sylvie35
par le 30/09/23
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La douleur est insupportable. Je crois que je me suis fracturée l’épaule quand deux miliciens m’ont brutalement plaquée au sol dans ma fuite. Une dizaine de défenseurs de la démocratie m’entourent déjà, m’interdisant tout échappatoire. Ils me rouent de coups et déchirent ma robe.

La sensation équivalente à un poignard dans l’épaule m’a ôté toute velléité de résistance. Je suis passée en mode automatique, en mode survie. Je me protège tant bien que mal des coups de pied et des coups de matraque. Ils m’obligent à m’agenouiller, malgré mes hurlements de douleur et sortent leurs bites. Je n’entends que leurs éclats de rire. Les gifles pleuvent, me faisant comprendre ce qu’ils attendent de moi. Je suce les bites qui m’entourent, passant rapidement de l’une à l’autre pour ne pas faire de jaloux, le visage tuméfié par les gifles et les coups.

Les miliciens ont sorti des tondeuses et entreprennent de faire disparaître peu à peu ma chevelure pendant que ma bouche passe d’une bite à l’autre. Chacun y va de sa petite touche. Les rires et les moqueries redoublent d’intensité. Dans une pathétique tentative de sauvegarde, je m’efforce de repousser les tondeuses à l’aide de mon bras encore fonctionnel, ce qui déclenche une avalanche de coups jusqu’à ce que je me tienne tranquille.

La douleur à l’épaule s’atténue soudainement, me permettant de reprendre un peu mes esprits. Les zébralyvox gémellaires sont déjà à l’œuvre. Quelle efficacité !

Les éjaculations s’enchaînent, de manière presque synchronisée. C’est un bukkake en bonne et due forme. Je ne tarde pas à avoir le visage et le crâne couverts de sperme.

C’est nue, tondue et couverte de sperme que je suis promenée dans le parc d’Ueno. Aucune humiliation n’est trop sévère pour les ennemies de la démocratie.

民主主義を守る旅団 est tatoué sur les joues des miliciens qui m’ont capturée [1]. Ce sont les plus fanatiques parmi les défenseurs de la démocratie. Ils sont si fiers d’appartenir aux Brigades de Défense de la Démocratie qu’ils l’arborent sur leurs visages.

Au lieu de se délecter de ce spectacle, les passants détournent le regard, feignant l’indifférence. Résistance passive ? Ce peuple réputé soumis à l’autorité se révèle à sa manière bien plus réfractaire que les peuples Européens.

Nous empruntons la rue Dobutsuen qui longe l’étang de Shinobazu. Les miliciens rient et plaisantent bruyamment, très fiers de l’humiliation imposée à la proie qu’ils viennent de capturer.

L’étang est recouvert de lotus et à travers les larmes et le sperme qui embrouillent ma vision, j’entrevois des scintillements bleu jaunâtres devenant de plus en plus intenses, comme à Fushimi Inari. Je ne sais pas si c’est un signe ou le délire de mon imagination, mais je ne réfléchis pas. Ma situation est tellement désespérée, qu’ais-je à perdre ? Je profite d’une seconde d’inattention de mes geôliers pour mettre toutes les forces qui me restent dans un sprint en direction de l’étang. Ces idiots, tellement sûrs de leur supériorité, n’ont pas pris la peine de me menotter. Ils ne tardent pas à hurler et à me poursuivre en courant. Je m’enfonce dans la vaste étendue de lotus. La boue se solidifie sous mes pieds m’offrant un appui inespéré dans ma fuite.

« Pan ! »

Elle n’est pas passée loin cette balle ! Instinctivement, je me couche au sol, comme si les feuilles de lotus pouvaient m’apporter une quelconque protection.

C’est fichu. Dans quelques secondes ils vont me cueillir.

助けて!

助けて!

助けて!

Les poignants appels au secours des miliciens m’incitent à lever la tête, juste à temps pour les voir disparaître dans le marécage, engloutis dans les eaux boueuses, comme dévorés par les lotus.

« Ysideulte ! »

La voix de mon Maître !

J’ouvre les yeux, terrifiée, au bord de la tachycardie.

« Ce n’est rien. Tu as fait un cauchemar » me dit-il d’une voix apaisante.

Il me faut un bon moment pour me calmer et revenir à la réalité.

