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par le 29/11/23
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Quand le masochiste est son premier sadique

 

Lors de la rencontre avec mon premier Maître, j'ai été confronté au sujet du masochisme. De plein fouet dirai-je. (Je comprends mieux cette expression.)

C’était pourtant clairement écrit dans son profil mais je ne l'ai pas vu. 

L’inconscient sait nous mener par le bout du nez.

Dès nos premiers échanges, il s’est positionné de manière transparente sur son attrait pour le sado-masochisme. En relisant, j’ai simplement vu que je répondais innocemment que moi non. Cela ne l'a pas déconcerté, vous imaginez bien. 

Là encore, je n’ai pas vu ce qui se tramait sous mon nez. 

Sans me juger, je me dis qu’il fallait que ce soit ainsi : dit mais pas entendu. Sinon, je ne serai pas là à écrire ce texte. Je n’aurai pas vécu cette rencontre. Je n' aurai pas ouvert la porte. 

C' est ainsi que je me suis retrouvée dans une relation sado-masochiste. En l' ignorant malgré l annonce. 

Comprenez que c est comme lire un roman sans lire le titre. Ou comme si vous lisiez un titre de livre en langue étrangère. Tout est-il dans le titre ? Tout est-il dans la présentation ? 

Je suis quoi qu' il en soit passé à côté. 

Comment savoir que vous avez une tendance masochiste lorsque vous ne vous êtes jamais créé de douleurs physiques volontairement pour vous soulager d une pression ou pour le bénéfice d’un plaisir ? 

Comment se reconnaître soi dans un fonctionnement masochiste lorsque vous fuyez toute douleur ou souffrance ? 

“Voyons Mon Maître ! C’est évident que je déteste souffrir et que je ne vais pas tolérer qu’on me mette à mal volontairement.”

Et Mon Maître, alors, tout dans sa patience, pour obtenir ce qu'il veut, ce dont il a besoin lui-même à termes, me plaque au visage, les graines fatales de mon histoire de vie, par lesquelles ont germé mon masochisme. 

Rejeter tant Mon Maître que son idée de mon masochisme n’était pas si facile. Juste possible pour qui est masochiste ! (Qu' est ce qui finalement me met le plus à mal ? Le plus en souffrance et en douleurs ?)

Je l ai entendu. Ça se tenait. C’était une version possible. Une lecture de ma vie et de mon fonctionnement qu' il me racontait, qui était là, évidente pour lui, effrayante pour moi. 

Je ne pouvais ni accepter cette vision, ni me reconnaître de cette façon.

Comment s' approprier son fonctionnement masochiste comme partie intégrante de soi et de son psychisme ? Comme base relationnelle ? 

Quand notre pensée est fondée sur deux catégories : ce qui est bien, bon et juste et ce qui est mal, mauvais et injuste, se reconnaître soi est une subtile affaire de temps, de bienveillance et d’accompagnement. 

J’ai rejeté le Maître, ne supportant pas, ne pouvant accepter, l' humiliation, le rabaissement de soi, la ridiculisation lors de nos échanges dans nos conversations quotidiennes. Il n’y avait pourtant pas que ça. Bien au contraire. Mais c était là. J' y serai encore si ce n était pas le cas. Mais l' histoire n est pas celle-ci. 

J' étais prête à perdre tout ce que je vivais de beau, de bien et de réconfortant, pour ne pas avoir à intégrer ma part masochiste et ne pas être confronté à sa part sadique. Laquelle ai-je le plus fui ?  

Confrontée à sa part sadique dans la relation, mon masochisme m’a fait prendre la poudre d' escampette. 

Hélas, je suis partie avec lui. 

Alors, me voici telle une chouette, réveillée par l’excitation que je ne veux plus laisser en silence, à réfléchir à ce que m’a dit le Maître. J ai eu l occasion de porter son regard sur les situations de ma vie comme des contextes créés pour renouveler l' expérience à subir. 

