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Cédant aux revendications du parti anti-autrichien de la cour, Louis le Bien-Aimé lance en 1741 son royaume
dans la guerre de Succession d’Autriche, qui durera sept ans, malgré l’opposition du vieux cardinal de Fleury,
qui décède deux ans plus tard. Dorénavant, à l’image de son grand-père, Louis XV, âgé de trente-trois ans,
gouvernera sans Premier ministre. Si durant les premières années de guerre, la monarchie française collectionne
les succès militaires, telle la bataille de Fontenoy en 1745, celle de Rocourt en 1746, et enfin celle de Lauffeld en
1747, la défaite rencontrée à l’issue de la bataille de Plaisance de 1746 met cependant un terme aux espoirs
français d’établir la frontière nord du royaume le long du Rhin, aux Pays-Bas autrichiens. Cette guerre affaiblit
la monarchie au point de vue financier. Si les dépenses de la guerre de Succession de Pologne s’étaient chiffrées
à près de deux cents millions de livres, la guerre de Succession d’Autriche, premier grand conflit terrestre et
maritime du règne de Louis XV, pesa plus lourdement encore sur le budget. Le conflit engloutit plus d’un milliard
de livres, accroissant dès lors la dette de l’Etat. Le traité d’Aix-la-Chapelle, signé en 1748, restitue toutes les
conquêtes françaises aux Autrichiens, suscitant le mécontentement des généraux de Louis XV et l’indignation
dans tout le royaume. Mécontents, les français avançaient que "Louis XV avait travaillé pour le roi de Prusse."
La popularité du monarque connaît après cette paix une large érosion, alimentée de surcroît par les rumeurs
de la cour évoquant un roi égoïste et jouissif, plus préoccupé des plaisirs que lui procuraient ses maîtresses que
par la conduite de l’Etat. Pourtant, le roi formait autrefois un couple solide avec Marie Leszczy?ska, avant que
la lassitude vienne s’installer, la reine étant épuisée par ses maternités trop rapprochées. Ses grossesses
répétées l’ont tenue écartée des activités préférées du roi, la chasse et les divertissements. Bien qu’instruite,
elle manque de l’éclat capable de retenir Louis XV. La reine finit par se plaindre à son père de l’infidélité
récurrente de son mari volage, tombé successivement sous le charme des quatre sœurs de Mailly-Nesle: Louise
Julie, comtesse de Mailly; Pauline Félicité, comtesse de Vintimille; Diane Adélaïde, duchesse de Lauraguais;
Marie-Anne, marquise de La Tournelle et duchesse de Châteauroux. Tour à Tour, elles furent ses favorites.
Aînée des cinq filles de Louis III de Nesle, Louise-Julie née le 16 mars 1710, la même année que Louis XV. Elle
n’a que seize ans lorsqu’elle épouse en 1726 Louis-Alexandre, comte de Mailly. Grâce à sa haute naissance,
Louise entre dès l’âge de dix-neuf ans au service de la reine Marie Leszczynska comme dame d’honneur. La jeune
femme fut délivrée de son époux qui n’appréciait pas la cour et demeurait sur ses terres. Quant à sa mère,
Armande-Félicitée, elle est la petite fille d’Hortense Mancini et donc par conséquence, arrière-petite-nièce du
célèbre cardinal de Mazarin. Louise-Julie donc par son père et sa mère, appartient à des illustres et nobles
familles. Louise-Julie ne passe pas une enfance paisible, sa mère fréquente beaucoup d’amants et elle n’a que
seize ans lorsqu’elle épouse en 1726 Louis-Alexandre, comte de Mailly, qui est le cousin germain de son père.
Le comte de Mailly, de seize ans son aîné était débauché, le contrat de mariage ne fut pas respecté par les
beaux-parents, et le couple se trouva dépourvu de moyens. On disait: " C'est le mariage de la faim et de la soif."
La jeune Louise-Julie prit dans l'entretemps, un amant, le marquis de Puisieux qui en devient amoureux et qui
la consola de son mari. Le roi la remarque dès 1732 mais ne fait rien car il est encore très épris de son épouse.
