Méridienne d'un soir
par le 10/10/20
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Si Mazarin et Anne d’Autriche ont laissé le jeune roi se divertir avec Marie Mancini, c’est qu’il était important,
après la grave maladie de l’été 1658, de rassurer les sujets sur le complet rétablissement du souverain. Atteint
d’une fièvre typhoïde qui faillit l’emporter après la prise de Dunkerque, Louis XIV a appris que le pouvoir royal
est tributaire de l’état de santé du prince. De multiples cabales ont en effet secoué le royaume et le quotidien
d’une cour toute disposée à porter le roi au tombeau. Après la guérison, Mazarin a songé au mariage du
convalescent. L’aventure avec l’une de ses nièces n’aurait servi qu’à distraire le jeune monarque en rassurant
les cours européennes sur sa capacité à se marier et à faire des enfants. Marie Mancini n’aurait donc servi
qu’à exercer le roi aux plaisirs de l’amour en espérant que, le moment venu, la raison reprendrait ses droits et
que le monarque se détournerait d’elle. Mais les choses se sont déroulées différemment. Après une séparation
en public, le jeune roi inaugure une correspondance avec Marie et la revoit plus tard, à Saint-Jean-d’Angély,
le treize août 1659, alors que les négociations avec l’Espagne ont débuté la veille sur l’île des Faisans.
Pourtant, tout au long de l’été, Anne d’Autriche et Mazarin n’ont eu de cesse de convaincre Louis de ne pas
revenir en arrière et de songer à l’avenir en la personne de Marie-Thérèse. Nombreux sont les contemporains
à avoir reconnu l’amour impossible du roi dans la Bérénice de Racine. Un vers resté célèbre: "Vous êtes empereur,
Seigneur, et vous pleurez." aurait été repris de l’échange survenu entre les deux amants au moment de leur
séparation publique. Plusieurs témoignages accréditent l’hypothèse selon laquelle le roi aurait effectivement
versé des larmes au moment fatidique. Mme de Motteville indique que ces pleurs ont débuté dès la veille au
soir, dans la chambre d’Anne d’Autriche, et qu’ils ont recommencé le lendemain en présence de la jeune femme.
Celle qui est considérée comme étant la première passion amoureuse de Louis XIV naît à Rome le vingt-huit
août 1639 et reçoit le prénom de Marie. Elle est la fille de Lorenzo Mancini et Girolama Mazarini, sœur de Mazarin.
Son père, Lorenzo Mancini, lui prédit dés sa naissance un avenir malheureux. Sa mère, Girolama Mazarini, sœur
de Mazarin, a déjà trois enfants dont deux filles lorsque Marie vient au monde et remarque bien vite que de toutes
ses filles, elle est celle qui a le moins de charme, a le visage le plus ingrat. Après Marie, Mme Mancini aura
encore plusieurs enfants qui porteront la famille à huit héritiers. Dés 1647, le cardinal de Mazarin fait venir sa
famille à la cour de France. Il espère ainsi marier ses nièces et ses neveux à de bons partis. La jeune fille
rejoint la France en 1655, après la mort de son père, survenue en 1650. Olympe, est déjà courtisée par Louis XIV.
Malgré la Fronde qui éclate en 1647, Laure parvient à épouser la même année, le duc de Mercœur, petit-fils
d’Henri IV et de sa maîtresse, Gabrielle d’Estrées. Après la Fronde en 1655, Madame Mancini emmène le reste de
ses enfants à Paris. Son époux, Lorenzo Mancini est mort en 1650. Alors que toute la famille est présentée à
la cour, Marie est mise dans un couvent à cause de son caractère inconvenant et ses mauvaises manières. En
décembre 1656, sa mère finalement s’éteint, emportée par une maladie. Girolama meurt en recommandant sa
fille, Marie Mancini, à son frère, le cardinal de Mazarin, pour qu’il la mette au couvent pour y finir ses jours. Malgré
les recommandations de Girolama, Marie est enfin libre et peut aller où elle veut. C’est à cette occasion qu’elle
apparaît à la cour pour la première fois. Elle trouve que sa sœur aînée, Olympe est déjà courtisée par Louis XIV
depuis quelques temps. Il ne faut pas attendre longtemps, pour que Marie tombe sous le charme du jeune Louis.
