genderbender
par le 13/03/25
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bonsoir aux courageux qui liront ce premier pavé, il y en a d'autres en stock si jamais un ou deux curieux se montrent intéressés....

je ne sais pas vraiment pourquoi je partage ça ici, ce texte n'a rien de BDSM, il se trouve juste que, chronologiquement, l'adhésion (toute relative) à cette communauté a été l'un des derniers trucs que j'ai fait avant de prendre l'initiative de divorcer... tout est écrit de façon brute, initialement comme un journal intime, non retouché à quelques mots près. 

 

 

" Un bail que je n’ai plus médité, ou écrit. Ces derniers temps, c’était retour sur bdsm.fr et surtout backgammon, à fond. Et puis je préparais la fin de mon mariage. Je crois bien que ça vient tout juste de se produire, pour de bon. Je lui ai dit assez calmement que même la meilleure version d’elle-même ne réussirait pas à me rendre heureux, du moins j’en suis convaincu. Que ce n’est pas une question de choses que l’on fait ou pas, d’ajustements ou d’efforts, non. Pour moi, il y a simplement erreur de casting, et je le sais au fond de moi depuis un moment. Ce soir où j’ai pris la décision de la demander en mariage, seul, défoncé au DXM pendant qu’elle était de garde, je me souviens très bien une grande peur, un gros doute, vite évacué par les propriétés de la drogue. Une fois la décision prise de la demander en mariage, mon cerveau s’est démené pour m’expliquer combien c’était génial et combien c’était sensé se passer comme ça. Pas un mot sur le fait qu’en fait, j’étais juste en train de profiter de son absence pour me droguer, comme toute personne heureuse en ménage le ferait... Il y a peut-être eu des moments où je me suis dit que j’étais trop malheureux de ne pas l’avoir à côté de moi, donc je me droguais pour oublier. Mais alors comment expliquer que je me droguais, plus tard, avant de rentrer la retrouver à la maison, à la fin de ma journée de travail ?

 

Ça commence dans la drogue, ça finit dans la drogue, sauf que là, il n’est pas question que l’histoire dans sa globalité, c’est à dire la mienne, se termine mal. Ça finit, ce mariage finit au moment où je franchis la ligne rouge de l’intraveineuse. Je sais que quelque chose cloche sévèrement, et petit à petit je vois les choses de plus en plus clairement. Maintenant, je ne me drogue plus, et je me sens triste mais calme. J’ai quand même pris un Xanax pour éviter le retour de bâton, mais je me sens mieux. La cage dans laquelle j’étais enfermé vient de s’ouvrir, je sais que je vais pouvoir marcher vers ma liberté. Ça fait peur, mais l’air sur ma peau me pousse à me concentrer sur ce qui arrive maintenant, pas à paniquer au sujet de ce qui pourrait se produire dans un mois, un an ou un siècle.

 

Pour la première, non deuxième fois de ma vie, je suis là, maintenant. J’ai pleinement conscience de ce qui se passe, je me sens prêt, confiant, je sais que je vais grandir encore un peu, comme un arbre qui s’étoffe à chaque saison. Et bien là, un hiver s’achève. La première fois, c’était juste la nuit avant la naissance de mon fils aîné, je sentais que j’étais parfaitement prêt à l’accueillir. Je n’ai jamais ressenti ça à aucun autre moment de ma vie : c’est à dire savoir que quelque chose d’important se passe maintenant, et qu’on a les épaules pour gérer ça au mieux. Cette fois, c’est moi qui décide, d’une certaine façon, ça rend les choses peut-être plus simple niveau timing. Ça a peut-être un rapport avec le backgammon aussi, avoir l’initiative, gérer le timing, bien étudier les positions, ce genre de truc…

 

Je ne m’attendais à rien d’autre que d’être accusé d’être un lâche égoïste et ingrat ; mais je crois que j’avais devancé l’attaque en me l’auto-infligeant des milliers de fois, alors j’ai encaissé sans trop broncher, sans hausser le ton, sans même vraiment relever. J’ai essayé d’être apaisant, en lui répétant que si je pense ne plus avoir envie de vivre avec elle, y compris sa meilleure version (actuellement enterrée sous cinquante couches de névroses en tout genre) ce n’est pas un jugement de valeur, ce n’est pas que je l’estime indigne de moi. Mais évidemment, ce n’est pas ce qu’elle a entendu. Sans surprise, les angoisses matérielles sont venues en premier, peut-être à égalité avec la garde des enfants, comment je vais pouvoir gérer seule ? Problème résolu en amont : tu garderas la maison,et tes parents resteront tes voisins et pourront t’aider avec les garçons.