Certes, je ne me suis jamais mise à mal physiquement. J’ai également toujours voulu échapper aux douleurs et souffrances émotionnelles, affectives et psychologiques sans y parvenir. 

L' attachement à nos souffrances nous relie au passé telle l' ancre d un bateau. 

Je ne veux pas être masochiste. Cela ne cadre pas avec le reste de qui je suis. Voyons ce n' est pas acceptable. Je ne ressens pas de plaisir ni de soulagement dans ces situations de vie dans lesquelles selon le Maître je me maintiens en échec et en douleur. Mais c est ce que je connais. À ma façon, je ne connais rien d' autre tout en rêvant de ce beau voyage vers des terres inconnues, voyage qui n' est jamais venu. 

Je regarde ces autres vies derrière une fenêtre. Je rêve d’être ceux qui ne sont ni masochistes ni sadiques ou qui n' ont pas besoin du BDSM dans leur vie. Je les trouve chanceux et forcément plus heureux. Y a t-il du bonheur dans le masochisme ? Est-ce possible d’être heureu.se en étant dans une relation sado-masochiste ? 

J aime le bonheur, la lumière, la chaleur (pas celle des bougies tsss). 

Le comble, chers lecteurs, c’est qu’en voulant ne pas subir son sadisme, je me prive de lui, de ce petit nous qui émergeait et dont je commençais juste à me délecter. Je me prive des possibles mystérieux qu il m inspirait par ailleurs. Je me prive de ce bien-être nouveau que je ressentais. Pour au final, me confronter à  cette persona ingrata “ mon masochisme”. Celui qui me suit comme mon ombre. Celui qui me colle aux pompes tel un chewing-gum. Quelle danse infernale je mène avec lui ! 

J ai refusé le sadisme du Maître. J' ai rencontré le mien. En rejetant sa part sadique, j accepte ma part masochiste. (Là je m’emballe, ça fait juste classe mais on est dans la vraie vie)

Dans la solitude. Dans la peur de sombrer dedans silencieusement, de nuit comme par hasard. De rester enfermer dans les échecs et les limitations que je me crée. 

Victime de ma mère, je me suis souvent dit qu' elle était elle-même sa première victime et son propre bourreau. 

Je me vois comme elle et c est insupportable. Comment accepter l' inacceptable ? 

En l'écrivant peut être. Les mots comme l' expression des émotions m' aident et mettent en mouvement ce que je ne peux supporter seule dans mon for intérieur. 

Serait-on son premier sadique lorsque nous sommes masochiste ? 

La relation sado-masochiste commencerait-elle en soi ? Dans sa forme la plus complète, à la fois sadique et masochiste envers soi, avant même d’externaliser l’un ou l’autre de ces rôles ? 

“Allons ! Qu’importe !” Voilà ce que j aimerai me dire pour me rendormir. 

Mais la pensée rôde. J attends le jour pour la semer. Avec un peu de soleil, tout fait moins peur. 

Moi… masochiste. Quelle drôle d’idée ! 

C' est de sa faute à elle et c est encore moi qui paie les pots cassés. 

Ça fout les boules non ? 

Comment se redéfinir ? 

En écrivant des histoires. 

Qui m’emmèneront voyager dans des vies qui ne sont pas la mienne. 

Je sais qu’ici, vous aimez le BDSM.

Pour moi, c’est comme un monstre sous le lit. 

J’aimerai le frapper à coups de balai pour qu’il déguerpisse et me laisse dormir. 

En attendant, je vais quand même m’aimer. Parce que j estime l avoir bien mérité. Même menottée en moi-même, subissant le fouet d'un masochisme silencieux.

Voici que je lui donne la parole, le temps d'un soir.

 

Eclipse d’Espoir


 

6 personnes aiment ça.
archivinae
Une confession ? un aveu ?une jolie plume d'espoir !!
J'aime 29/11/23
Hedgehog
Merci pour ces pensées si joliment partagées.
J'aime 01/12/23