Méridienne d'un soir
par le 13/11/19
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"On ne peut pas aimer à volonté, répondait-elle.
Je ne veux pas d'érotisme sans amour. Et l'amour
profond ne se rencontre pas si souvent." -------- Delta of Venus (1940)
Épistolière exaltée et diariste admirée, longtemps connue, de part et d'autre de l'Atlantique,
que par de rares initiés, Anaïs Nin, livra dans son journal intime s'étalant sur plusieurs décennies,
son âme avec audace et profondeur, osant la première à lever le voile sur les mystères du désir féminin,
en bravant tous les interdits, jusqu'à l'inceste consenti.
Sa vie fut une course au plaisir, marquée par sa passion incandescente pour Henry Miller.
Elle fut également l'une des premières femmes à écrire des ouvrages érotiques, tout en avouant sa bisexualité,
évitant la vulgarité et l'outrance, dans une écriture élégante, féminine et sensuelle, faisant place à la poésie.
Le caractère introspectif de l'œuvre exige du lecteur une part d'abandon, appréciant ainsi un style musical finement ciselé,
dans une longue traversée de fulgurantes sensations, pénétrant dans un monde intérieur fait d'ombre et de lumière.
En menant intensément sa vie, dépeinte avec dextérité et exigence, elle offrit la vision de son amour pour la liberté,
suggérant de rechercher sans répit, les apparences de la beauté et de la vérité, sans aucun compromis existentiel.
Anaïs Nin est née en 1903 à Neuilly-sur-Seine.
Son père, Joaquín Nin, pianiste compositeur, ami de Maurice Ravel, abandonna femme et enfants pour vivre à Paris.
En 1913, à la suite du divorce de ses parents, elle quitta la France accompagnant sa mère aux Etats Unis,
pour épouser un jeune banquier protestant, d'origine irlandaise, Hugh Parker Guiler, avant de devenir mannequin.
L'année 1924 marqua le début d'une autre existence, suivant son mari muté dans le bureau parisien
de la National City Bank.
Elle se lia d'amitié avec de nombreux artistes et intellectuels, comme Breton, Gide, Marcel Duchamp, Tristan Tzara
Zadkine, Waldo Franck, Rebecca West, John Huston, ou Théodore Dreiser.
Anaïs Nin était fascinée par l'oeuvre de Proust, la transformation profonde des êtres au contact de leurs semblables.
Sa profonde répugnance pour les conventions et la vie domestique conduisirent la jeune femme à s'épanouir dans l’écriture.
C’est pour garder contact avec son père, artiste volage, qu’Anaïs Nin décida, à l'âge de onze ans, de tenir un journal intime.
Comme la communion d'une âme avec sa conscience, dans une transparence cristalline et une liberté absolue.
Écrite en français, cette poignante lettre à l’absent, devint un laboratoire intérieur pour l’adolescente exaltée.
Le récit fleuve, comme une interminable poésie, a été réuni dans un vaste recueil intitulé "Cités de l’intérieur",
édité en cinq volumes:
"Les Miroirs dans le jardin", "Les Enfants de l'albatros", "Les Chambres du cœur",
"Une espionne dans la maison de l'amour", enfin "La Séduction du Minotaure".
Sa rencontre avec Henry Miller, écrivain en vogue, auteur du "Tropique du Cancer" marqua un tournant dans son œuvre.
Le romancier américain n'hésitant pas à comparer le talent diariste de sa muse aux révélations de Saint-Augustin,
de Jean-Jacques Rousseau ou de Proust.
Dans "Journal d'une jeune mariée", elle confessa, ses attirances saphiques, ses incartades extraconjuguales,
et ses fantasmes de soumission, dévoilant selon ses propres termes, son "continent noir".
Se jouant de la réalité avec un talent mêlé d'imagination et de finesse, évitant de blesser en changeant les identités,
de ses amis, Louise de Vilmorin ou Antonin Artaud.
Elle écrivit,en 1932, dans sa maison de Louveciennes, une biographie de David Herbert Lawrence,
l'auteur de "L’Amant de lady Chatterley", puis quatre ans plus tard, en 1936 "La maison de l'inceste".
Ce poème en prose, inspiré du surréalisme, naviguant entre Rimbaud et Breton, est écrit dans une langue somptueuse.
Comme chez Stendhal et Proust, la passion cristallise l’objet de l'amour, fantasme né de l'idéalisation.