« Ecarte les cuisses, Ysideulte » me dit-il avec gentillesse pendant que je lui raconte mon cauchemar. Décidément, je fais une bien piètre soumise, obligeant mon Maître à me rappeler à l’ordre une fois de plus. En d’autres circonstances il m’aurait giflée, mais pas cette fois. Il a compris que ce cauchemar m’a terrifiée et qu’à cet instant son indulgence et sa voix apaisante me font un bien fou.

Ysideulte… J’aime quand mon Maître m’appelle par mon prénom. Un prénom qui n’existe pas pour une fille qui n’existe pas ? Pendant longtemps, j’ai eu le sentiment de traverser ce monde sans vraiment en faire partie. Effacée, invisible. Et puis le destin a voulu que je le rencontre. Mon Maître. Celui qui a changé ma vie, qui m’a donné confiance en moi.

Dès qu’il détourne le regard, je l’observe, emplie d’admiration, et je m’empresse de baisser les yeux dès qu’il s’en rend compte. Il ne me réprimande pas.

Nous sommes à bord du Spacia X. Vue panoramique, grand confort. Ce superbe train qui relie le trépidant quartier d’Asakusa à la bucolique Nikkō été mis en service le 15 juillet 2023. Ici le confort et le plaisir du voyage ont été privilégiés sur la vitesse. A tel point que je me suis endormie, ce qui ne m’était jamais arrivée dans un train.

« S’il vous plaît, Maître, est-ce que vous avez compris ce que le Professeur voulait dire à propos de la tubuline ? »

« Pas plus que toi, Ysideulte. Mais pourquoi ne lui as-tu pas posé la question ? »

« J’ai eu peur de passer pour une idiote… »

« Il t’aurait sans doute dit qu’il n’y a pas de question idiote. »

Petit moment de silence. Le paysage défile. J’aime ce train et je suis reconnaissante au Professeur de nous l’avoir conseillé. J’ai hâte de le revoir. Dans une semaine. J’ai encore tant de questions à lui poser. Et puis, je trépigne de savoir ce qu’ont donné les analyses des prélèvements. Les idées tournent dans ma tête jusqu’à l’obsession. Je ne changerai pas…

 « N’y avait-il pas un article à ce sujet dans la base de données que Sonia t’a confiée ? »

« Vous pensez, Maître ? Je n’en ai pas le souvenir. Mais je n’en ai consulté qu’une infime partie »

 Mais je dois en avoir le cœur net. Je demande à mon Maître la permission de sortir mon PC portable et d’activer la carte.

Dans le cadre de la politique de lutte contre la désinformation, mise en place par la Suprême Alliance Démocratique, les articles scientifiques doivent à présent être visés avant publication par les conseils scientifiques de la fédération. Ces conseils, placés sous l’égide des ministères de la vérité, sont chargés de s’assurer que toute publication respecte le « consensus scientifique ».

Plusieurs articles antérieurs à la promulgation de la loi ont été censurés, car jugés non conformes au consensus, et détruits de tous les supports numériques et matériels. Tous, sauf ceux qui ont pu être préservés dans la base de données illégale du pangolin fou…

J’active la carte que Sonia m’avait confiée en la glissant dans ma fente humide, faisant pour l’occasion office de lecteur de carte. Comme à chaque fois que je l’active j’ai une pensée pour l’ingénieur pervers qui a imaginé ce mode d’activation.

La Magna Carta Libertatum, avec le pangolin fou en filigrane, ne tarde pas à apparaître sur la surface, signifiant que le PC peut pendant un court laps de temps accéder aux données subversives qu’elle contient.

Sonia avait raison. Cette image me permet de garder espoir quand tout semble perdu. Elle n’est rien et pourtant elle représente des idées qui font trembler les hautes sphères de notre démocratie. Les idées sont à l’épreuve des balles disait V. C’est pour cela qu’elles sont dangereuses pour les tyrans.

Je tente une recherche par mots clés dans l’immense base de données. Plusieurs articles mentionnent la tubuline, protéine structurale des microtubules, constituants du cytosquelette, mais je ne vois pas ce qu’ils apportent à mon questionnement. Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi ils ont été censurés. Les « experts » sélectionnés par les ministères de la vérité font preuve d’un excès de zèle déconcertant. Mon Maître tente de rassembler ses souvenirs pour m’aider à affiner ma recherche. Un article de Sir Roger pourrait être en lien avec la remarque du Professeur [2]. Mais comment l’interpréter ? L’intrication des ondes de spin parcourant la structure hexagonale des microtubules comme support de la conscience ?

