Méridienne d'un soir
par le 31/10/19
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"Elle se tordait avec une telle frénésie pour échapper aux morsures des lanières, si bien que le ventre et le devant des cuisses, avaient leurs part presque autant que les reins. Quand je t'aurai donnée aussi aux valets, je viendrai une nuit te faire fouetter jusqu'au sang."
Histoire d'O
Comment le châtiment de la flagellation a pris sa place dans l'alchimie érotique de la partition des plaisirs ?
De la naissance de la littérature "flagellante", à la multiplicité des études réalisées,
en s'intéressant à la psychiatrie des perversions, le goût du fouet s'est imposé comme objet spécifique,
autonome de la sexualité dans l'univers du sadomasochisme.
La ritualisation attachée à ce châtiment, célébrant la pureté des sensations extrêmes,
la recherche de la cruauté et de la douleur, fait de lui, lors d'une séance S/M,
dans cet art subtil et cérébral, une étape incontournable vers la jouissance sublimée.
Défini comme un acte consistant à cingler le corps humain avec un fouet, des lanières, ou une tige souple,
le terme revêt une multiplicité de significations, religieuse, érotique, et disciplinaire, s'inscrivant dans un champ sémantique
où sa compréhension sexuelle est pourvue de symboles, dans l'évocation imaginaire, de la verge au flagelle.
Elle fut tout d'abord dans la religion une incarnation, utilisée comme un moyen de faire pénitence,
telle une expiation de ses propres péchés, parfois même ceux des autres, et se pratique encore,
aujourd'hui couramment dans certains ordres religieux ultra-catholiques.
Dans l'histoire, la flagellation précédant la crucifixion était un préliminaire à la condamnation.
Le nombre de coups portés très élevé pouvait alors conduire ni plus, ni moins, à la mort du supplicié.
Elle fut utilisée par nombre de civilisations, encore employée aujourd'hui dans certains pays,
comme ceux appliquant entre autres, la loi islamique, la charia.
Les Romains l'employaient comme châtiment corporel; la fustigation était une peine appliquée aux citoyens
ou aux affranchis jugée moins infamante, que la la flagellation appliquée avec un fouet, le flagellum, réservée aux esclaves,
dépourvus de citoyenneté, ayant commis des actes criminels, précédant dans la majorité des cas, la peine de mort.
Aux XVIIIe et XIXe siècles, la bastonnade réalisée avec une corde goudronnée, était une punition fréquemment pratiquée
dans les bagnes avant l'abolition de l'esclavage.
En France, la flagellation dans le système pénal fut prohibée en 1830, lors de l'avènement du Roi Louis Philippe.
La dernière flagellation publique, fut administrée, sous Louis XVI, en 1786 à l'encontre de la Comtesse de La Motte,
pour sa participation, dans l'affaire retentissante du collier de la Reine Marie-Antoinette.
De nos jours, la flagellation demeure une sanction pénale encore appliquée en Arabie Saoudite et en Iran.
En Littérature, l'œuvre du Marquis de Sade, dans "Justine ou les Malheurs de la vertu" (1791) décrit,
comme nous l'avons évoqué, au cours d'un précédent article, de nombreuses scènes de flagellation.
"Thérèse philosophe", ouvrage moins réputé, attribué à Jean-Baptiste Boyer d'Argens (1748) y fait largement écho.
Sous l'Empire, l'actrice Émilie Contat, très courtisée à l'époque, vendait ses charmes en fouettant ses amants masochistes.
Le sombre et intrigant, ministre de la Police de Napoléon, Joseph Fouché, fut le plus célèbre de ses clients,
en fréquentant assidûment son boudoir.
Dans la littérature érotique, ce sont les œuvres de Von Sacher-Masoch, et les études de Von Krafft-Ebing,
fondateurs respectivement des concepts du "sadisme" et du "sadomasochisme" qui marquèrent les esprits.
"La Vénus à la fourrure" de Leopold von Sacher-Masoch, parue en 1870 fait figure de roman novateur.
les personnages Wanda et Séverin puisant dans la flagellation, leur source quotidienne de leurs jeux sexuels.
La flagellation chez Pierre Mac Orlan (1882-1970),auteur prolixe d'ouvrages érotiques, est largement présente.
