Méridienne d'un soir
par le 17/10/19
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Sade appartient à cette pléiade d'hommes de lettres, tel l'aventurier et romancier vénitien, Casanova ou le poète français, Rimbaud à la précocité monstrueuse,dont le mythe et le système de pensée,sont si extravagants, qu'ils dépassent de loin leur production littéraire.
Le Marquis de Sade,à la réputation sulfureuse,longtemps voué à l'anathème,surtout célèbre pour ses ouvrages mêlant érotisme extrême,actes de violence et de cruauté,à des idées philosophiques développées, écrivit des pièces de théâtre,des essais,mais aussi des biographies.
Son nom à lui seul,longtemps inspira rejet et dégoût, son oeuvre fut longtemps interdite et censurée.
Assoiffé de liberté,ne cessant de se révolter contre toute forme d'autorité politique,Sade de façon irréductible,en semant le désordre,s’opposa violemment à la religion, mais également à la peine de mort.
Certaines de ses œuvres, connurent de son vivant («Justine»), un réel succès mais devinrent rapidement censurées,notamment par Napoléon Bonaparte qui considérait ses ouvrages comme «abominables,et infantés par une imagination dépravée».
Sade passant de fait la majeure partie de sa vie en prison,son existence fut vite oubliée.
Seul,Guillaume Apollinaire,publia des extraits de Sade en 1909,dans son son «Introduction à l'oeuvre du Marquis de Sade», pressentant son futur succès, écrivit à propos de lui:
"Cet homme qui parut ne compter pour rien durant tout le XIXe siècle pourrait bien dominer le XX ème siècle".
Clandestine,pendant tout le XIX ème siècle, son œuvre littéraire fut réhabilitée par l'éditeur Jean-Jacques Pauvert,
qui, courageusement,en son nom propre, la publia en 1947,ce qui lui valut des poursuites judiciaires durant plus d'une dizaine d'années.
Elle le fut également, au XIXème siècle,par les surréalistes qui le considèrent,comme un écrivain visionnaire,
oubliant les carcans et l’ordre moral de la société,libérant de façon révolutionnaire l’inspiration créative.
Il existe aujourd'hui un prix littéraire Sade décerné chaque année.
De même,l'oeuvre sadienne publiée dans la Pléiade,consécration littéraire,fait souvent l'objet d'expositions au musée d'Orsay.
Le XX ème siècle,s'est mis enfin, à prendre Le Marquis de Sade au sérieux.
Après l'effroi et l'opprobre,la reconnaissance de sa pensée philosophique et le rôle émancipateur donné au sujet pervers,contribuèrent à faire évoluer le regard porté sur l'homme et son œuvre.
Stendhal lu le premier, avec bienveillance ses récits,dans «Le Rouge et le Noir»,il reprit autour du thème de la mort,le fantasme de la tête tranchée de Mathilde,dans son roman, la reine de France dans «Juliette».
Sainte-Beuve vit en lui un inspirateur clandestin des écrivains modernes.
Sade commença alors à acquérir ses lettres de noblesse,sortant ainsi d'un libertinage de bibliothèque et de salon.
Georges Bataille,écrivain surréaliste, émit seul,des réserves sur le style sadien,critiquant les innombrables répétitions dans les récits de l'auteur, un assommant ressassement qui atteint le paroxysme, dans «Les Cent Vingt Journées de Sodome»,«un blasphème et une maladie au visage».
Paul Eluard se passionna pour Sade, voyant en lui,avec Lautréamont et Breton,l'inspirateur de son œuvre.
Sade revendiqua dans sa création, l'idée d'un esprit enfermé dans un corps rempli de pulsions.
Son oeuvre apparut,dès lors, ne plus résulter d'une folie perverse et immorale, mais bel et bien d'une pensée philosophique sur les profondeurs abyssales du mal.
En projetant les fantasmes de l'Homme, il influença les surréalistes dans leur dénonciation des interdits.
La liberté sadienne sur laquelle repose toute son œuvre les fascina,contribuant ainsi à effacer la réputation sulfureuse et scandaleuse de Sade.
Le courant surréaliste,violemment anticlérical, souhaitant revenir au brut, au sens premier,aux pulsions et aux désirs de l'inconscient, vit en Sade,sa figure tutélaire.
Pour André Breton, Sade fut un "infra-cassable noyau de nuit",un illuminé et révolutionnaire, qui renversa les codes de l'époque.
Les surréalistes incarnèrent dans leurs créations artistiques, le désir, l'inscrivant au plus profond de la chair, jusqu'à l'outrance.
La liberté que Breton, Soupault, Masson, Desnos, Picabia cherchèrent à conquérir à coup de cadavre exquis et d'écriture automatique, Sade l'a mit en pratique un siècle et demi avant eux.
L'auteur de "La Philosophie dans le boudoir » fut en réalité le guide spirituel pour l'esprit libertaire de ce courant culturel.
L'éloge de la perversion se transmettant dans l'art depuis des siècles, Sade engendra les différentes représentations de la décadence chez des sculpteurs,peintres, et dessinateurs.
Sade donna deux bonheurs. Celui d’avoir tout dit et celui d’avoir dit plus que tout.
Nul mieux que lui n’a à la fois rendu compte de la réalité originaire et exprimé les transports de l’imagination.
Obscène dans le sens et dans l’excès de sens, son œuvre a la vertu de poser les choses telles qu’elles sont et le vice de les déborder.
Grâce à lui, l’existence devint pour beaucoup d'intellectuels, plus supportable,en déshumanisant l'esprit par le corps à l’extrême.
L’inversion des valeurs,la saturnale des sexes, le carnaval des excès, dans la négation de l'ordre social devint une fête.
La désacralisation des ordres,et le réinvestissement des idées par les corps,socle bicéphale de la pensée sadienne, apparaissent plus que jamais, modernes aujourd'hui, victoire posthume d'un homme pourtant maudit durant toute sa vie,qui participa sans le savoir,lui même à l'aventure intellectuelle des Lumières du XVIII ème siécle.
« Je ne veux pas faire aimer le vice. Jamais je ne le peindrai que sous les couleurs de l’enfer » Sade.
Bonne Lecture à toutes et à tous.
Méridienne d'un soir.
N.B: La liste complète des œuvres de Sade sera l'objet du prochain article.
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Cori Celesti
Je suis ravie de découvrir votre nouvel article, que je trouve fort intéressant. Vous faites un travail formidable ma chère, et d'une qualité qui force le respect. Merci à vous 1f642.png
J'aime 17/10/19
rainbowcat
Merci Méridienne d'un soir...c'est très instructif...un bon cours de sociologie historique... à méditer..et à approfondir...
J'aime 18/10/19