Maitre Aik
par le 30/03/25
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Deuxième partie - le début

 

Chapitre 11

La rencontre

 

J'ai soixante ans et dirige un studio pour des Webcameuses. Mon entreprise s'est bâtie au fil des années, en répondant aux besoins croissants d'un marché en constante évolution. Nous fournissons aux modèles un espace de travail sécurisé et des équipements de pointe pour assurer une qualité d'image optimale.

 

Physiquement, je suis un homme un peu enveloppé, avec une barbe blanche bien entretenue et des cheveux clairsemés sur le sommet du crâne. Mais au-delà de mon apparence, ce qui marque les esprits, c'est mon charisme naturel. J'ai une présence qui impose le respect, une voix posée et assurée, et un regard qui en dit long sur l'expérience accumulée au fil des années. Les affaires m'ont appris à lire entre les lignes, à peser chaque mot et chaque geste. Cette maîtrise inspire souvent confiance.

 

Elle, environ trente-huit ans, est représentante d'un fabricant de caméras de renom. Expérimentée et à l'aise dans son domaine, elle parcourt les entreprises comme la mienne pour présenter les dernières innovations technologiques. Avant même de la rencontrer, j'avais entendu parler d'elle : une femme au caractère affirmé, qui savait convaincre sans imposer, une professionnelle aguerrie avec un flair certain pour les affaires.

 

Lorsqu'elle est entrée dans mon bureau, son assurance était palpable. Son allure élégante trahissait un goût certain pour le raffinement. Ses cheveux bruns encadraient un visage fin aux traits harmonieux, et son regard vif dégageait une intelligence perçante. Elle portait un tailleur ajusté qui mettait en valeur sa silhouette, et chacun de ses mouvements respirait une confiance naturelle.

 

D'un geste professionnel, elle a sorti de son sac une nouvelle gamme de caméras dernier cri, vantant leurs performances et leurs fonctionnalités avancées.

 

Elle m'expliquait comment ces nouveaux modèles pourraient améliorer la qualité des diffusions en direct, optimiser la mise au point automatique et offrir une meilleure stabilisation. Son discours était fluide, accompagné de démonstrations précises qui captaient toute mon attention.

 

Enfin, toute mon attention... disons plutôt que je l'écoutais à moitié. J'avais déjà parcouru les spécifications techniques avant sa venue, et je connaissais déjà l'essentiel de ce qu'elle présentait. En réalité, j'avais même déjà rempli le bulletin de commande avant qu'elle ne commence sa présentation. Mon cerveau se concentrait bien plus sur elle que sur les caractéristiques des caméras. Quelle femme ! Intelligente, élégante, avec une beauté à couper le souffle. Une présence magnétique, une gestuelle gracieuse, un regard qui semblait capter toute l'attention de la pièce. J'avais beau me raisonner, tenter de rester strictement professionnel, il était difficile d'ignorer l'impact qu'elle avait sur moi.

 

Je l'observais, intrigué par son aisance et son professionnalisme. Elle était indéniablement attirante, une femme qui semblait maîtriser chaque aspect de son apparence et de sa présentation. Mais cela semblait à sens unique. Elle restait focalisée sur sa présentation, sans montrer le moindre signe d'intérêt personnel. Pour elle, j'étais simplement un client potentiel, et rien de plus.

 

Lorsqu'elle acheva enfin sa présentation, elle leva les yeux vers moi, attendant une réaction. Son regard était interrogateur, teinté d'une légère curiosité. C'est à cet instant que je réalisai que j'étais resté silencieux, plongé dans mes pensées. Je fus soudainement ramené à la réalité, quittant le rêve dans lequel je m'étais laissé emporter. Je m'éclaircis la gorge, tentant de retrouver mon professionnalisme, tout en m'efforçant de masquer le trouble qu'elle avait provoqué en moi.

 

— Hum... Oui, très intéressant, dis-je finalement, en me redressant légèrement sur mon siège.

 

Elle esquissa un sourire poli, attendant que je poursuive. Avait-elle perçu mon absence momentanée ? Difficile à dire. Mais une chose était sûre : elle avait laissé une empreinte bien plus forte que je ne l'aurais imaginé.