 

Et puis voilà que finalement, elle revient. Elle devait dormir chez ses parents pour se calmer les nerfs, mais son père lui a pris la tête avec des détails matériels à la con, ce qui l’a fait encore plus paniquer. Me revoilà à peu près là où tout à commencé à s’achever : la salle de jeu / studio de musique. C’est ici qu’après les intraveineuses, je me suis posé, ai écrit, ai joué de la gratte, bien sûr. C’est là que j’ai passé la nuit avec mon pote d’enfance à parler d’elle, de notre divorce imminent, tout en prenant une énorme cuite ponctuée de jams appréciables. C’est là aussi que j’ai médité. Dans cette pièce, on a aussi pas mal joué avec les enfants, mais c’est surtout ma salle de jeu, que je vais devoir quitter d’ici quelques temps. M’y revoici, presque divorcé ce soir, pour ce que ça change…

 

C’est aussi dans cette pièce que j’avais dévoré les deux biographies de Jimi Hendrix peu avant de tenter une approche purement sexuelle, lorgnant sur le BDSM dans le but de sauver mon mariage : un échec cuisant. Je crois que c’est Jimi qui m’a poussé à agir, alors bien sûr qu’il y a une part d’excitation à l’idée d’entrevoir les prémices d’une vie de célibataire qui imiterait sa courte et brillante existence, mais je sais bien qu’il faut que je descende d’un cran, car ça risque de ne pas être vraiment ça… respire mon petit, demain sera un autre jour, dans un sens plus profond et plus vrai qu’il n’a jamais été de toute ta vie ou presque.

 

J’ouvre un oeil et un mélange de désir sexuel et de positions de backgammon et de videau secouent mon corps et mon esprit à nu. Il est trop tôt pour me lever, alors je débute cette nouvelle journée par deux matchs en douze points contre un australien muet : deux belles défaites, pas bien glorieuses ni chanceuses. J’avais pensé à me branler sinon, ça aurait peut-être mieux valu, qui sait ? Ou bien aller prendre ma douche pour débuter cette nouvelle vie frais, mais il faut croire que tout ne peut pas changer d’un coup. Traîner, faire les choses nécessaires au dernier moment, se goinfrer de tout ce qui fait envie d’ici là, jusqu’à plus faim et plus si possible. Mais ne pas reculer pour autant devant l’inévitable, même si toujours ou presque il est abordé en retard, je ne suis pas du genre à fermer les yeux. J’ai mis longtemps à comprendre que j’ai câblé mon cerveau à l’inverse de ce que maman disait : « plus vite fait, plus vite tranquille ». J’ai passé ma vie à élaborer un slogan alternatif du style : « la vie c’est chiant, le jeu c’est bien : n’agir que si c’est strictement nécessaire et si personne ne le fait à ma place ». Je sais, il va falloir travailler la formule, et puis en fait probablement aussi un peu trouver un compromis entre les deux, ce que je croyais que serait mon mariage, mais ce n’est pas parce qu’on est un adolescent insolent, joueur et provocateur qu’il faut se mettre en couple avec une personne rigide, obsessionnelle de l’organisation et pisse-froid. Elle appréciera si un jour elle lit ces lignes, je souhaite pour elle me tromper, mais il me semble qu’elle n’a pas su vraiment développer sa compréhension de ce qu’elle est au fond, alors elle à travaillé sur la forme, celle d’une « adulte » responsable, organisée, travailleuse, « parfaite » d’après les critères de son père. Ce qu’elle veut vraiment, ce qu’elle aime vraiment ? Je n’en sais rien, elle n’en sait rien, mais j’espère qu’elle le trouvera un jour, pour elle évidemment, mais aussi et surtout pour nos enfants. En tout cas, j’en suis arrivé à la conclusion que je n’aurais jamais la réponse à cette question, enfin que je n’aurais jamais la patience d’attendre sa réponse, ni la vitalité pour encaisser émotionnellement tout ce qu’implique de vivre quelques années de plus avec une personne à ce point à la dérive. Et que si quelqu’un peut bien l’aider à trouver ce qu’elle veut et ce qu’elle aime, vraiment, ce n’est pas moi. Et que de toute façon, ça ne me conviendra pas vraiment, enfin je crois. Il se pourrait aussi que je sois responsable d’une certaine manière de la dégradation de son état, par mon attitude intransigeante, distante et fermée qui rappelle fortement celle de son père. C’est juste que, malgré les doutes qui persistent, je suis plus qu’absolument certain d’une chose : on est pas éternel, et je n’ai pas le temps ni les moyens d’attendre dix ans de plus pour passer d’une probabilité de victoire de 0.1% à 1%, car je n’envisage pas vraiment de gain supérieur au bout du compte, même avec les meilleurs dés possibles… il faut laisser tomber cette manche, beaucoup trop à perdre et pour ainsi dire rien à gagner, et je m’approche du point du match où il faut devenir nettement plus agressif si on veut espérer renverser la tendance, viser le gammon doublé. J’ai beau forcer le trait, je n’arrive pas à trouver ces analogies entre la vie et un match de backgammon cucul. Je trouve ça beau, profond et incroyablement vrai. Il faut peut-être vraiment que je revoie ma psychologue dans ce cas…." 

