Le réveil avait sonné très tôt ce matin, car la route qui devait la conduire vers une nouvelle expérience était longue. Cette séance devait se dérouler à l'intérieur d'une cave voûtée spécialement aménagée à cet effet. Obstinément, Patricia gardait son front contre la vitre. Le soleil et le silence la brûlaient. La campagne, comme une peau bien morte, s'étirait sous ses yeux. Un grand morceau de cette peau, à chaque kilomètre, s'arrachait d'elle-même et la laissait désespérée, mais vive. Elles avaient l'air invincible, chacune dans une armure et un rocher. Si l'on regardait de plus près, leur visage était décomposé par le désir, l'envie ou le bonheur. Sarah, c'était le besoin de s'affirmer comme une femme, capable de faire souffrir. Patricia ne parvenait pas à affadir son amour pour elle. Il ne faut pas reprocher aux gens, d'être un peu faibles. Ils ont tort de le montrer, voilà tout, avait dit Sarah. Les traces, sur le corps de Patricia mirent quinze jours à s'effacer. Encore lui resta-t-il, aux endroits où la peau avait éclaté, une balafre un peu blanche, comme une ancienne cicatrice. Mais aurait-elle pu en perdre le souvenir; qu'il lui aurait été rappelé par le comportement de sa Maîtresse. Elle attendit longtemps, se demandant si elle la surprendrait en pleine nuit, si elle viendrait seule ou accompagnée. Elle souhait qu'elle vienne pour provoquer des marques nouvelles. Si Sarah poussait Patricia au paroxysme de l'épuisement et de la souffrance physique lors de séances très éprouvantes, l'amenant à la limite de la rupture psychologique, il lui suffisait de lire dans son regard la satisfaction pour prendre conscience de son plaisir et cela pouvait décupler ses forces. La crainte de la décevoir par un refus la poussait parfois à accepter certaines humiliations qui pourtant la révulsaient, mais qui attestaient de son appartenance à elle. Donner ce bonheur, obéir, se soumettre, endurer et tout accepter d'elle était la seule préoccupation de Patricia. Elle savait aussi que les raisons de provoquer ces traces pouvaient disparaître. Sarah pouvait-elle un jour l'abandonner en rompant le lien qui les unissait. Bouleversée, elle regarda son pauvre corps mince où de fines balafres blanchâtres faisaient comme un quadrillage au travers des épaules, des cuisses, du ventre et des seins. En quelques endroits, un peu de sang perlait. L'un des plus grands bonheurs de sa vie était de se débarrasser des tabous qui l'habitaient. Sa fierté à sa soumission dans l'abandon lui procurait une exaltation proche de la jouissance. Elle se disait aussi que tout était bien, car Patricia était heureuse d'aimer en elle son esclave. Il lui suffisait d'y songer, d'entendre simplement parfois sa Maîtresse lui dire qu'elle l'aimait.
Jusqu'alors, elle pressentait son goût pour le masochisme sans savoir où cela la mènerait. Après une route qui lui parut interminable, elle arriva dans la ville. Des carrefours sans âme et des feux se succédèrent jusqu'à ce que la voiture s'engageât dans une ruelle si étroite qu'elle lui fit penser à une espèce de coupe-gorge où elle n'aurait jamais osé s'aventurer seule. Elle avait si peur qu'elle se mit à trembler. Sarah arrêta la voiture devant un portail austère où un homme à l'imposante stature les attendait. Le temps de réprimer son angoisse, elle se retrouva, les yeux bandés face au colosse. Sa Maîtresse lui attacha les mains derrière le dos. Une poigne brutale et soudaine enserra ses bras frêles et la conduisit dans une pièce minuscule plongée dans l'obscurité totale, une sorte d'antichambre où elle attendit un long moment, dans un état d'angoisse et d'excitation extrême. Une présence se manifesta bientôt en l'arrachant de sa torpeur. On la poussa dans un escalier qu'elle devina tortueux. L'odeur de la terre humide emplit ses narines. Au bas de l'escalier, une cave.
Il flottait dans l'air confiné une odeur de moisissure qui la révulsa. L'inconnu, qu'elle n'osait toujours pas regarder, demanda alors, après avoir passé la main sur ses seins et le long de ses reins, qu'elle écartât les jambes. Sarah la poussa en avant, pour pour qu'elle fût mieux à portée. Cette caresse, qu'elle n'acceptait jamais sans se débattre et sans être comblée de honte, et à laquelle elle se dérobait aussi vite qu'elle pouvait, si vite qu'elle avait à peine le temps d'en être contrainte, il lui semblait sacrilège que sa maîtresse fût à ses genoux, alors qu'elle devait être aux siens, elle sentit qu'elle n'y échapperait pas. Elle gémit quand les lèvres étrangères, qui appuyaient sur le renflement de chair d'où part la fine corolle inférieure, l'enflammèrent brusquement, le quittèrent pour laisser la pointe chaude l'enflammer davantage. Elle gémit plus fort quand les lèvres la reprirent. Elle sentit durcir et se dresser le membre qui l'étouffait, qu'entre les dents et les lèvres, une onde aspirait, sous laquelle elle haletait. L'inconnu la quitta d'un brusque arrachement et lui aussi cria. Dans un éclair, Patricia se vit délivrée, anéantie, maudite. Elle avait accomplit la fellation avec un recueillement mystique.