 

Dans un geste mesuré, je me levai lentement, repoussant légèrement mon siège. Mon regard ne quittait pas le sien alors que je contournai le bureau, mes pas résonnant légèrement sur le parquet. J'ouvris un tiroir, en sortis le bulletin de commande déjà rempli et le pris en main. Puis, avec un sourire discret, je le lui tendis. Son regard oscilla entre le papier et moi, une légère surprise mêlée à de l'amusement brillant dans ses yeux.

 

- Je pense que nous pouvons conclure cette affaire, dis-je d'une voix posée, savourant l'instant où elle comprit que j'avais pris ma décision bien avant qu'elle n'ait fini de parler.

 

Toutefois, elle me fixa avec un brin d'intrigue avant de plisser légèrement les yeux.

 

— Si vous aviez déjà pris votre décision, pourquoi m'avoir laissé faire toute la présentation ?

 

Je la regardai un instant, savourant l'intensité du moment, puis esquissai un sourire franc avant de répondre simplement :

 

- Parce que j'avais envie de vous contempler.

 

Un silence flotta entre nous, suspendu, avant qu'un éclair de surprise ne traverse son regard.

 

Elle arqua un sourcil, comme si elle tentait d'analyser mes mots, d'en déceler l'intention cachée. Puis, un sourire en coin apparut fugacement sur ses lèvres. Elle croisa les bras, prenant un air faussement sévère.

 

Intéressant, murmura-t-elle. D'habitude, mes clients sont captivés par mes produits, pas par ma personne.

Je me permis un petit rire avant de répondre :

— Peut-être que vous sous-estimez votre impact.

 

Elle sembla peser mes mots, son regard s'attardant sur moi une fraction de seconde de plus qu'il ne l'aurait fallu. Puis, d'un geste fluide, elle prit le bulletin de commande entre ses doigts, le survola rapidement et hocha la tête.

 

Eh bien, je suppose que c'est une affaire rondement menée, dit-elle en rangeant le document dans son porte-documents.

Elle ajusta la sangle de son sac sur son épaule et me dédia un dernier regard, un mélange de curiosité et d'amusement.

Merci pour votre confiance. J'imagine que nous serons amenés à nous revoir.

Sa voix portait une nuance indéchiffrable, quelque chose entre le professionnalisme et un léger trouble qu'elle s'efforçait de masquer. Je me contentai d'un hochement de tête, laissant un sourire planer sur mes lèvres.

J'en suis convaincu.

Elle esquissa un dernier sourire avant de tourner les talons et de quitter mon bureau. Mon regard suivit sa silhouette jusqu'à ce que la porte se referme derrière elle, me laissant seul avec une étrange impression.

Je savais que ce n'était pas la dernière fois que nos chemins allaient se croiser.

 

Les jours passèrent, mais son image restait ancrée dans mon esprit. Une beauté frappante, une assurance naturelle, et ce regard perçant qui semblait sonder bien au-delà des apparences. Pourtant, je refusais de m'attarder sur cette impression, me concentrant sur mon travail, sur les chiffres, sur la gestion quotidienne de mon studio.

Jusqu'à ce qu'un email apparaisse un matin dans ma boîte de réception. Son nom, sobrement affiché dans l'en-tête, me fit légèrement sourire. Elle me remerciait pour la commande, m'informait que la livraison était en cours et proposait de passer dans quelques jours pour s'assurer de l'installation des caméras. Rien de personnel, rien de troublant. Juste une suite logique et professionnelle.

Pourtant, je sentis une pointe d'excitation, imperceptible mais bien réelle, en lui répondant que je l'attendais avec plaisir.

Lorsque le jour arriva, je pris soin de me préparer un peu plus que d'ordinaire. Rien d'exagéré, bien sûr. Mais ma chemise était mieux ajustée, ma barbe légèrement taillée, et une discrète touche d'eau de toilette vint parfaire l'ensemble. Une vaine tentative de masquer l'effet qu'elle avait eu sur moi ? Peut-être.

À l'heure convenue, on frappa à la porte de mon bureau. Je savais que c'était elle avant même de lever les yeux.