Dans "La Comtesse au fouet, belle et terrible", "Les Aventures amoureuses de Mademoiselle de Sommerange",
ou "Mademoiselle de Mustelle et ses amies." ,enfin dans "Roman pervers d'une fillette élégante et vicieuse",
récit de l'apprentissage cruel dans l'asservissement sexuel d'une très jeune fille.
De même, on retrouve des scènes de flagellation, chez Apollinaire dans "Les Onze Mille Verges" (1907)
chez Pierre Louys en 1926,dans "Trois filles de leurs mère."
Le roman "Histoire d'O" (1954), étudié précédemment, comporte de nombreuses scènes de flagellation.
Plus proche de nous, la romancière, Eva Delambre, dans "Devenir Sienne" (2013),fait du fouet l'instrument de prédilection,
de Maître Hantz. Il en est de même dans "Turbulences" (2019),son dernier ouvrage.
"Les coups lacéraient ma chair, me procurant de lancinantes sensations de brûlure. J'avais perdu l'habitude du fouet,
dont j'avais été privée depuis un mois. Lorsque la tige de la cravache m'atteignit exactement entre les cuisses, sur le
renflement du pubis, je compris soudain que j'allais jouir." Le Lien, récit de Vanessa Duriès. (1993)
Diversifiée dans sa ritualisation, sa gestuelle et son symbolisme, très présente dans l'univers du BDSM,
la flagellation se définit aujourd'hui, comme une pratique autonome, de la recherche de la jouissance.
"Ils saisirent chacun un long fouet et commencèrent à me flageller avec une vigueur et un rythme qui
me firent mordre violemment les lèvres, jusqu'à ce que le goût de mon propre sang m'eût empli la bouche".
Bonne lecture à toutes et à tous.
Méridienne d'un soir.
Thèmes: littérature
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Condor
Merci beaucoup Meridienne! Très bonne week-end à vous
J'aime 31/10/19
arnono
Dans votre article, même si vous montrez bien les sens multiples qui peuvent être liés à l'acte de flageller on voit quand même poindre fortement la notion de la culpabilité (auto flagellation, ou flagellation d'autrui qui aurait fauté) ... comme si un besoin inconscient d'expier une faute ou de punir un fautif (suivant de quel coté on se tient du fouet/cravache) était joué... ou rejoué...
J'aime 31/10/19 Edité
Condor
Ah merci merci pour ce compliment ma belle amie Méridienne
J'aime 31/10/19
arnono
Bonsoir, Oui, je ne disais pas que c'était votre analyse, mais en lisant votre texte, certes d'une traite, c'est ce qui m'est apparu. Mais je conviens que c'est une lecture tout à fait subjective et j'ai bien précisé que vous montriez différents sens à cette pratique. Je ne veux en aucun réduire cette pratique à la notion d'expier une faute, mais elle semble en prendre la source ou du moins se nourrir de cet imaginaire. Mais je sais bien que cela ne se résume très certainement pas à cette dimension, et que j'imagine que cela est très personnel. Dans mon cas, c'est plus l'abandon de ma personne qu'un besoin d'expier qui est recherché. Merci pour l'échange.
J'aime 31/10/19
masque_gris
Encore un exposé, Méridienne d'un soir", brillant, explicite et très agréablement documenté donnant l'envie d'aller découvrir certains auteurs moins connus. Le sujet est si riche et sa perception si variée. il autorise bien des développements comme le plaisir qu'il procure évoqué à juste titre par ailleurs. Merci et sensuelle fin de journée à tous...
J'aime 01/11/19
Cori Celesti
Merci pour cet article Méridienne d'un soir, un thème fort intéressant et abordé avec brio. J'attends votre second article sur le sujet avec impatience ma chère 1f642.png
J'aime 02/11/19
Cori Celesti
Un programme alléchant s'il en est ! Vous faites un travail formidable, j'ai hâte de vous lire 1f642.png
J'aime 02/11/19
Dionysos66
Nous attendons la suite de l'étude avec impatience.
J'aime 02/11/19
Quatuor
Je retire (en partie) ce que j'ai posté dans l'article qui suit mais que j'ai lu avant !!!! Merci pour votre étude. Cela fait plein de livres à lire...
J'aime 02/11/19
Est-ce le coup reçu ou le coup à venir qui procure le grand frisson?
J'aime 10/11/19
Je penche pour le coup à venir que l'on espère.... plus .... désirable!
J'aime 10/11/19