En 1657, sa sœur est finalement mariée au comte de Soissons. En 1658, une occasion vient montrer la grande
passion qu’elle a pour le roi. Celui-ci, parti guerroyer à Calais, est prit de fortes fièvres à Compiègne et il semble
que ses jours soient comptés. Marie, amoureuse depuis longtemps mais en secret de Louis, éprouve un profond
chagrin. Quand Louis XIV se remet de sa maladie, il apprend la tristesse que la jeune femme avait eue lors de
sa maladie, et conçoit peu après une violente passion pour elle. Cette nouvelle liaison ne fait qu’attiser la jalousie
d’Olympe qui manifeste immédiatement une haine incommensurable à sa sœur. Elle souhaite à tout prix sa perte.
Elle ne comprend pas comment cette fille, qui sans être d’une grande beauté, a réussi à conquérir le cœur du roi.
Car il faut le dire, Olympe est plus belle que Marie Mancini. Et selon les dires de l’époque, Marie n’est pas très
belle, elle n’a pas la blondeur et les rondeurs de l’époque. Pour le séduire encore plus, Marie lui fait découvrir
les connaissances qu’elle a. En fait, Louis aime la littérature, la mythologie et Marie Mancini veut briller devant
en lui montrant qu’elle connaît ces choses. Elle lui fait aussi partager sa passion pour la poésie. La liaison entre
Louis et Marie éclate pendant le séjour de l'ensemble de la cour réunie à Fontainebleau, durant l’automne 1658.
En fait, Louis fait donner plusieurs fêtes somptueuses, des feux d’artifice, en l’honneur de sa bien-aimée, Marie.
La Cour comprit que c’est Marie, la nouvelle élue dans le cœur du roi et espérant en tirer des profits, tous les
courtisans se mettent aussi à courtiser Marie. Cela ne fait qu’aviver la jalousie de ses sœurs et surtout Olympe
qui avait espéré d’être toujours auprès du roi. La liaison entre Louis et Marie fût des plus platoniques. Dans les
premiers temps, Mazarin est content de voir sa nièce être aimée du roi car cela éloigne de lui des femmes
intrigantes et ambitieuses. Néanmoins, Louis commence à aimer beaucoup Marie et prévoit de l'épouser. Cette
fois, c’en est trop pour Anne d’Autriche. Elle menace Louis de faire révolter tout le pays et de le faire marcher
contre lui et à leur tête, son propre frère, le duc d’Orléans. Au début, la reine-mère pense que Mazarin approuve
cette union car Marie est sa nièce. Or elle se trompe, Mazarin avait prévu depuis longtemps l’union entre Louis
et la petite infante d’Espagne et de plus, sa nièce le haïssait. Donc Mazarin avait tout à craindre si un jour,
sa nièce parvenait à épouser Louis XIV, celle-ci aurait poussé son époux à le disgracier. Entre amour et haine.
Mazarin et Anne doivent feindre d’unir Louis XIV à Marguerite de Savoie pour éveiller de la jalousie chez le roi
d’Espagne, Philippe IV. Louis, se sentant maître de lui-même, refuse de se séparer de Marie. Il l’aime à la folie
et ces projets de mariage entre la Savoie ou l’Espagne ne lui font pas changer d’avis. Mais la reine-mère fait
entendre à son fils les méfaits qu’il y aurait s’il s’obstine à rester avec Marie. Louis XIV n’a plus de choix et pour
des raisons politiques ainsi que pour le bien de la France, il doit hélas quitter Marie. Craignant en effet l’autorité
de sa mère, Anne d’Autriche, Louis XIV est obligé de se séparer de Marie. Avant de quitter la cour, voyant le roi
pleurer, Marie ne peut s’empêcher de dire: "Vous pleurez Sire, vous êtes le maître et moi je pars." Marie Mancini
rejoint Brouage avec ses jeunes sœurs Hortense et Marie-Anne. En 1659, alors que Louis XIV part pour l’Espagne,
on lui accorde d’aller rendre visite à Marie à Cognac. C'est la dernière fois que Marie et Louis se voient seuls.
Bien que ne connaissant pas la future épouse de son fils, Anne d’Autriche en témoigne de l’affection, puisqu’elle
est sa nièce. Elle est la fille de Philippe IV, qui est son jeune frère. Elle éloigne Marie de Louis XIV, cette fois pour
de bon. Après avoir eu une liaison amoureuse avec Charles de Lorraine, Marie épouse en 1661 Lorenzo Colonna,
Connétable de Naples, un homme beau et riche que son oncle Mazarin lui a trouvé avant de mourir. Dès lors,
Marie mène un grand train de vie. Son époux est très amoureux d’elle et lui donne tout ce dont elle a envie.