Lorsqu'elle entra, son sourire était toujours aussi assuré, mais cette fois-ci, il y avait autre chose. Une lueur dans ses yeux, un éclat indéfinissable. Un jeu subtil semblait s'être installé entre nous, une tension légère mais indéniable.

Alors, tout est prêt pour l'installation ? demanda-t-elle en posant son sac avec une fluidité élégante.

Absolument, répondis-je en me levant pour l'accueillir. J'avoue que j'attendais ce moment avec impatience.

Elle haussa légèrement un sourcil, amusée.

— Pour les caméras, j'imagine ?

Un sourire en coin s’étira sur mes lèvres.

— Bien sûr. Pour les caméras.

Un silence complice s'installa, et je sus à cet instant que cette rencontre allait marquer le début d'autre chose.

 

L'installation se déroula sans accroc. Elle dirigeait les techniciens avec aisance, vérifiant chaque paramètre avec un professionnalisme admirable. Pourtant, à plusieurs reprises, nos regards se croisèrent, et je sentais que cette tension imperceptible continuait de croître.

Lorsqu'elle eut terminé, elle s'accorda un instant de répit, appuyée contre mon bureau, son regard scrutant l’écran de contrôle où s'affichaient les flux des nouvelles caméras.

— Une belle amélioration pour votre studio, dit-elle en croisant les bras.

— En effet, admis-je en me tenant à quelques pas d’elle. Et tout ça, grâce à vous.

Elle esquissa un sourire en coin, mais je vis un éclair de curiosité dans son regard.

— Vous dirigez un studio assez… particulier. Pourquoi ce domaine ?

Je pris une inspiration avant de répondre, conscient que cette conversation prenait un tour plus personnel.

— Parce que j’aime créer des opportunités, répondis-je finalement. Offrir un espace où les gens peuvent s’exprimer librement, tout en gagnant leur vie.

Elle hocha lentement la tête, comme si elle pesait mes mots.

— Intéressant. Vous ne ressemblez pas vraiment aux autres propriétaires de studios que j’ai pu rencontrer.

Je laissai échapper un petit rire.

— J’espère que c’est un compliment.

Elle sourit avant de détourner les yeux vers l’écran.

— Peut-être bien.

Un silence flottait entre nous, chargé de quelque chose d’indéfinissable. Puis, elle se redressa et ajusta son sac sur son épaule.

— Merci pour votre accueil. Si vous avez besoin d’ajustements, n’hésitez pas à me contacter.

Je hochai la tête, mais avant qu’elle ne puisse atteindre la porte, je laissai échapper :

— Et si j’ai simplement envie de vous revoir ?

Elle s’arrêta net. Tourna légèrement la tête, un sourire mystérieux flottant sur ses lèvres.

— Alors trouvez une bonne excuse.

Et sur ces mots, elle quitta mon bureau, me laissant avec cette étrange sensation que le jeu ne faisait que commencer.

 

 

 

Chapitre 12

La bonne excuse

 

Le silence qu’elle laissa derrière elle résonna un instant dans la pièce. Je restai immobile, les doigts effleurant distraitement le bord de mon bureau, repassant en boucle les derniers mots qu’elle avait prononcés.

**Alors trouvez une bonne excuse.**

Un sourire étira lentement mes lèvres. C’était une invitation à peine voilée, une manière de tester ma détermination. Et si elle voulait jouer, j’étais prêt à entrer dans la danse.

Je m’assis et fis défiler quelques dossiers sur mon écran, feignant de me concentrer, mais mon esprit était ailleurs. Quelle excuse pourrait être suffisamment légitime pour la revoir sans que cela ne semble trop évident ? Un simple appel professionnel ? Trop banal. Un problème technique avec l’installation ? Trop prévisible. Il me fallait quelque chose d’assez subtil pour éveiller son intérêt, sans paraître forcé.

Puis, une idée germa. Une mise à jour du logiciel de contrôle des caméras était prévue dans les prochains jours. C’était une opportunité parfaite. D’un geste décidé, je saisis mon téléphone et composai son numéro.

Elle décrocha après quelques sonneries, sa voix professionnelle, mais teintée d’une pointe de curiosité.

