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analogique
#40
Décidément, ce fil de présentation est prétexte à toutes les discussions fondamentales...

suricata a dit...

S pour sado en rapport direct avec le marquis de Sade.
...
M pour masochisme : le représentant de ce terme étant sacher masoch.


Pas sûr que le rapport entre Sade et le sadisme du bdsm soit si direct alors que le mot "sadisme" n'existait pas encore du vivant de Sade... ni que Sacher Masoch ait souhaité être représentant d'un terme dans l'acception que Krafft-Ebing lui a donné.

Les termes de sadisme et de masochisme ont été fondés a postériori (plusieurs décennies après le décès du premier et dans les dernières années du second), et l'ont été d'abord dans le but de qualifier des conduites pathologiques, et non des conduites érotiques. Raison pour laquelle ces deux termes permettent des interprétations multiples dans la plus grande confusion.

Beaucoup de pratiquants du bdsm ne se reconnaissent en rien dans le sadisme de Sade, qui n'est absolument jamais consensuel. Dans les écrits de Sade, les victimes sont bien des victimes et ne sont jamais consentantes. A l'opposé, Deleuze a mis en évidence la nature toujours contractuelle de la relation masochisme dans l'oeuvre de Sacher Masoch. Beaucoup de pratiquants du bdsm ne se reconnaissent cependant pas dans les écrits de Deleuze sur Sacher Masoch (où le soumis éduque sa Maitresse et la forge à la mesure de son fantasme, quel vilain souminateur!)... Ce qui est bien normal puisque Deleuze ne parle pas de bdsm, mais parle de littérature.

Pour se simplifier la vie, se comprendre et se faire comprendre, beaucoup de pratiquants bdsm essaient de distinguer un sadisme (ou un masochisme) pathologique et destructeur d'un sadisme (ou d'un masochisme) éclairé et épanouissant. Il est très rare que le sadisme (ou le masochisme) érotique des pratiquants bdsm ressemble de près (ou même de loin) à celui des auteurs qui ont inspiré l'étymologie de ces mots.

Maître Koï a dit...

Il semble bien que si l'on s'attache à l'histoire du Marquis et non à la légende, il ne soit qu'un criminel.


suricata a dit...

Sade a dénoncé dans ces écrits, tourmenté qu'il était par des années de frustration due à la prison, peut être en les amplifiant, les pratiques de ces gens de haut rang, rien de plus.


Ce qui est assuré (et sans doute fascinant) avec Sade, c'est qu'on peut en faire des lectures fondamentalement variées, voire diamétralement opposées.

Sans doute conviendrait-il de distinguer ses écrits et sa vie. Mais s'il n'a pas commis de crime de sang, sa conception du libertinage n'en fait pas pour autant un sympathique partenaire bienveillant pour d'agréables parties de jambes en l'air...

Michel Onfray voit chez lui une préfiguration des systèmes totalitaires qui conduit droit au fascisme. Pasolini ne l'avait pas attendu pour dresser ce parallèle.
Annie Lebrun retient la figure irréductible et tellurique de la supériorité du désir et des pulsions qui incendient les normes sociales des siècles qui vont suivre.
D'autres (suricata, peut-être) voient le révolutionnaire jusqu'à en faire une figure de justicier qui dénonce les horreurs de son temps. Il semble évident que la posture moralisatrice est une clause de style, mais bon...
D'autres encore s'arrêtent au système philosophique qui place la nature et son pouvoir de destruction injuste au dessus des valeurs humanistes en vogue depuis les lumières.
Certains sont fascinés par l'aspect mécanique et répétitif du désir.
On pourrait dresser ainsi une liste interminable des grilles de lectures auxquelles on peut soumettre Sade (quel comble!)...

Sade est sans doute tout cela, tout et son contraire. En tout cas sa lecture s'y prête.
Et ce qui est intéressant c'est précisément la lecture que chacun en fait rétrospectivement, ce qu'on choisit d'en retenir ou pas. Parler de Sade aujourd'hui, c'est d'abord parler de son propre rapport au sadisme, et c'est donc comme le reste: c'est avant tout parler de soi.
Mais il ne faut pas oublier que se réclamer de Sade, c'est s'éloigner de la conception du bdsm qui se réfère au consentement mutuel et éclairé, et à la bienveillance. Sade se contrefoutait de la bienveillance, et s'il avait connu le bdsm tel qu'on l'envisage aujourd'hui, il ne lui aurait sans doute pas consacré la moindre page...

Le Bdsm? Trop fade pour Sade.

Et nous et le bdsm dans tout ça? Ben, tâchons déjà ne pas trop confondre la biographie des uns et les écrits des autres, et de ne pas trop nous planter dans ce qu'il nous restera à écrire à la première personne ensuite...
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