La jeune femme avait si peur qu'elle se mit à trembler. Son cœur battait fort et sa respiration se fit plus haletante. Elle comprit enfin que le membre qui la pénétrait était un olisbos dont Sarah s'était ceint la taille. Avec un vocabulaire outrageusement vicieux, elle exigea d'elle qu'elle se cambre davantage, qu'elle s'offre totalement pour qu'elle puisse être remplie à fond. Elle céda à l'impétuosité d'un orgasme qu'elle aurait voulu pourvoir contrôler. C'était la premièrefois qu'une femme la possédait par la seule voie qui soit commune avec un homme. Sarah parut subitement échauffée. Elle s'approcha d'elle, la coucha sur un lit, écarta ses jambes jusqu'au dessus de son visage et exigea qu'elle la lèche. Ses cuisses musclées s'écartèrent sous la pression de sa langue. Elle s'ouvrit davantage et se libéra violemment dans sa bouche. Patricia ne sentait plus que le collier, les bracelets et la chaîne, son corps partait à la dérive.
Brutalement un doigt s'enfonça dans son anus, lui arrachant un cri d'horreur et de douleur. Elle se cambra de toutes ses forces et le doigt se retira aussi brutalement qu'il était entré et vint se promener sur ses lèvres pour que sa bouche fût imprégnée du goût âcre de sa cavité. Des mains glacées se posèrent sur sa peau et la firent tressaillir. Ce premier contact l'avait surprise mais elle s'offrit avec docilité aux caresses qui devinrent très vite agréables. On lui fit savoir que plusieurs personnes étaient venues assister à son dressage. Chacune d'entre elles allait lui donner dix coups de fouet. Elle se préparait à cette épreuve en se concentrant sur la volonté dont elle allait devoir faire preuve. Elle fut mise à nue et attachée sur la croix de Saint André. Elle reconnut immédiatement les coups de fouet appliqués par sa Maîtresse. Elle a une méthode particulière, à la fois cruelle et raffinée, qui se traduit par une sorte de caresse de la cravache ou du martinet avant le claquement sec toujours imprévisible et judicieusement dosé. Patricia sait mieux que quiconque la dresser. Après le dernier coup, elle caressa furtivement ses fesses enflammées et cette marque de tendresse lui donna le désir d'endurer davantage.
Elle ne put réprimer une nausée de dégoût, causée par l'humiliation qu'elle ressentait. On lui ordonna de se mettre à quatre pattes, dans la position sans doute la plus humiliante pour l'esclave, mais aussi la plus excitante pour l'exhibitionniste que sa Maîtresse lui avait appris à être, en toutes circonstances et en tous lieux. Elle reconnut à leur grande douceur des mains de femme qui commencèrent à palper son corps. Avec un certain doigté, elles ouvrirent son sexe. Peu après, son ventre fut investi par un objet rond et froid que Sarah mania longtemps et avec une extrême lubricité. Les Maîtres décidèrent alors qu'elle devait être reconduite au premier étage.
Elle pressentait le supplice à venir. Rien ne lui serait épargné. On lui débanda les yeux et elle put connaître le visage des autres invités de cette soirée mémorable. Elle découvrit ainsi que Laurence était une superbe jeune femme brune aux yeux clairs, avec un visage d'une étonnante douceur dégageant une impression rassurante de jovialité. Elle se fit la réflexion qu'elle était physiquement l'inverse d'une dominatrice telle qu'elle l'imaginait. Elle fut mise à nouveau dans le trou aménagé dans le mur, où elle avait été contrainte la veille. Pendant que l'on usait de tous ses orifices, un inconnu exhiba devant elle son sexe congestionné qu'elle tentait de frôler avec ses lèvres, puis avec la pointe de sa langue dardée au maximum.
Elle était arrivée au paroxysme de l'excitation. Sans doute n'était-ce pas là seulement la sensation du plaisir, mais la réalité même. Mais l'homme, avec un raffinement de cruauté qui acheva de l'exciter, se dérobait à chaque fois qu'elle allait atteindre sa verge, l'obligeant à tendre le cou, la langue comme une véritable chienne. Elle entendit quelques commentaires humiliants sur son entêtement à vouloir lécher la verge de l'inconnu. Ces injures, ajoutées aux coups qui ébranlaient son ventre et aux doigts qui s'insinuaient partout en elle, lui firent atteindre un orgasme dont la soudaineté la sidéra. Elle avait joui, comme fauchée par une rafale de plaisir que rien n'aurait pu retarder. Sa Maîtresse l'avait pliée à toutes ses fantaisies, l'avait façonnée à sa mesure, avait exigé et obtenu d'elle les complaisances les plus outrageantes. Patricia n'avait plus rien à livrer qu'elle ne possédât déjà. Du moins, elle le pensait. Mais elle était infiniment heureuse.
Bonne lecture à toutes et à tous.
Méridienne d'un soir.