🥀
par le 24/01/23
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Elle me manquait terriblement.

Bien sûr, l’addiction aux tourments qu'elle m’infligeait quand j’étais à ses pieds amplifiait ce manque.Je n’avais jamais imaginé la douleur que comme une expérience se faisant voyage pour aller à la rencontre de soi-même, comme une exploration de mes zones d’ombres. Depuis que j’avais croisé son chemin, la douleur s’était faite lumineuse.Elle était une des manières de me donner à elle. De lui prouver mon amour, même si je savais qu’elle savait.

Ses cordes n’étaient jamais si délicieuses que quand elles marquaient ma peau, quand elles irritaient mon derme. Il ne s’agissait pas de marques, mais de sa marque. Ma peau ne se faisait pas support d’un élégant motif torsadé, j’étais le support de sa signature. Ce qui est peint à la manière d’un Saudek, n’est un Saudek que si l'œuvre est signée du Maître.

Je n’avais jamais vraiment aimé mon reflet dans le miroir, encore moins me voir en photo. A la genèse de notre relation, elle m’avait clairement annoncé qu’elle ferait des clichés de moi quand elle aurait pris possession. Elle savait que cela me bousculait, m’inquiétait. C’est probablement à la fois parce qu’elle aimait cela et pour me faire grandir que dès le premier jour, dès la première immobilisation, elle avait multiplié les photos. Ses cordes. Ma peau blanche. Son pouvoir. Ma soumission. Je me souviens encore de ses pas cadencés tandis qu’elle me photographiait sous toutes les coutures. Elle l’avait promis, non seulement elle prendrait ces clichés mais elle allait me les montrer, aussitôt.Je devrais regarder. Dans le vertige de l’abandon,ce jour-là, je n’avais pas pris la pleine mesure de ce qui se cristallisait alors, dès cette première fois : j’avais regardé ces clichés, ligoté et pluggé sur la couche, avec étonnement, curiosité et je crois avec délectation. Comment était-ce possible, moi qui ne détestais rien de plus que de voir ce corps ?

Il me fallut du temps pour comprendre : ce n’était pas mon corps qui me fascinait, c’était la posture du modèle qu’elle avait choisi d’imposer, je n’y voyais pas ma peau, j’étais habillé de ses cordes, ce n’était pas une position de celles qui peuvent faire honte, c’était son œuvre.

Je ne m’aimais pas. Mais à ses pieds, dans ses cordes, avec sa signature sur ma peau, j’étais sa toile. Et j’aimais son art.

Elle me manquait terriblement. Donc.
Mais bien avant qu’elle me possède, qu’elle s’en prenne à ma peau et à mon cul.


Elle me manquait terriblement. D’avant.
Bien avant que les plans s’échafaudent, que les scénarios s’écrivent à quatre mains. Que le tourbillon des fantasmes nous emmène loin, que les pulsions nous fassent tourner la tête, qu’une outrance en appelle une autre.. Qu’elle mouille. Que je bande. Nous avions tant écrit. Tant confiés. Tant partagés.
Je lui avais avoué mes faiblesses, la manière dont torturer mon corps pour me rendre un peu plus addict, un peu plus chien, encore. Je lui avais donné les clés, bien que je croie qu’elle aurait su entrer par effraction, pour récupérer ce qui lui appartenait.
Elle m’avait décrit par le menu le goût de son intimité, ses envies les plus secrètes.
Elle jouait avec les allumettes, elle avait incendié mes nuits, j’y brûlais pour elle. Indécent. Incandescent.

Mais elle me manquait terriblement. D’avant encore.
Lorsque nous ignorions que nous existions. Elle me manquait déjà.
Je ne connaissais ni son visage, ni son prénom, ni ses courbes divines, ni son histoire, ni le goût de son jus, ni le son de sa voix, ni la manière dont ses mains agrippent les hanches, ni la sensation qu’on a quand on pose le front sur son épaule, ni la sérénité qui vous enveloppe quand la joue se frotte à sa cheville, à son pied, avec dévotion…
Je ne connaissais alors rien de tout cela, mais elle me manquait déjà. Pas une autre. Elle.
Comme si cette relation était une évidence. Comme si c’était la destinée.
Comme s’il y avait un lien. À travers l’espace, à travers le temps. Entre cette vie et une autre ? Entre ce monde et un autre.
Il est des rencontres qui nouent ou qui dénouent les existences. Qui nouent et qui dénouent nos fors intérieurs. .
J’ai vraiment su qui j’étais quand j’ai su qui elle était.

Mon attachement n'était pas le fruit de ses attaches mais de celle qu’elle est. J’étais le chien car elle était la Femme.
Tout cela me dépasse. Tout cela est tellement plus grand que moi.

Elle est mon amour, ma Passion.
Golgother, de ses vices en sévices.

Elle me manque délicieusement. Là. Maintenant. Encore... Encore... Encore...


(Illustration : Bondage boy / vitrail de Diego Tolomelli)

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Lui, chiens lâchés, léchant en langues de patience les longueurs de ma fièvre - lambeaux de marée qui caressent les hauts fonds de mon vice - Lui, sa ronde docile au pas de mon vertige -qui le précipice- Mufle et souffle à vif éveillent le pourtour de mon ombre La carte de mon ciel dessine un bandeau pour son abandon Mon heure se lève aux quatre coins de la rose des vents Voilà ma nuit éclose à la flèche des tailleurs de pierre Je suis Auréolée de sa ferveur à me souffrir
J'aime 29/01/23