 

9 personnes aiment ça.
Eva
Et ben ……
J'aime 14/03/25
Nicolille
c'est profond comme introspection!
J'aime 14/03/25
genderbender
@eva : j’ai du mal à interpréter votre réaction. Quelques precisions ? Ou pas, j’ai vu que vous avez cliqué sur le bouton j’aime, alors ça doit quand même être positif
J'aime 14/03/25
genderbender
@nicolille : en tout cas le but initial est là : écrire pour soi, pour éclairer son propre chemin. Après, pourquoi on décide de partager ces écrits ? C’est un autre débat…
J'aime 14/03/25
Eva
genderbender si je vous réponds que j’aime ce que j’ai lu et que cela donne à réfléchir, cela vous suffira comme réponse ?
J'aime 14/03/25 Edité
genderbender
@eva : oui et non, car à ce moment là, je me demanderais vers quelles réflexions vous amène ce texte. Mais je ne suis pas certain d’être curieux à ce point, quoique…
J'aime 14/03/25
gitane sans filtre
Tout d'abord une belle plume, et ce texte amène des réflexions plus profonde (chacun ressent en fonction de soi!) et sourire : ce texte n'a rien à voir avec le BDSM ... vraiment ?
J'aime 16/03/25
genderbender
@gitane sans filtre : merci 😁 mais je maintiens que ce texte n'a pas de rapport avec le BDSM, à l'exception peut-être de la démarche de mise à nu, qui me faisait un peu peur au départ, mais qui finalement fait beaucoup de bien
J'aime 16/03/25
genderbender
@orija : merci, pour le moment je me laisse porter par la dynamique. j'imagine que ça devrait faire le travail
J'aime 17/03/25
relation masochistes avec la drogue
J'aime 24/03/25
genderbender
@plug : ce n’est pas si simple que ça, car les opiacés ne provoquent aucune douleur, plutôt l’exact opposé. Les drogues font des dégâts à la longue, mais jamais mal au moment où on les consomme (bon, le lendemain, ou à la fin de la soirée, c’est autre chose…)
J'aime 24/03/25
ce n est pas ce que je voulais dire.
J'aime 24/03/25
les opiacés provoquent du plaisir , ils ont consomés par la personne dépendante qui sait tres bien que cela la detruit , et que le manque sera tres penible d'où la relation sado masochiste
J'aime 24/03/25
genderbender
Je vois votre analogie. j’admets que, dans mon expérience en tout cas, la consommation et le plaisir induit ont pu avoir une connotation sexuelle, dans le sens où le produit agissait comme un remède à une frustration sexuelle en ouvrant un espace de douceur et de créativité. Mais la conscience de se détruire est très partielle (et c’est bien l’un des problèmes en addictologie). Enfin je n’ai jamais été pharmocologiquement (ou physiquement) dépendant, ce que vous dites a peut-être plus de pertinence dans ce cadre là. Après ce n’est que mon expérience, ne le prenez pas mal si ça ne colle pas avec votre idée / vécu, chaque histoire est unique en addictologie comme ailleurs
J'aime 24/03/25
Luxurésens
Il faut vraiment que je lise plus cette section ....... Votre façon d'écrire et les raisons me parlent énormément. Comme vous mes écrits sont du style "journal intime". Ils sont mon defouloir, ma soupape de vidange, le bilan que je fais sur une situation ou une pensée. J'y évacue mon trop plein, je me permet de suivre le fil sans revenir sur les mots, juste corriger les fautes ....... Juste le permettre de ressentir pleinement ce que j'essaie de contenir. Donc votre texte même si je n'en comprends pas toutes les strates m'a touché profondément. Parce que c'est exprimé avec les tripes, avec le coeur et que forcément ça résonne et raisonne ...... Ça chamboule, ça entraîne, ça emporte et on respire avec vous, on vibre avec vous et quelque part on souffre et on se libère avec vous, au fil des mots, des lignes ....... Merci pour ce texte, je vais m'empresser de lire la suite pour faire un brin de route dans vos chaussures. (Je ne dis rien sur la situation, elle est votre, je n'ai aucun droit de la juger ou de la commenter, mais juste une chose vous êtes pas un connard, si vous l'étiez vous vous poseriez pas autant de questions 😉)
J'aime 24/03/25
genderbender
bon comme d'habitude, j'ai fait les choses à l'envers en réagissant d'abord à votre dernier commentaire sur cette série de textes... le premier me touche encore plus, vous comprenez très bien l'intensité de ce que l'on jette dans ce "journal intime" et le bien que ça fait de relire ce que l'on arrive à verbaliser pour essayer de comprendre un peu ce que l'on a sur le coeur. en somme, nous nous comprenons, et ça fait du bien, de se sentir compris. Je crois bien que c'est cette sensation que je recherchais en partageant ces texte. Du fond du coeur (encore) : merci à vous
J'aime 24/03/25 Edité
Luxurésens
Merci à vous de nous vous être livré sans retenue, sans fard. Être compris par les autres et donc accepté dans ses différences c'est important pour beaucoup de monde, je suis ravie que vous ayez trouvé ce soulagement et cette assurance 🙏
J'aime 24/03/25