Pourtant, les grossesses à répétition de la reine commencent à lasser Louis. Bachelier et Lebel pourvoient à leur
maître quelques passades amoureuses mais qui n'assouvissent pas ses désirs. Le Cardinal de Fleury dut se
rendre à la réalité. Il fallait trouver au souverain une maitresse-en-titre capable de lui tirer de son ennui. Afin
d'éviter que le choix du roi ne se porte sur une femme ambitieuse susceptible d'exercer quelque influence sur
le souverain, Le choix se porta sur Mme de Mailly. Ainsi, et avec la complicité du Cardinal de Fleury ainsi que
celle de Mlle de Charolais, de la comtesse de Toulouse ainsi que de Bachelier, premier valet de chambre du roi,
Louise entreprend une relation avec le roi pour le sortir de son ennui. Mais il fallait d'abord chasser l'encombrant
marquis de Puisieux qui était fou amoureux de sa maîtresse. Pour l'éloigner de bon de Mme de Mailly, on lui fit
miroiter le poste d'ambassadeur à Naples mais il refusa disant qu'il ne partirait que sur ordre de sa maitresse. Et
ce que fit Mme de Mailly. Le marquis fut surpris par sa décision à laquelle il ne se connaissait pas de successeur.
La liaison de Louis XV et de la comtesse de Mailly débutera en 1733 et restera secrète jusqu’en 1737, année
où la reine donne naissance à sa dernière enfant, Madame Louise et les deux amants utiliseront des portes et
couloirs dérobés pour se voir. Mais en 1738, Marie Leszczynska ferme définitivement la porte de sa chambre au
roi pour raison de santé. Les médecins lui ayant conseillé de ne plus tomber enceinte car une autre grossesse
pouvait nuire à sa santé. Louis s’affiche alors publiquement et sans scrupules avec la comtesse de Mailly. Ses
contemporains décrivent le portrait d'une jeune femme enjouée, bonne, tendre, adroite et désintéressée.
Pourtant Louise qui est si douce et réservée, est sans grande beauté. Elle a un long nez, une grande bouche,
un teint brun, cheveux bruns, des joues plates, une voix rude et une démarche masculine. Mais elle a un front
"ayant le poli d’ivoire", est très bien faite et adore l’intimité. Elle est aussi fort élégante et sait mettre en valeur
quelques avantages que la nature lui a donnés. Le valet de chambre de Louis XV la dépeint ainsi: "Grande
et bien faite, c'est une très belle brune piquante, sa gorge est blanche et ses yeux sont magnifiques".
Louise fut certainement celle qui, parmi les sœurs Nesle, et presque toutes les favorites de Louis XV, aima le
roi d’un amour totalement désintéressé voire sincère. Eloignée de toute intrigue, Mme de Mailly reste en
extase devant ce souverain qui lui témoigne régulièrement sa flamme, malgré les scrupules religieux qui
l'assaillent parfois. En fait il quittait parfois sa maîtresse pour rejoindre le lit de la Reine où pleurant et à
genoux, lui demandait plusieurs fois de lui accorder le pardon. Malgré sa position de favorite royale, elle ne
demandait rien au roi ni pour elle ni pour ses proches. Louis XV d’ailleurs, ne lui donnait presque rien puisqu’elle
ne le demandait pas. Même la pension qu’il lui versait était bien maigre et Louise portait parfois des robes
trouées et usées. Quoique Louise-Julie de Mailly-Nesle soit la favorite déclarée de Louis XV, en revanche,
elle est respectueuse envers la reine. Louis XV parait heureux de sa maitresse et Fleury est satisfait d'un plan
qui n'entrave pas la marche du gouvernement. Malheureusement, il ne va pas pourtant tarder à déchanter.
Louise, dans sa grande naïveté introduit bientôt à Versailles sa sœur Pauline qui vient de finir son éducation
au couvent de Port-Royal. Après avoir écrit plusieurs lettres à sa sœur, Pauline veut venir à la cour et la
supplanter dans le cœur du roi. Pauline est aussi insolente, mordante et laide que sa sœur aînée est réservée,
timide et sans grande beauté. Il apparaît bien vite que Louise ne sert plus que de paravent aux amours du roi
et de sa sœur. Mais en septembre 1741, Pauline décède brusquement lors d’un accouchement et Louis, éploré,
retourne auprès de la comtesse de Mailly. Le roi installe Mme de Mailly dans un appartement secret aménagé
au-dessus du sien. Leur relation reprit mais Louise-Julie ne parvenait plus à égayer les petits soupers des
cabinets. Elle pleurait et le roi aussi. Lorsque celui-ci partageait son lit, il se réveillait pendant la nuit pour
réciter un acte de restriction. Pour se recoucher ensuite auprès de sa maîtresse parée comme une châsse
puisqu'elle ne pouvait pas dormir sans ses bijoux. Elle avait appelé une autre de ses sœurs, Mlle de Montcavrel
qui fut sa maitresse de très courte durée. Il l'avait renvoyée et s'empressa de la marier au duc de Brancas.