L’amant succombant incestueusement à son propre reflet dans le miroir, tel un spectre à l'image fantasmagorique.
Explorant le domaine de la psychanalyse, pour déculpabiliser son attirance envers son père, elle côtoya Otto Rank,
disciple favori de Freud.
Elle rencontra à Paris au Monocle, Suzanne Jeanne Baulé dite Frede, directrice de cabarets, au charme brun irrésistible,
à l'homosexualité affichée qui fit sandale en levant l'interdiction des danses entre femmes,
dans les établissements de nuit parisiens des années folles.
Frede, connue également pour sa liaison amoureuse avec Marlene Dietrich, créa après guerre,
rue de Ponthieu à Paris,Le Carroll's, fréquenté par Brigitte Bardot, Arletty, Françoise Sagan, Michèle Morgan, etc ..
S'éloignant de son mari, Anaïs se lassa rapidement de sa vie rangée qui la confinait à l'étouffement.
Elle fuyait les préoccupations étroites et futiles de ses amis ou relations issues de la Banque.
Tentant alors de trouver satisfaction dans la création romanesque, Anaïs Nin transforma son existence en roman.
Sacrifiant l'esthétisation de sa vie pour l'exigence de sa création littéraire, par un système pervers où elle s'y installa.
Elle séduisit frénétiquement femmes et hommes constatant non sans plaisir, le diabolique effet de ses charmes.
En 1933, Anaïs Nin apparaît dans sa quête effrénée du plaisir, comme une femme adultère sans aucun scrupule.
"Ma seule religion, ma seule philosophie, mon seul dogme, c’est l’amour.
Tout le reste, je suis capable de le trahir si la passion me transporte vers un monde nouveau".
L’érotisme devint le moteur pour son écriture, aucune femme écrivain, à part Kate Chopin n’avait osé le faire.
Il est très rare de découvrir dans la Littérature, une femme qui fut à ce point libre en pensées et en actions.
Son analyste René Allendy, membre éminent de la Société psychanalytique de Paris, n'y résista pas longtemps.
Cédant à son attirance pour elle, il entraîna Anaïs dans une relation sadomasochiste.
Se complaisant dans des postures de domination extrêmes, il la fouetta au cours de longues séances avant de la posséder.
Allant jusqu’à l’inviter chez lui et à l'offrir à sa femme, elle aussi sous le charme de la ravissante et fragile artiste.
Elle eut une relation saphique avec Helba Huara, jeune danseuse péruvienne, figure du tout-Paris de l'époque,
avant de retourner à New-York pour se remarier en 1955, avec Rupert Pole, sans avoir divorcé.
En 1966, un éditeur accepta de publier le premier tome de son journal intime.
Anaïs Nin alors âgée de soixante trois ans, reçut un accueil favorable de la critique, entraînant un succès immédiat.
Nommée Docteur Honoris causa du Philadelphia College of Art, puis élue au National Institute of Arts and Letters en 1974.
Elle mourut en 1977 à Los Angeles.
N.B: un diariste est un auteur écrivant un journal intime.
"Seul le battement à l’unisson du sexe et du cœur peut créer l’extase".
Bonne lecture à toutes et à tous.
Méridienne d'un soir
13 personnes aiment ça.
lulu
Merci Madame de me faire découvrir un nouvel auteur et une série de livres à lire.
J'aime 13/11/19
fruntz
Bonsoir Méridienne, merci pour vos informations littéraires. Au plaisir de vous lire. Bonne soirée.
J'aime 13/11/19
Threnody
Bonheur Méridienne d'un soir, merci à vous
J'aime 13/11/19
Le maître des fouets
Bonsoir Méridienne, Merci de remettre en lumière cette magnifique écrivaine..... De magnifiques récits.... A découvrir
J'aime 13/11/19 Edité
Bonjour Mérudienne. Félicitations pour ce texte très documenté qui nous démontre que cette auteure a fait énormément pour la prise en compte des femmes en exprimant leur intimité la plus secrète.
J'aime 14/11/19
Maitre d’O
Bonjour Méridienne, bravo pour ce très beau résumé de la vie et l’œuvre de cette artiste. Cela donne envie d’en découvrir plus.
J'aime 14/11/19
insolence
Merci encore une fois Méri, bises
J'aime 15/01/20