serait pareil, parce que la télévision est un outil d’abêtissement lobotomisateur des masses bien pensantes, ce qui est suffisamment admis pour que la critique de la télévision ressorte également d’une forme de bien-pensance, autrement dit mieux vaut fuir cette question au plus vite et ne pas s’y attarder davantage sous peine de court-circuit.
Mais pardon, je me disperse dans les cosses… Revenons-en plutôt à nos moutons hors du troupeau, et ne me faites surtout pas dire ce que je n’ai pas dit : je ne prétendrai jamais que Oui Docteur soit une brebis égarée. Tout au contraire, je crois que Oui Docteur se tient à l’endroit exact dont il (ou elle, peu importe) voudrait tant s’extraire : en plein cœur du troupeau.
Parce que contester la bien-pensance, c’est se situer dans un rapport d’inter-dépendance permanent avec l’objet même de la contestation. L’inversion des valeurs se situe toujours dans une perspective qui maintient en place voire renforce l’échelle de valeurs originale. Supposons par exemple que Oui Docteur doive s'attaquer à la bienveillance parce que c’est une valeur archi-supra-méga-bien-pensante. Pour s’extraire de la bien-pensance, il faut donc s’employer à ne jamais se montrer bienveillant. (Même si on en a envie, dois-je préciser, parce que la bienveillance est une faiblesse qui peut atteindre un jour ou l’autre même les pires d’entre nous). A ce titre, on peut considérer que Oui Docteur est emprisonné (ou emprisonnée, peu importe) dans la tyrannie sociale normative bien pensante qu’il (ou elle, peu importe) s’est donné pour mission de combattre à chaque instant. Ce n’est pas facile tous les jours. C’est même épuisant. Et je sais de quoi je parle. Qu’on songe un seul instant que ma haine des petits pois m’a conduit à ingérer stoïquement des choux de Bruxelles ou des asperges, voire des betteraves et des navets, et on comprendra mon martyre…
Donc, en plein cœur du troupeau et à l’opposé de toute bien-pensance, Oui Docteur fait clairement de son combat un acte de candidature pour que nous le (ou la, peu importe) traitions en bouc émissaire de premier choix. Amis moutons et autres ennemis des petits pois, nous sommes sur la bonne voie ! Faisons encore un effort dans le sens toujours unique qui est le nôtre pour que Oui Docteur puisse pleinement tirer les fruits de notre détestation moutonnière et se glorifier enfin de pouvoir se sentir légitimement la victime élue notre beauferie normalisée. On ne pourra pas dire que je n’ai pas tenté de participer de mon mieux, j’ai dorénavant ma bonne conscience pour moi.
(Tout ça n’est sans doute pas absolument sans lien avec une forme de bien-pensance féministe qui voudrait voir dans l’émancipation sexuelle de la femme les conditions d’accès à sa soumission érotique assumée sans mesurer que cette même émancipation bénéficie in fine aux hommes hétérosexuels ensemenceurs patriarcaux qui finiront par faire de leur soumise des pondeuses de futurs spectateurs involontaires d’ébats tarifés en forêt… mais cette aspect ne rentre pas dans le cadre de cette parenthèse qu’il me faut ici clore.)
Sur ce, bien le bonsoir.