Mais il ne faut pas attendre longtemps pour que Marie découvre la vraie nature de son époux. En fait, celui-ci la
trompe ouvertement avec d’autres femmes. Même si son époux la trompe, Marie n’en est pas plus fidèle. Elle
s’affiche avec d’autres galants, profite de la vie et sort plus régulièrement, allant dans plusieurs fêtes et bals.
Après huit années de leur mariage, Marie Mancini apprend que son époux a eu plusieurs bâtards que nombre
de ses maîtresses lui ont déjà donné. Exaspérée, elle refuse de partager son lit conjugal avec son époux puis finit
par s’enfuir, laissant derrière elle ses trois fils, tous jeunes. Elle, sa sœur Hortense, et son jeune frère Philippe
commencent à mener une vie dissolue. Enfin, pour éviter le scandale et que tout le monde ne sache pas ce
qui se passe, Lorenzo Colonna poursuit son épouse pour la faire enfermer dans un couvent. Marie craignant pour
sa vie, à tort, s’enfuit dans toute l’Europe, n’étant pas sûre où elle est en sécurité. En 1672, pour échapper à son
époux, Marie doit se réfugier chez sa jeune sœur Hortense. Arrivée avec elle à Aix en vêtements masculins, sa
ferme intention était de revenir à la cour. Et là, elle demande un passeport à son ancien amant. Mme de Montespan,
alors favorite en titre y met le holà en démontrant au roi combien la situation serait délicate s’il l’accueillait en
présence de la reine. Louis XIV se revisa et pria la voyageuse de se retirer dans un couvent ou de regagner l’Italie.
Marie s’installe d’abord à l’abbaye du Lys, près de Fontainebleau. C’était encore près. La marquise de Montespan
exige une retraite dans une plus lointaine province. La "Mazarinette", "outrée de douleur", séjourne quelques mois
à Avenay, non loin de Reims, puis descend à Nevers et là, ne trouvant aucun couvent agréable, demande asile au
duc de Savoie. Après, elle prend la route vers l’Espagne où elle mène une vie nomade à Madrid, où ne pouvant pas
mener un train de vie digne de son rang à cause de l’absence de ressources, elle erre d’habitation en habitation,
allant même dans un couvent. En hiver 1691-1692, Marie fait un séjour à Rome où elle se trouve mal à l’aise et
décide de retourner à Madrid. La France et l’Espagne sont encore en guerre et Marie a besoin d’un nouveau
passeport. Elle l’obtient en échange de ne pas quitter son parcours. L'errance se poursuit encore de ville en ville.
En 1700, la succession au trône espagnol est un bouleversement car c’est le petit-fils de son ancien royal amant,
Philippe V, qui devient roi d’Espagne. Ayant porté son choix sur le rival de Philippe V, Marie est obligée de s’exiler.
Alors qu’elle a plus de cinquante ans, elle obtient l’autorisation de retourner à Paris où le roi lui fait adresser "milles
honnêtetés." Mais son amour d’autrefois ne veut plus la revoir. Après 1700, Marie Mancini finira par retourner en
Italie d’abord à Rome puis à Pise où elle décède le 8 mai 1715 à l'âge de soixante-quinze ans, quelques mois avant
Louis XIV qui refusa toujours de la revoir. Après sa mort, elle est inhumée dans le couvent du Saint-Sépulcre. Son fils
favori, le Cardinal Charles, fera graver sur sa tombe, située à l'entrée de l'église, l'inscription “Cendres et poussière”.
Bibliographie et références:
- Claude Dulong, "Marie Mancini, la première passion de Louis XIV"
- Anne-Marie-Louise d'Orléans-Montpensier, "Mémoires"
- Luce Herpin, "Le Roman du grand roi; Louis XIV et Marie Mancini"
- Henry Bordeaux, "Marie Mancini"
- Michel Bernard, "Brouage, Lausanne"
- Gerty Colin, "Un si grand amour, Louis XIV et Marie Mancini"
- Claudine Delon, "Marie Mancini"
- Françoise Mallet-Joris, "Marie Mancini"
- Simone Bertière, "Les Femmes du Roi Soleil"
- Pierre Combescot, "Les Petites Mazarines"
- Frédérique Jourdaa, "Le Soleil et la Cendre"
- Emile Ducharlet, "La ballade de Marie Mancini"
Bonne lecture à toutes et à tous.
Méridienne d'un soir.
Thèmes: littérature
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insolence
Merci Méri, c'est toujours un plaisir de te lire, bises
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Méridienne d'un soir
Bonjour et merci pour ton commentaire, insolence, bises. 1f607.png
J'aime 12/10/20