« Et si les symbiotes tentaient de communiquer avec ta conscience en intriquant leurs microtubules avec les tiens ? »

Hautement spéculative la suggestion de mon Maître, et pourtant… Comment expliquer mes « hallucinations » à Fushimi Inari ? Seul le Professeur pourra nous éclairer.

En attendant, nous voici déjà arrivés à Nikkō. Je n’ai pas vu le temps passer. A la sortie de la gare les libellules sont partout. Il y en a des milliers. Heureusement qu’elles sont inoffensives. Joli village sur fond de montagnes. Nous avons embarqué dans la grouillante gare d’Asakusa, nous nous retrouvons à la campagne. Le contraste est saisissant.

Au loin, la brume sur les montagnes, la lumière presque surréaliste. C’est beau ! On dirait une estampe japonaise.

Et puis, il est là. Mon propriétaire. J’ai le privilège d’être la chienne qui va l’accompagner pendant ce séjour à Nikkō, qui lui tenait tant à cœur. Celle qui lui servira de vide-couilles, celle qui veillera à son plaisir physique et intellectuel. Quel bonheur ! Pendant quelques secondes, j’ose croiser son regard de mes yeux admiratifs, prenant le risque de recevoir une gifle carabinée. C’est plus fort que moi.

 

à suivre

 

*** Contexte et références ***

 

[1] L’histoire se situe dans la seconde moitié de notre décennie, la France étant à présent membre de la Suprême Alliance Démocratique, une puissante fédération de démocraties modernes et progressistes. Pour en savoir plus sur le contexte social, humain, et technologique, la liste de mes articles précédents se trouve ici : https://www.bdsm.fr/sylvie35/blog/ (à lire de préférence dans l’ordre chronologique de leur publication).


 

[2] Stuart Hameroff & Roger Penrose, “Consciousness in the universe: A review of the ‘Orch OR’ theory”, Physics of Life Reviews, Volume 11, Issue 1, March 2014, Pages 39-78 https://doi.org/10.1016/j.plrev.2013.08.002

 

 