La cour s'enlisait dans l'ennui et les courtisans se demandaient qui allait succéder Mme de Mailly dans le lit
du roi. Et une fois de plus, Louise encore sans défiance, fait entrer à la cour ses deux dernières sœurs, les
plus jeunes, Hortense et Marie-Anne. Le roi de France alors amoureux fou, courtise la première, qui repousse
ses avances puis la deuxième, qui finit par accepter de devenir sa maîtresse en titre. Louis XV mettra alors
définitivement un terme à sa relation avec Louise. Celle-ci quitte alors Versailles en 1742 pour Paris où,
honteuse, elle porte désormais un cilice. Elle vient d’être bannie par le roi à la demande de sa sœur, Marie-Anne,
qui souhaite être la seule favorite officielle de Louis XV. Louise de Mailly se retire à Paris où elle vit dans la
charité, la dévotion et la pauvreté. Touchée par un sermon du père Renaud, Mme de Mailly se sentit tout à coup
ravie et dégoûtée d'elle-même par cette parole douce et pénétrante qui parlait du bonheur de vivre avec Dieu.
Un jour où elle devait dîner chez M. de Boissière, elle faisait dire qu'elle ne pouvait plus s'y rendre et c'est là
qu'on apprit le renoncement de Mme de Mailly. Elle quittait le rouge et les mouches. Elle s'était complètement
métamorphosée et de ce jour, elle se vouait à une pénitence exemplaire. Le Jeudi Saint de l'année 1743, la
cour et le peuple se pressaient chez les sœurs grises de Saint-Roch pour voir Mme de Mailly, qu'accompagnait
la jeune veuve du duc de La Trémoille pour le lavement des pieds. Elle consacrait tout son argent pour des
bonnes œuvres. Elle ne s'employait qu'à visiter les pauvres, n'hésitant pas à se dépouiller en secours et en
charités, à peine se réservait-elle pour son nécessaire personnel deux ou trois écus de six livres. Cette vie de
sacrifice menée avec courage, avec gaîté même, dura jusqu'au 5 mars 1751 où la comtesse de Mailly mourait
à l’âge de quarante-et un ans en odeur de sainteté. Son légataire universel fut le jeune comte du Luc, fils du
roi et de sa jeune sœur, Mme de Vintimille, qu'elle avait adopté. Son exécuteur testamentaire, le prince de Tingry
à qui elle laissa un diamant de prix et une somme de 30 000 livres qui était destinée à payer ses créanciers.
L'ancienne favorite fut enterrée selon ses veux, au cimetière des Innocents, à Paris, parmi les plus pauvres.
Bibliographie et références:
- Alain Decaux et André Castelot, "Dictionnaire d'histoire de France"
- François Bluche, "Louis XV"
- Michel Antoine, "Les favorites de Louis XV"
- Marc Langlois, "Louise-Julie de Nesle"
- Pierre-André Laurens,"Louise-Julie de Nesle"
- Bernard Hours, "Louis XV : un portrait"
- Paul Del Perugia, Les amours de Louis XV"
- Jean-François Solnon, "La Cour de France"
- Jean Meyer, "Louis XV"
- Simone Bertière, "Les amours de Louis XV"
- Evelyne Lever, "Le crépuscule des rois"
- Jean-Christian Petitfils, "Louis XV"
- Jacqueline Suzanne, "Louise-Julie de Nesle"
Bonne lecture à toutes et à tous.
Méridienne d'un soir.
Thèmes:
littérature
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Louis XV par sa conduite, après la "maladie de Metz", est devenu impopulaire à cause de ses aventures extra-conjugales et de ses nombreuses maîtresses dont la plus connue est la marquise de Pompadour. Il n'en demeure pas moins un grand roi qui a tenté de lutter contre la fronde parlementaire anti-progressiste. Son successeur, Louis XVI, peu préparé à ses fonctions et homme malhabile n'a su éviter la révolution française et ses excès lors de la Terreur entre 1793 et 1794.