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par le 26/12/21
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Louis Aragon disait :
Tant que j’aurai le pouvoir de frémir
Et sentirai le souffle de la vie
Jusqu'en sa menace
Tant que le mal m’astreindra de gémir
Tant que j’aurai mon cœur et ma folie
Ma vieille carcasse
Tant que j’aurai le froid de la sueur
Tant que ma main l’essuiera sur mon front
Comme du salpêtre
Tant que mes yeux suivront une lueur
Tant que mes pieds meurtris me porteront
Jusqu’à la fenêtre
Quand ma nuit serait un long cauchemar
L’angoisse du jour sans rémission
Même une seconde
Avec la douleur pour seul étendard
Sans rien espérer les désertions
Ni la fin du monde
Quand je ne pourrais veiller ni dormir
Ni battre les murs quand je ne pourrais
Plus être moi-même
Penser ni rêver ni me souvenir
Ni départager la peur du regret
Les mots du blasphème
Ni battre les murs ni rompre ma tête
Ni briser mes bras ni crever les cieux
Que cela finisse
Que l’homme triomphe enfin de la bête
Que l’âme à jamais survive à ses yeux
Et le cri jaillisse
Je resterai le sujet du bonheur
Se consumer pour la flamme au brasier
C’est l’apothéose
Je resterai fidèle à mon seigneur
La rose naît du mal qu’a le rosier
Mais elle est la rose
Déchirez ma chair partagez mon corps
Qu’y verrez-vous sinon le paradis
Elsa ma lumière
Vous l’y trouverez comme un chant d’aurore
Comme un jeune monde encore au lundi
Sa douceur première
Fouillez fouillez bien le fond des blessures
Disséquez les nerfs et craquez les os
Comme des noix tendres
Une chose seule une chose est sûre
Comme l’eau profonde au pied des roseaux
Le feu sous la cendre
Vous y trouverez le bonheur du jour
Le parfum nouveau des premiers lilas
La source et la rive
Vous y trouverez Elsa mon amour
Vous y trouverez son air et son pas
Elsa mon eau vive
Vous retrouverez dans mon sang ses pleurs
Vous retrouverez dans mon chant sa voix
Ses yeux dans mes veines
Et tout l’avenir de l’homme et des fleurs
Toute la tendresse et toute la joie
Et toutes les peines
Tout ce qui confond d’un même soupir
Plaisir et douleur aux doigts des amants
Comme dans leur bouche
Et qui fait pareil au tourment le pire
Cette chose en eux cet étonnement
Quand l’autre vous touche
Égrenez le fruit la grenade mûre
Égrenez ce cœur à la fin calmé
De toutes ces plaintes
Il n’en restera qu’un nom sur le mur
Et sous le portrait de la bien-aimée
Mes paroles peintes
Louis Aragon ~ Le roman inachevé
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FemmeFemelleEsclave
Superbe texte, Dedahl. Mais vous ne répondez pas à la question que vous avez vous-même posée dans le titre. Qu'en pensez-vous ?
J'aime 03/01/22