— Oui ?

— C’est moi. J’ai peut-être trouvé une excuse.

Un léger silence, puis un rire discret de l’autre côté du fil.

— Je vous écoute.

— La mise à jour du logiciel des caméras. Je me suis dit que vous aimeriez peut-être superviser l’installation pour vous assurer que tout fonctionne parfaitement.

Elle sembla hésiter une fraction de seconde avant de répondre.

— Hm… une excuse convaincante, je dois l’admettre. Quand souhaitez-vous que je passe ?

— Disons… demain en fin de journée ? Après votre dernière intervention, bien sûr.

— Parfait. Je passerai. Mais attention… la prochaine fois, il vous faudra une excuse encore meilleure.

Le ton légèrement taquin de sa voix fit naître une chaleur inattendue en moi. Je raccrochai, satisfait. Le jeu était bel et bien lancé.

Le lendemain arriva plus vite que prévu. Tout au long de la journée, mon regard dérivait inconsciemment vers l’horloge, comptant les heures avant son arrivée. Quand la porte du studio s’ouvrit enfin, elle apparut, l’air décontracté mais toujours aussi professionnelle.

— Alors, cette fameuse mise à jour ? demanda-t-elle en déposant son sac sur une chaise.

— Juste ici. Mais je crois qu’un café s’impose avant de commencer.

Elle haussa un sourcil amusé.

— Une autre excuse ?

— Juste une pause bien méritée, répliquai-je en lui tendant une tasse.

Elle prit la tasse avec un sourire en coin, s’installant face à moi. Le jeu continuait, et je n’avais aucune intention d’y mettre fin.

Après le travail, nous nous retrouvâmes devant la porte du studio. L’air était frais, chargé d’une promesse implicite.

— Et maintenant ? demanda-t-elle en ajustant la lanière de son sac.

— Maintenant, on pourrait prolonger cette conversation ailleurs, proposai-je avec un sourire.

Elle sembla peser mes mots, puis haussa légèrement les épaules.

— J’accepte, mais seulement si vous ne prétendez plus avoir une excuse.

— Alors dînons, sans prétexte, juste l’envie d’échanger encore un peu.

Elle hocha la tête, un éclat amusé dans le regard. Nous nous éloignâmes du studio, le jeu s’effaçant peu à peu pour laisser place à quelque chose de plus réel.

Nous marchâmes quelques minutes avant de trouver un restaurant au coin d’une rue animée. L’endroit était intime, baigné d’une lumière tamisée. Nous prîmes place à une table près de la fenêtre, où le reflet des néons de la ville se mélangeait aux ombres mouvantes des passants.

— Vous êtes un homme de surprises, lança-t-elle en feuilletant distraitement le menu.

— Seulement quand ça en vaut la peine.

Elle releva les yeux vers moi, son regard empreint de cette lueur indéchiffrable qui m’intriguait tant. La tension de notre jeu n’avait pas disparu, elle s’était simplement transformée en quelque chose de plus subtil, plus profond.

Le repas se déroula dans une atmosphère délicieusement suspendue, entre conversations légères et silences éloquents. Nous évoquâmes nos parcours, nos ambitions, nos visions du monde. Elle se dévoilait par touches, toujours sur la réserve, comme si elle évaluait jusqu’où elle pouvait me laisser entrer dans son univers.

— Et vous, que cherchez-vous exactement ? demanda-t-elle après un moment, jouant avec le bord de son verre.

Je pris une inspiration, mes doigts tapotant distraitement contre la table.

— Honnêtement ? Quelque chose d’authentique. Sans faux-semblants.

Elle esquissa un sourire, cette fois plus sincère, presque tendre.

— C’est rare, ça.

— Peut-être. Mais je crois que vous aussi, vous aimez ce qui sort de l’ordinaire.

Elle ne répondit pas immédiatement, se contentant de me fixer quelques secondes avant de détourner légèrement le regard.

Le repas toucha à sa fin, mais aucun de nous ne semblait pressé de partir. La nuit était encore jeune, et l’histoire que nous commencions à écrire ne demandait qu’à être poursuivie.

 

Suite prochainement ...

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