13 personnes aiment ça.
j'adore l'histoire. j'adore comment c'est ecrit. c'est tres originale. super ecrivaine et en + tu est tres sympa !
J'aime 12/10/23
sylvie35
Merci pour votre sympathique commentaire maitredursevere 1f642.png
J'aime 12/10/23
c'est or sujet mais est-ce que tu a vu que je fais + attention a l'orthographe ? c'est depuis que tu m'a gentiment remonter les bretelles et tu a bien fait.
J'aime 13/10/23
sylvie35
@maitredursevere: oui j'ai remarqué le changement, et pas seulement en matière d'orthographe d'ailleurs. Est-ce que vous avez étudié les vidéos pédagogiques que je vous avais conseillées? Je ne suis pas une fanatique, d'autant plus que des fautes j'en fais pas mal aussi je suppose, mais c'est vrai que ça piquait les yeux et je suis ravie que vous ayez bien pris mes petites piques (gentilles, cela va de soi 🙂) @ : Vous n'avez pas vu comment c'était il y a un an 😀. Oui, marge de progrès, mais tout est relatif. Comme dit mon Maître, ce qui compte c'est d'aller dans le bon sens 🙂
J'aime 13/10/23
oui j'ai suivi tes conseils et ca m'a aider mais ce n'est pas que l'orthographe. je n'avais jamais eu la chance de discuter avec une fille de ton niveau. avant je me foutais de tout. tu m'a fait reflechir et tu m'a donner envie d'apprendre et de m'ameliorer au lieu de rester glander comme un con.
J'aime 13/10/23
Merci Sylvie pour ce beau travail d'écriture qui demande certainement beaucoup de temps et d'efforts. L'histoire est prenante et je vois que je ne suis pas le seul à attendre impatiemment la suite à chaque fois. Comme Jakez, j'aime beaucoup le style direct et concret. Pas de verbiage inutile comme c'est malheureusement trop souvent le cas dans les œuvres littéraires. Ce qui m'épate c'est la capacité à maintenir la cohérence globale d'une histoire aussi complexe, même après 14 articles! Les liens qui s'établissent subtilement, les indices semés qui prennent sens plus tard. Remarquable !
J'aime 13/10/23
sylvie35
Merci ! Je suis gâtée par les commentaires ce soir 1f60a.png Ecrire prend du temps, c'est vrai, mais il y a beaucoup d'aspects positifs, à commencer par des commentaires très sympathiques 1f600.png (bon, en même temps, s'ils avaient été négatifs, je n'aurais pas insisté au delà du premier article car je ne suis pas maso 1f602.png). Ces articles m'obligent aussi à réfléchir à la manière de construire et de raconter une histoire (j'avoue que j'apprends sur le tas et que je tâtonne un peu parfois...), ce qui est enrichissant, et puis ils m'amènent à creuser un certain nombre d'inquiétudes que j'ai depuis un moment au sujet de l'évolution de la société et de la "démocratie" en général. Aujourd'hui je suis tombée par hasard sur un article qui n'est guère rassurant (https://www.ouest-france.fr/education/enseignement/en-mathematiques-un-eleve-sur-deux-ne-sait-pas-repondre-a-cette-question-a-son-entree-en-sixieme-0601dfa8-5927-11ee-9ab3-e77646d4570d): en entrée en 6ème, un élève sur deux ne sait pas dire combien il y a de quarts d'heure dans trois quarts d'heure. On pourrait se dire que ce n'est pas bien grave, mais pour moi c'est inquiétant. Dans un monde où les progrès de "l'intelligence" artificielle s'accélèrent de manière exponentielle et où les médias au sens large offrent à qui les contrôle un puissant moyen de manipuler les esprits, si les jeunes n'ont même plus les outils intellectuels élémentaires pour comprendre le monde dans lequel ils vivent, quel sera leur avenir à part d'être de simples consommateurs aisément manipulables?
J'aime 13/10/23 Edité
thomasreplay
Pour savoir ce que l'avenir nous réserve, il suffit de regarder la Chine et d'observer à quel usage le pouvoir en place réserve le "progrès" que le développement des technologies de l'information permet. Pas réjouissant.
J'aime 15/10/23
sylvie35
Oui, c'est vraiment intéressant à observer, comme indicateur avancé. C'est pour cela que dans mon premier article, au sujet de la suprême alliance démocratique, j'avais écrit "Le siège du pouvoir central a été localisé à Pékin, berceau de la démocratie moderne" 1f642.png
J'aime 15/10/23
thomasreplay
Pékin, berceau de la démocratie moderne, je ris jaune !
J'aime 15/10/23
Max-Him
@ thomasreplay : Lisez entre les lignes, cher Monsieur !
J'aime 16/10/23
thomasreplay
@Max-Him : Lisez les calembours, cher Monsieur !
J'aime 16/10/23
sylvie35
Le second degré est parfois source de malentendus et plus encore le troisième degré en réponse au second degré 😀. C'est comme cela que je me suis faite bloquer sur le forum à quelques occasions (enfin, j'imagine que c'était la raison). Moi je riz bleu jaunâtre 🙂 Bonne soirée à tous.
J'aime 16/10/23
Max-Him
@ thomasreplay: Et si je cale Hambourg entre deux pékins, serai-je encore riz( dit cu)l ?
J'aime 17/10/23
thomasreplay
Vous serez un hamburger.
J'aime 17/10/23
thomasreplay
@sylvie : honte à ceux qui vous ont bloquée !
J'aime 17/10/23
sylvie35
A l'origine je suppose que la fonctionnalité de blocage est faite pour mettre hors d'état de nuire ceux qui sont vraiment pénibles et qui ne comprennent rien même quand on leur explique longuement, style harceleurs et trolls. Après, ça dérive et certain(e)s dégainent le blocage à la moindre petite contrariété: dès qu'ils voient un avis un peu différent du leur, ou dès qu'ils comprennent une blague de travers, hop! blocage! C'est mon interprétation car je ne pense pas avoir harcelé qui que ce soit 1f607.png (ou alors je ne m'en rends pas du tout compte...). La conséquence du blocage c'est que certains fils de discussion ressemblent à un gruyère pour moi: je ne vois pas les commentaires de ceux et celles qui m'ont bloquée et du coup la discussion est incompréhensible. Si j'étais une souris j'apprécierais le gruyère, mais là bof. Ce n'est pas grave, on s'y fait... C'est juste un peu agaçant.
J'aime 17/10/23
thomasreplay
Puis-je tenter une reformulation audacieuse : vous faites un blocage sur les blocages ?
J'aime 17/10/23
sylvie35
Oui, c'est un peu ça. Quel talent pour synthétiser un long discours ! 1f642.png
J'aime 17/10/23
thomasreplay
Le talent est dans les idées, pas dans leur mise en forme.
J'aime 17/10/23