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Par : le 25/08/24
Maître et Dan se sont engagés dans une conversation interminable sur l’éducation canine. J’essaie de ne plus les écouter, c’est trop frustrant de les entendre parler de moi comme ça. J’ai envie de répliquer, de me rebiffer et je dois utiliser toute mon énergie pour rester « à ma place ». Mon Maître ne voit pas mon visage, je ne sais pas s’il a conscience de mon niveau d’agacement. « Et que penses-tu du fait d’autoriser les chiennes à monter sur le canapé ? Tu es pour ou contre ? Ça dépends. Si tu as une chienne bien obéissante qui ne rechigne pas et que tu as envie de la laisser monter sur le canapé pour la récompenser, pourquoi pas ? Le tout étant qu’elle intègre bien que sa place n’est pas sur le canapé et qu’y monter est un privilège que tu lui autorises parce que c’est ton désir. Je vois. Si, comme je le crois dans le cas présent, ta chienne a du mal à intégrer qui elle est et être bien obéissante, alors je te déconseille de la laisser accéder au canapé ou même au lit. » Mon égo se hérisse encore plus à ces mots. Comment ça « même au lit » ?! Cette fois c’est trop, je ne peux m’empêcher de grommeler. Aussitôt le son échappé de ma gorge, je le regrette, mais c’est trop tard. La main de mon Maître s’abat avec force sur mon séant à demi-découvert. « Ça, c’est non ! » Je suis choquée, et vexée. Mes yeux s’embuent légèrement mais je ne dis rien. J’ai envie d’exploser, c’est de plus en plus dur de me retenir. Je tremble de rage. Je m’attends à une réprimande supplémentaire, je m’attends à ce que Maître enchaîne, mais j’ai l’impression que Dan le stoppe dans son élan d’un geste silencieux. La laisse tendue qui tire ma tête en arrière et l’à-coups qui a accompagné le « non » me laissent deviner toute la contrariété de Maître. Bruit de tissu en provenance du canapé, la tension de la laisse revient à la normale et je sens des mains délicates qui retirent le bandeau sur mes yeux. Il me faut quelques secondes pour m’habituer à la lumière. Les larmes contenues se sont mélangées à mon mascara et me brulent les yeux avant de couler en deux traits noirs diffus le long de mes joues. Une main passe sous mon menton et m’oblige à lever les yeux. J’ai envie de mordre, mais… la profondeur du regard sibyllin qui me fixe avec intensité m’arrête. Dan m’oblige à conserver le contact visuel. Je distingue ses lèvres fines, ses cheveux blonds en bataille, son sourire un tantinet goguenard. Il n’a pas l’air très grand, mais il dégage une assurance déstabilisante. Malgré moi, mon regard de défiance s’évanouit et je fini par baisser les yeux. J’entends Maître se lever et partir à la cuisine, sans doute pour aller chercher de quoi se sustenter. Dan se lève et, sans que sa main ne quitte mon menton, s’accroupit devant moi. « Bonne fille. » Je ne dis rien, j’essaie de garder le contrôle du volcan qui menace de tout brûler en moi. Les secondes passent, il ne me lâche pas, il ne bouge pas, mais que veut-il bordel ?! La colère commence à laisser place à l’appréhension. Il est très calme. Il semble déterminé. Déterminé à quoi ? Je prends conscience de mon cœur qui bat dans ma poitrine, vite, et fort. Je risque un regard vers le sien et à nouveau j’ai l’impression d’être aspirée. « Tu veux être une bonne chienne et faire plaisir à ton Maître, n’est-ce pas ? » Sa voix est douce, enveloppante. Une nouvelle vague de larmes se présente aux bords de mes yeux. Oui j’ai envie de lui faire plaisir, de le rendre fier. Mais je suis aussi indignée, en colère. Aucun son ne sort de ma bouche, je me contente de hocher légèrement la tête dans sa main en détournant les yeux. « Alors laisse-moi t’aider. Je ne suis pas ton ennemi. » Son sourire a disparu, il semble très sérieux tout à coup. Comme s’il avait compris quelque chose. Quelque chose que je n’ai peut-être moi-même pas compris encore. Il se rassoit et tapote sur son genou pour m’inviter à m’approcher. J’hésite un instant. Maître n’est pas dans la pièce. J’ai peur. Et en même temps je me dis que Maître voudrait que je sois sage et que j’obéisse à notre invité. Il lui