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par le 24/06/15
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3 - Suite ....

Eh bien, Chère Madame, ceci pourra vous étonner - et mon « vous » cette fois, se voulait plus distant et presque doctoral pour masquer l’hésitation - sachez que je nourris un culte particulier pour ce que les anglo-saxons ont dénommé « les femmes en détresse », beautés toujours sculpturales, longues jambes au galbe parfait, pied vertigineusement cambré, buste orgueilleux, port altier qui contraste avec l’infortune du moment et leurs yeux égarés.

L’œil quant à lui, restait interrogatif mais dans sa lueur, un encouragement à parachever …

Ces pauvres créatures, chichement vêtues de minces dessous ou ornées de tenues plus étudiées, ont en effet le point commun d’être tourmentées de sévices indolores, entravées dans toutes sortes de positions dont certaines fort improbables.

Cette introduction passée, je racontais mon premier contact avec ces images ; leur immédiate impression dans mon esprit qui m’avait d’abord déconcerté.

C’étaient des vacances adolescentes sur la Côte Basque, l’ennui et une revue empruntée à un campeur du champ voisin.

Au cœur de l’ouvrage, un dossier était consacré aux insondables passions crayonnées ou photographiques d’auteurs de l’entre ou de l’après-guerre, uniquement connus de quelques amateurs qu’on dira éclairés.

Etaient ainsi exposées, hiératiques, quelques-unes des « femmes » de John Willie ou de Stanton que je reconnaîtrais bientôt pour mes plus talentueux parmi ces metteurs en scène d’une spécialité, baptisée « bondage » en anglais, art du lien dirais-je en français, pensant également au Japon où on semble nourrir un intérêt frénétique pour ce loisir particulier.

Une première étape sur le chemin d’une succession de vertigineux vices libertins que je découvrirai ensuite.


A grand regrets, j’avais restitué la revue. Les filles de papier étaient pour jamais entrées dans le champ du conscient.

A la faveur des années, j’avais toujours saisi les occasions d’enrichir ma culture et mes collections. Régulièrement, je bravais le regard des vendeuses, les commentaires amusés ou égrillards des libraires, affectant de payer mes emplettes fiévreuses avec le détachement d’un ethnologue …

Avec son « Plusieurs Possibilités » ou sa « Gwendoline », Willie restait définitivement mon auteur favori …

Toujours curieuse de tout, ma belle s’était décidément montré intéressée et je m’étais livré d’autant plus aisément au récit que je n’étais pas tant inquiet du résultat.

Elle déclara bientôt sa curiosité satisfaite, me demanda si j’avais essayé et n’écoutant pas la réponse, m’informa ensuite que pour sa part, elle avait réalisé un fantasme en s’abandonnant aux instances pressantes d’une jeune femme. Je la reconnus bien là, avide de tout connaître, traquant le plaisir avec constance ce qui n’était pas la dernière de mes raisons pour l’aimer.

Je me rappelais la d’abord timide jeune femme de notre première nuit et du contraste de sous-vêtements de velours grenat qui évoquaient la courtisane.

Elle aimait à dire que je lui avais révélé son impudeur, ce que j’avais reçu comme un indicible titre de gloire.

Pour son édification, je lui promettais pour bientôt la communication d’un de ces ouvrages licencieux, blottis dans le super-enfer de ma bibliothèque.

A Suivre ....
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