fait suffisamment confiance pour me laisser seule dans la même pièce avec lui. Finalement j’obtempère. Je me sens maladroite pour contourner l’angle de la table basse. « Assis. La tête sur ma cuisse. » Je me sens paniquée d’obéir à cet inconnu. Mais j’ai aussi besoin de me sentir guidée et tenue pour ne pas me laisser déborder par un flot d’émotions qui ne demande qu’à surgir et m’emporter. Cette idée me terrifie encore plus, j’obéis. Sa cuisse est chaude. Son parfum chaleureux et enivrant. Je suis assise sur le tapis, encadrée par ses jambes, et étrangement je me sens bien. En sécurité. Sa main vient caresser mes cheveux et je me surprends à me laisser aller, un peu. Je perds la notion du temps, Maître est de retour avec les plateaux dans les mains. Il pose tout sur la table. Je n’ose pas lever le regard vers lui. Je l’entends se rassoir. Il reste silencieux. Je suppose qu’il m’observe. Je me sens honteuse, j’ai l’impression d’avoir tout gâché. Pendant ce temps, Dan continue de caresser mes cheveux. Il me fait sentir qu’il est là pour moi. C’est une sensation étrange. Ma colère redescend doucement. « Parle-moi des problèmes de comportement de ta chienne. » Mes « problèmes de comportement » ? C’est pour ça que Maître a choisi un éducateur canin ? Je pose tant de « problèmes » que ça ? Mon corps trahit mon envie de disparaitre, je m’affaisse légèrement, je garde les yeux braqués sur le sol. Maître prend le temps de réfléchir avant de répondre. Leur discussion semble avoir un pris une tournure désagréablement sérieuse. « L’obéissance est difficile. » finit-il par lâcher. « J’ai l’impression qu’une part d’elle reste sans cesse sur ses gardes, ne me fait pas confiance. » Ces mots me blessent, une boule se créée dans mon ventre. Bien-sûr que je lui fais confiance ! C’est donc le sentiment que je lui donne ? Je suis abattue. « Et ça finit par se traduire par une attitude de révolte, un refus d’obéir, une provocation. » Plus Maître s’exprime, et plus je me sens rapetisser. L’ai-je déçu ? La main qui me caressait les cheveux glisse le long de ma joue humide pour me gratter sous le menton. Dan s’est penché en avant pour mieux marquer sa présence et son autre main s’est posée sur mon épaule. Je ne réagis pas. « Que sais-tu de l’histoire de ta chienne ? De son passé ? Avec les hommes notamment. » Dan marque une pause. Maître est silencieux. Il réfléchit. Se refait le fil de nos discussions du début dans sa tête. « Tu as un animal blessé. Voilà tout. Une chienne qui a un passé. Et qui a conservé en elle une grande colère et une grande amertume en lien avec ce passé. » La voix de Dan est douce, tendre. Il est dans la compassion. Comme il le serait avec un animal battu. Ses paroles résonnent douloureusement en moi. C’est vrai, je suis en colère contre les hommes. Une part de moi les hait, les déteste. Et j’ai envie de le détester lui. Comment ose-t-il dévoiler ma douleur et ma colère la plus intime ? Je ne veux pas ! Je ne veux pas aller dans cet endroit, je ne veux pas contacter cette douleur. C’est insupportable ! Pourquoi ? Pourquoi me faire ça ? La colère gronde en moi comme une tempête, j’ai la tête qui tourne, j’ai peur de perdre le contrôle. J’ai des fourmis dans le ventre et dans les jambes. Je veux juste que ça s’arrête ! Maître descend de son fauteuil, il se met à genoux, à ma hauteur et me prends dans ses bras. Il m’enlace, tendrement et fermement à la fois, comme pour m’offrir un cocon protecteur. « Je te demande pardon de ne pas avoir compris. Je suis avec toi. Crie s’il le faut. Hurle. Sers-moi, griffe-moi, mais arrête de garder cette colère à l’intérieur de toi. » Ce que je redoutais le plus se produit : la vague de mes émotions remonte du tréfonds de mes entrailles et m’emporte. Je hurle, de toute mes forces, jusqu’à en perdre le souffle. Des sanglots saccadés prennent le relais à ce cri de déchirement. Des images envahissent ma tête. Je revois mon père, ivre mort, me gifler car je m’interposais entre lui et ma mère. Puis plus rien, un vertige, le noir, et le silence. Que ça fait du bien…
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